Évoquez le vin, où que vous soyez dans le monde, et votre interlocuteur ne manquera pas d’entamer la conversation sur le prestige de la France dans ce domaine, la variété de ses cépages et la qualité de ses crus. En effet, les terroirs viticoles marquent l’identité française. Certains domaines ont acquis le statut de star internationale, à l’image de Romanée-Conti en Bourgogne ou de Petrus dans le Bordelais. Les prix des bouteilles vendues dans les salles d’enchères atteignent des sommets. La vigne est aujourd’hui encore un moteur de l’économie nationale.
Cette façade ne saurait cacher les difficultés et la concurrence de plus en plus rude auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur en France. Cependant, après avoir quitté la 1re place du podium des exportations et connu des années difficiles, notamment dans le Bordelais, l’Hexagone renoue avec l’excellence, sous l’impulsion d’une nouvelle génération de viticulteurs et d’œnologues passionnés. De nouveaux vins, « nature », voient le jour. La viticulture, qui a façonné le territoire, continue d’évoluer.
Par Stanislas Gaissudens
Le pays du vin
Ce n’est pas en France qu’est née la culture de la vigne, mais elle s’y est épanouie au fil des siècles, pour y devenir prépondérante.
La culture de la vigne, auparavant sauvage, remonterait à -7000 avant notre ère. Les premiers à l’avoir domestiquée seraient les peuples d’Asie, avant que ce procédé s’étende sur les rives de la mer Méditerranée, en Grèce, puis dans tout l’Empire romain. Le premier vignoble français aurait été implanté dans la cité phocéenne de Massalia (Marseille), vers -600 avant J.-C., puis cette pratique se serait propagée dans toute la Gaule sous l’impulsion des Romains. Au Ier siècle, la culture de la vigne se répand dans la vallée du Rhône, puis au IIe siècle en Bourgogne et dans le Bordelais, pour atteindre la vallée de la Loire au IIIe siècle, la Champagne et la vallée de la Moselle au IVe siècle.
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Pour les Romains, le vin n’est pas qu’une affaire de profits. Il revêt un caractère quasi religieux, qui s’intensifie avec la christianisation de l’Empire. En effet, le concile d’Aix-la-Chapelle de 816 prescrit la culture de la vigne pour les congrégations monastiques, car le vin est indispensable à la célébration de l’eucharistie. Défrichant les forêts et asséchant les marais, ces congrégations contribuent à développer de grands domaines viticoles, qui renforcent la puissance et la richesse du clergé au cours du Moyen-âge. À titre d’exemple, en Bourgogne, l’évêque d’Autun était tout-puissant. Son église-cathédrale rayonnait sur toutes les paroisses alentour, celles d’Aloxe, Pommard, Volnay, Meursault, Chassagne et Monthélie, aujourd’hui encore de grands terroirs viticoles. La vigne avait également un rôle politique pour l’évêque. Il réservait au roi et aux seigneurs le meilleur accueil possible dans sa cité, en leur offrant un « vin d’honneur » extrait de son cellier personnel. Il s’agissait là d’un devoir d’État.
Une renommée mondiale
Au fil des siècles, la viticulture et la vinification françaises se sont perfectionnées, permettant d’obtenir des vins de qualité constante en grande quantité. Selon l’historien Roger Dion, cette qualité ne vient pas seulement des terroirs, ni des cépages. Elle dépend surtout des goûts et des attentes des clients. Les crus classés de bordeaux devraient leur excellence à la clientèle anglaise, formée de princes et de négociants qui ont cherché dès le Moyen Âge à acquérir des produits haut de gamme. La naissance des grandes appellations de bourgogne s’expliquerait par les exigences de la cour des ducs de Bourgogne, à Dijon. Le nez frais et ouvert des côtes-du-rhône septentrionaux, dominé par de subtiles notes épicées, tiendrait son originalité des attentes de la bourgeoisie lyonnaise. Le succès du champagne résulterait d’une invention anglaise qui connaîtra une grande vogue dans les hautes sociétés britannique et française. Pour Roger Dion, le terroir est un « fait social et non géologique », une construction historique avant toute chose.
Alors que la réputation des domaines français ne cessait de croître, les vignobles se multipliaient. À ce jour, le pays compte environ 750 000 ha de vignobles, soit près de 10 % de la surface mondiale de vignes de cuve. L’Hexagone reste bel et bien le « pays du vin », même si la vigne a conquis de nouveaux territoires : Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Chine, etc.
