Depuis une dizaine d’années, avec Wallah We Can, Lotfi Hamadi s’engage pour offrir des perspectives d’avenir à la jeunesse tunisienne.
Il est de ces personnes dont la foi est inébranlable. Lotfi Hamadi croit en l’avenir. Et il est persuadé que le quotidien des Tunisiens finira par s’améliorer si la nation prend soin de ses enfants.
Après la révolution
Né en Tunisie, Lotfi Hamadi a grandi en France, où il a réussi sur le plan professionnel. Il est retourné brièvement tenter sa chance dans son pays d’origine avant d’en repartir déçu, et d’aller vivre au Canada. Ce n’est qu’en 2011, à la faveur des « printemps arabes », qu’il s’est décidé à rentrer, voulant prendre part à l’élan démocratique de cette nouvelle Tunisie. « Le vrai défi vient après la révolution », assure-t-il.
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Arrivé à Tunis plein d’espoir et avec l’idée de développer des projets économiques, il se retrouve face à « des jeunes sans ambition, complètement éteints ». Son constat est sans appel :« Il faut repartir à la base. » Sans jeunes formés et motivés, rien de beau ne pourra se faire dans le pays. Dès 2012, Lotfi est à l’initiative de Wallah We Can (« Oui nous le pouvons » en dialecte tunisien, par allusion au « Yes we can » prononcé par Barack Obama). D’abord hébergé par l’association Génération Liberté, le mouvement Wallah We Can s’autonomise pour devenir une association en 2016, puis une fondation en 2019. Mais une chose n’a jamais changé : son engagement en faveur des droits des enfants et pour l’éducation en Tunisie.
Tout part de l’école
Lors de son retour en Tunisie en 2011, Lotfi Hamadi découvre avec stupeur les conditions de vie et de travail des 2,4 millions d’enfants scolarisés. Ces conditions, déplorables, sont même souvent indignes en ce qui concerne les 150 000 élèves, issus de familles défavorisées n’arrivant pas à subvenir à leurs besoins, accueillis dans les 339 internats du pays. Le constat est sans équivoque : les infrastructures sont vieillissantes, voire délabrées. Ce sont des écoles « en ruines »que découvre Lotfi. Dans les cantines, les repas ne sont pas équilibrés… quand les établissements disposent d’une cantine ! « En Tunisie, le ministère de l’Éducation consacre 95 % de son budget à la masse salariale », précise le fondateur de Wallah We Can. Ne subsistent donc que des miettes pour l’entretien, la réhabilitation ou la construction d’infrastructures, ainsi que pour les projets pédagogiques.
Le manque de moyens est le nœud du problème. Lotfi Hamadi cultive donc l’idée de créer un écosystème au sein des écoles qui réponde « à toutes les problématiques du pays, qu’elles touchent à l’alimentation, à l’accès à l’énergie ou à l’émigration des jeunes ». Une expérience pilote est mise en place dans l’internat du collège de Makhtar, dans le gouvernorat de Siliana, selon un modèle qui assure une autonomie énergétique et une autosuffisance alimentaire à l’établissement, et générant des profits qui sont réinvestis dans les infrastructures pédagogiques et ludiques. De plus, cette green school a permis de fournir à certains parents d’élèves un emploi dans les champs qui produisent les fruits et légumes destinés à la cantine scolaire. Cette entreprise sociale, écologique et solidaire instaure ainsi un cycle vertueux bénéficiant à toute la famille.
Développer des partenariats
Les projets de Wallah We Can sortent du cadre habituel, par leur durée et leur ampleur. L’expérience pilote de Makhtar a duré 11 ans. C’est le temps qu’il faut selon Lotfi Hamadi « pour analyser le fonctionnement d’un projet, et voir ce qui va ou ne va pas ». Il s’insurge contre les projets financés par les grands bailleurs de fonds, soumis à des échéances politiques courtes, et dont les résultats ne sont pas pérennes. « Lorsque l’on voit l’importance des fonds et l’absence de résultats, il y a lieu de se poser des questions », estime-t-il.
Lotfi est inquiet : « On rogne sur les budgets éducation : on fait supporter aux enfants les choix budgétaires des adultes. » Pour pallier le manque de financement étatique, il souhaite passer par la création de partenariats stratégiques, à l’image de celui signé avec l’université de Poitiers qui possède une spécialisation dans l’agriculture en milieu aride et apporte son expertise à la fondation Wallah We Can. Il faut dire que cette dernière est sur le point de concrétiser un projet d’envergure qui, à terme, va permettre de réhabiliter les 207 écoles du gouvernorat de Bizerte. Pour financer ces rénovations, dont certaines sont urgentes, Lotfi compte sur un projet d’agroforesterie et d’agrotourisme, organisé sur 450 ha de terres que va louer la fondation, et dont le financement est soutenu par le Gouvernement hollandais à hauteur de 1 million d’euros. Une signature a eu lieu mi-novembre dernier avec l’ambassadeur des Pays-Bas en Tunisie. En dépit des défis immenses auxquels elle est confrontée, la fondation Wallah We Can poursuit, bon gré mal gré, son engagement pour « sanctuariser l’enfance ».
De projets multiples : des résultats concrets
Lotfi Hamadi ne manque pas d’idées. Il aimerait créer un média « Wallah We Can News » afin d’offrir à ses compatriotes un canal d’informations fiable et efficace, à même de faire des Tunisiens des citoyens avertis, et bien informés. Comme pour la jeunesse, avec l’éducation.
D’autres projets, déjà créés, ont prouvé leur efficacité. Avec Ecolibree, mis en place en partenariat avec Chantelle, Wallah We Can a pu lutter contre la précarité menstruelle. Cela passe par la production de culottes hygiéniques lavables : celles-ci sont commercialisées à l’étranger, et les bénéfices des ventes permettent de financer la distribution gratuite de ces protections aux jeunes filles en Tunisie.
La fondation était aux avant-postes lors de la pandémie de Covid-19. Wallah We Can a lancé l’action Nafssouna, rebaptisée par la suite « Wallah We Care ». Un logiciel a été créé, permettant d’identifier en temps réel les besoins des hôpitaux en équipements hospitaliers et en équipements de protection individuels. Dans un second temps, l’action s’est concentrée sur les services pédiatriques et de néonatalogie.
Wallah We Can est également fortement impliquée dans l’accompagnement des enfants victimes de violences et d’abus sexuels. En 2020, la 47Mobile a été lancée. Ce véhicule permet de transférer des enfants subissant des violences psychologiques, physiques ou sexuelles à l’Ambassade de l’enfance, un centre ouvert à Hammam Lif, où ils bénéficient d’un accompagnement psychologique, médical et juridique.
Wallah We Can
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