Le saviez-vous ?
À la fin du XIXe siècle, le phylloxéra, un puceron introduit accidentellement dans le sud de la France, détruit une grande partie du vignoble (pour combattre ce fléau, la solution sera de greffer les vignes sur des racines de vignes américaines, résistantes). Cette destruction massive a pour conséquence une pénurie de vin, ce qui entraîne des abus dans la fabrication. Pour pallier ce problème, sont établies des réglementations, dont la création du service de la Répression des fraudes en 1905, et plus tard la notion d’Appellation d’origine (AO), suivie en 1935 de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC), puis en 2009, au niveau européen, de l’Appellation d’origine protégée (AOP).
Aller plus loin
Cet ouvrage de l’historien Roger Dion publié en 1959 (et réédité en 2010) a révolutionné l’approche traditionnelle de l’histoire et de la géographie viticoles. Il reste aujourd’hui encore la référence pour comprendre la grande aventure des vignobles et du vin français.
Histoire de la vigne et du vin en France — Des origines au XIXe siècle
Par Roger Dion – CNRS Éditions – 770 p. – 35 €
Les grandes régions viticoles de France
Champagne : des maisons à la pointe du marketing
Les vins de Champagne, produits depuis plusieurs siècles, ont réussi à acquérir une image prestigieuse que rien ne semble pouvoir entacher. Leur contribution au commerce extérieur de la France est majeure.
Les vins effervescents de Champagne sont nés au milieu du XVIIIe siècle. Auparavant, la région était connue pour ses vins rouges dits tranquilles (contraire d’effervescents). Le chanoine Godinot (et non Dom Pérignon, comme on aime à le dire) fut le premier à publier, en 1718, un ouvrage évoquant la prise de mousse des vins de Champagne. Il y est constaté que les raisins les plus verts au moment de la vendange sont ceux qui apportent le plus de mousse. Les vins sont assemblés avec les meilleures grappes, pour casser l’acidité trop prononcée.
Lorsqu’ils réalisent le potentiel commercial des exportations de vins effervescents, les négociants champenois, principalement situés à Reims et Épernay, se concentrent sur la satisfaction de la demande en Europe du Nord et de l’Est.
De grandes maisons
La famille Ruinart est la première, dès les années 1730, à s’installer dans cette activité, alors qu’elle faisait auparavant commerce de draps. Elle vend du vin tranquille, avant de développer une activité de vin effervescent. (Irénée Ruinart, petit-fils du fondateur de la maison Ruinart, se rendra régulièrement à la cour de Charles X, et sera récompensé pour son approvisionnement en vin mousseux en se voyant octroyer le titre héréditaire de vicomte.) Suivent les maisons Chanoine, Moët, Delamotte, Clicquot ou encore Heidsieck, au fil du XVIIIe siècle. La famille Moët, déjà propriétaire de vignes, fait mention d’une première vente de vins effervescents en 1744, en faveur du maréchal de Noailles. Claude Moët aurait convaincu Madame de Pompadour, maîtresse du roi Louis XV, que le champagne était le vin le plus exquis qui soit, et elle en fera rapidement un vin de cour. La maison Clicquot naît en 1772, grâce à Philippe Clicquot, drapier et banquier à Reims, qui se lance dans la vente des vins qu’il tire de ses vignes. C’est son fils et surtout sa belle-fille, veuve très jeune, qui font la renommée des vins mousseux de la famille. La marque prendra le nom de Veuve Clicquot.
La force des maisons de Champagne est d’avoir su tisser des liens commerciaux privilégiés avec le pouvoir, à même de promouvoir leurs vins. La Révolution française semble ne les avoir que peu affectées. Fournissant d’abord les révolutionnaires, puis l’Empire napoléonien et finalement la Restauration, elles ont réussi à obtenir les faveurs des divers régimes qui se sont succédé et elles n’ont ensuite cessé de développer la popularité d’un vin que l’on ne nomme plus que « champagne » depuis le XIXe siècle. Les producteurs ont toujours eu à cœur de défendre cette appellation.
Pour mutualiser leurs efforts, les maisons de Champagne s’unissent, dès 1882, au sein du Syndicat du commerce des vins de Champagne. À la fin du siècle, le champagne a même son pavillon lors des expositions universelles de 1889 et de 1900. Les expéditions annuelles de champagne sont multipliées par 100 au cours du XIXe siècle, atteignant 28,5 millions de bouteilles en 1899.
Garder son authenticité
L’AOC « champagne » est reconnue dès 1936. En 1941, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne voit le jour. L’un de ses rôles fondateurs est la protection de l’appellation partout dans le monde. À cette époque, il lutte principalement contre les vins mousseux qui sont nommés « champagne » abusivement, principalement parce qu’ils ne proviennent pas de l’aire géographique définie. Le champagne, ce n’est pas le prosecco italien, ni le cava espagnol. À partir du milieu des années 1980, le Comité champagne étend son champ de protection. Désormais, toute utilisation de l’appellation pour en exploiter la réputation est proscrite, y compris en dehors du vin.
Aujourd’hui, l’appellation est reconnue et protégée dans plus de 121 pays, avec des exceptions notables comme les États-Unis, le Brésil et la Russie. Cette question est sensible, et peut être utilisée comme arme diplomatique. Suite à la prise de position de la France en faveur de l’Ukraine dans la guerre contre la Russie, la législation russe a imposé aux vignerons de Champagne d’utiliser l’appellation « vin effervescent », et non plus « champagne » sur leurs étiquettes. Le terme n’est plus traduit en alphabet cyrillique. Depuis le 1er janvier 2022, seuls les vins effervescents provenant de Russie peuvent utiliser le terme « shampanskoe » (« champagne » en russe). Pour les maisons de Champagne, c’est un coup dur, même si elles peuvent toujours compter sur leur nom et leur image.
La filière a néanmoins su surmonter la crise liée à cette guerre, et celle liée à l’inflation. La forte hausse du cours des matières premières et des composants du champagne ont en effet eu un impact non négligeable sur les prix, qui ont augmenté de 5 à 10 % en 2022. Néanmoins, cette hausse n’a pas freiné les consommateurs, notamment à l’étranger. L’année dernière, ce sont 325,5 millions de bouteilles qui ont été expédiées. Un record historique.
Œnotourisme : une réponse à des enjeux d’avenir
Les vignobles constituent un atout majeur pour le tourisme français. Le développement de l’œnotourisme dans le pays n’en est qu’à ses prémices.
Selon Atout France, l’agence du développement touristique national, un tiers des touristes interrogés citent le vin et la gastronomie comme motivations de leur choix d’un séjour dans l’Hexagone. Les étrangers venus découvrir les vins et vignobles français sont estimés à 10 millions par an, pour une dépense globale de 5,2 milliards d’euros. La clientèle étrangère représente 42 % de la fréquentation (dont 27 % de Belges, 21 % de Britanniques, 15 % d’Allemands, 11 % de Néerlandais et 4 % d’Américains [« Tourisme et vin », Éditions Atout France, 2017]).
Le tourisme viticole, ou œnotourisme, est une manière de découvrir une région, en visitant les vignobles, en suivant les routes des vins et les sentiers de promenades, et en participant à des activités proposées par les domaines et châteaux. Ils sont de plus en plus nombreux à se diversifier dans l’accueil de touristes en complément de la production et de la vente de leurs vins.
Des enjeux majeurs
Les enjeux liés à l’économie de l’œnotourisme sont importants, tant pour l’accroissement de la fréquentation des régions viticoles que pour stimuler la vente des vins, et cela alors que certains vignobles soumis aux aléas climatiques ou subissant une baisse de la consommation sont en crise, à l’image du Bordelais (cf. encadré). En France, l’œnotourisme attire presque autant de visiteurs étrangers que français.
Le Bordelais est la région la plus attractive pour ce type de voyages. Il a pour objectif de devenir la première destination œnotouristique d’Europe. L’emblème de cette volonté de développement du secteur est sans nul doute la création de la Cité du Vin, qui a accueilli plus de 2,5 millions de visiteurs depuis son inauguration en juin 2016. Ce lieu culturel unique au monde, porté par la Fondation pour la culture et les civilisations du vin (un organisme privé reconnu d’utilité publique), a pour but d’assurer « la transmission, la valorisation et la sauvegarde du patrimoine culturel, universel et vivant du vin ». Aujourd’hui, les circuits préférés des visiteurs suivent les prestigieux terroirs du Médoc pour y découvrir les secrets des pauillac, margaux, saint-julien, et saint-émilion. La gastronomie est également un atout essentiel. Au-delà des multiples crus classés qui composent le vignoble bordelais, pas moins de treize restaurants étoilés sont implantés dans la région.
La Bourgogne est l’autre grande destination œnotouristique, et plus encore depuis que les climats de Bourgogne ont été inscrits en 2015 au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les « climats » sont des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon. « Elles se distinguent les unes des autres par leurs conditions naturelles spécifiques qui ont été façonnées par le travail humain et peu à peu identifiées par rapport au vin qu’elles produisent », selon l’Unesco. Les villes de Beaune et Dijon sont deux hauts lieux du tourisme viticole et contribuent à l’attrait de la région. Pour les professionnels du tourisme, qui bénéficient de cette renommée et de cette attractivité, les bénéfices sont importants. Pour les producteurs, qui renforcent la notoriété de leur produit et la vente de leur vin, la plus-value est réelle. Selon les chiffres publiés par la région Bourgogne-Franche-Comté, en moyenne, un domaine viticole augmente son chiffre d’affaires de 20 % en proposant des prestations œnotouristiques. Le secteur connaît une croissance annuelle soutenue, de 5 à 10 % (hors Covid-19 en 2020).
Attention à la surproduction !
Comme le faisait remarquer début septembre une journaliste de l’hebdomadaire britannique The Observer, « moins les Français mangent de viande, moins ils boivent de vin rouge ». La consommation de vin rouge dans l’Hexagone a baissé de 32 % en dix ans. Et le vin de bordeaux est le premier touché par cette désaffection. Afin d’éviter la surproduction, 9 500 ha de vigne doivent être arrachés, soit 10 % du vignoble bordelais.
Le ministère de l’Agriculture et la Fédération des grands vins de Bordeaux proposent 6 000 euros par hectare pour l’arrachage de vignes afin d’aider les viticulteurs en crise. En tout, 57 millions d’euros ont été débloqués pour « dédensifier » le vignoble. Dans le Cognac, en dépit d’une conjoncture incertaine et de ventes en baisse en 2022, l’interprofession a choisi de planter 3 129 ha de nouvelles vignes en 2023, une décision validée par France AgriMer (l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer).
La France retrouve la 1re marche du podium
La France, qui occupait depuis plusieurs années la seconde place du podium mondial des producteurs de vins, derrière l’Italie, est revenue en septembre 2023 sur la plus haute marche.
Si la France a longtemps été le leader incontesté de la production de vin dans le monde, elle est progressivement descendue de son piédestal. Depuis 2007 (mis à part 2011), c’est l’Italie qui occupe la 1re place (en volume). En 2021, la France a même été rétrogradée en 3e position, derrière l’Italie et l’Espagne. Gel, mildiou, sécheresse : les viticulteurs français ont subi de plein fouet les aléas climatiques. Face à cela, l’œnotourisme est important en ce qu’il leur permet de diversifier leurs sources de revenus. Il est à noter que la France reste cependant le 1er exportateur en valeur, avec 12,2 milliards d’euros de vin et d’eau de vie de chiffre d’affaires provenant de l’étranger en 2018, ce qui représente plus de 2 milliards de bouteilles vendues dans plus de 200 pays.
Le 23 octobre, l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin) a annoncé que la France redevenait le premier producteur mondial de vin en volume. Selon l’Agreste (service statistique du ministère de l’Agriculture), la production viticole française s’élèverait en 2023 à 46 millions d’hectolitres,« soit un niveau comparable à celui de 2022 et supérieur de 3 % à la moyenne 2018-2022 ». Par contre, la production des vignobles italien et espagnol a chuté cette année, sous l’effet des aléas liés au climat et surtout du mildiou. Ces causes sont conjoncturelles, et il y a fort à parier que l’Italie retrouve dans un avenir proche la 1re marche du podium.
Un secteur prépondérant
Cette 1re place est symbolique mais elle est importante pour la France, tant le vin y joue un rôle économique de premier ordre. Alors que les vignes ne représentent que 3 % des surfaces agricoles du pays, elles pèsent pour 15 % de la production en valeur. Au niveau des exportations, les vins et spiritueux sont les seconds contributeurs à la balance commerciale, derrière l’aéronautique, mais devant les cosmétiques. La viticulture est par ailleurs un important pourvoyeur d’emplois. Le secteur génère environ 500 000 emplois directs et indirects sur le territoire.
Le saviez-vous ?
L’Union européenne est de loin le plus important producteur de vin au monde. De 2016 à 2020, elle a produit en moyenne 165 millions d’hectolitres par an. En 2020, elle représentait 45 % des zones viticoles mondiales, 64 % de la production et 48 % de la consommation. La vitiviniculture (activités de la vigne et du vin) est le premier secteur agroalimentaire de l’UE en termes de valeur d’exportations (7,6 % en 2020).
Et dans le reste du monde ?
L’année 2022 a été marquée par une forte inflation et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Dans ce contexte, de nombreux marchés ont connu une augmentation significative des prix des vins, ce qui a entraîné une légère baisse des volumes consommés. Cependant, la valeur globale des exportations mondiales de vin est la plus élevée jamais enregistrée.
Une influence française
Il n’est pas un territoire sur la planète qui n’ait aujourd’hui ses vignobles. Certains, par la qualité de leur production, sont de féroces concurrents des vins du vieux continent. Mais tous ont acquis les cépages et importé les méthodes de vinification de l’Hexagone.
À peine avaient-ils découvert le Nouveau Monde que les Occidentaux y implantèrent des vignes. Mais ce n’est vraiment qu’au XXe siècle que la production de vin s’est développée dans le monde entier, dans des régions aux sols et aux conditions climatiques favorables. Pour de nombreuses maisons françaises et européennes, cette mondialisation de la viticulture fut l’occasion de trouver les meilleurs terroirs possibles pour chaque cépage. Ce phénomène a contribué au transfert des connaissances et des normes françaises et européennes en matière de vinification à travers le monde.
De nombreux vignerons français ont acheté des terres en Amérique, notamment au Chili, ou ont été appelés par des étrangers désireux de bénéficier de leur savoir-faire. D’une manière générale, les nouveaux viticulteurs ont importé les méthodes de vinification et les styles de vins français. Les cépages et assemblages français sont devenus la norme, à l’image des assemblages bordelais (cabernet sauvignon et merlot), de la vallée du Rhône (syrah et grenache), ou encore des cépages pinot noir et chardonnay, utilisés sans assemblage comme essence des vins bourguignons. Ils ont conquis le monde pour leurs caractéristiques aromatiques et phénoliques.
Les Chinois n’aiment-ils plus le vin ?
Après des années de croissance, la consommation de vin s’est effondrée en Chine ces dernières années. Quelles en sont les raisons ?
En Chine, jusque dans les années 1980, la consommation de vin n’était pas inscrite dans la culture nationale. Les Chinois préféraient les alcools de grain, tels les spiritueux et la bière. En ce sens, ils étaient plus proches des Russes ou des Japonais. À partir des années 2000, des vignes ont été plantées sur des domaines étendus. Le pays s’est mis à produire, et même à importer des vins de l’étranger. En 2007, la consommation moyenne annuelle était de 0,5 litre par habitant. Elle augmentait de 29 % en 2009. Dès 2011, le pays devenait le 5e consommateur de vin dans le monde, avec 1,9 milliard de bouteilles achetées, soit 1,4 litre par habitant et par an.
Très rapidement, Pékin est apparu comme un nouvel eldorado pour les négociants en vins, notamment français. En 2009, ces derniers y exportaient 406 000 hl, soit 43 % du volume de vin en bouteille importé en Chine. Mais après une douzaine d’années de progression, les importations se sont effondrées pour tomber de 750 millions de litres en 2017 à 400 millions en 2022. La production dans le pays a également presque fondu de moitié durant la même période, passant de 1,1 milliard à 600 millions, selon l’OIV. En 2018, Vinexpo (aujourd’hui Vinexposium) prévoyait qu’« au cours des cinq prochaines années, la Chine deviendra[it] le deuxième marché du vin en valeur ». Ces projections se sont révélées fausses : le pays, qui occupait la 5e position en 2019, a régressé à la 7e place.
Quelles sont les raisons de cette baisse ? La pandémie de Covid-19 et la politique « zéro Covid » mise en place par les autorités ont certes eu des conséquences drastiques sur le secteur de l’hôtellerie-restauration. Mais, au-delà de ces considérations, la chute de la consommation de vin est avant tout une question de goût. Les Chinois n’aiment que peu le vin, qui reste un breuvage élitiste, luxueux et urbain. Les dernières tendances dénotent une propension des jeunes Chinois à s’orienter vers les bières artisanales, ou les spiritueux comme le whisky.