Les régions sont des territoires au cœur des crises, des disparités et des grands enjeux de société.
Par Clément Airault
Île-de-France
Premier territoire du pays
D’un point de vue économique et démographique, l’Île-de-France est sans conteste le territoire le plus important du pays. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : composée de 8 départements et 1 276 communes, elle recense 12,1 millions d’habitants (19 % de la population française métropolitaine). Cette population ne cesse de croître, en particulier en banlieue parisienne, et, d’ici à 2050, elle devrait atteindre plus de 13 millions d’habitants. Le territoire se situe au carrefour des échanges européens et mondiaux, et son PIB représente environ 31 % de la richesse nationale et près de 4,5 % du PIB de l’Union européenne. L’Île-de-France est surtout la première région industrielle de l’Hexagone, avec 650 000 employés travaillant dans des secteurs de pointe. De nombreuses grandes entreprises y ont leur siège social, et d’importantes multinationales des bureaux. Du point de vue des transports, la région est une mégalopole géante : on compte 700 km d’autoroutes, 6 gares TGV, 111 gares de fret, 70 ports et 10 plateformes multimodales. Si l’urbanisation, qui continue de s’étendre, est particulièrement dense à Paris et en périphérie, il ne faut pas oublier que l’Île-de-France se compose également pour moitié de terres agricoles ; le territoire recense 4 700 exploitations agricoles. Cet inventaire à la Prévert témoigne de la prépondérance de cette région dans le pays, y compris du point de vue médiatique.
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L’Île-de-France, et en particulier Paris, reste très attractive pour les touristes internationaux. La capitale serait la première destination touristique au monde en 2023 devant Dubaï, selon un rapport publié par le groupe britannique Euromonitor. Elle accueille chaque année près de 27 millions de visiteurs (dont 18 millions d’étrangers et 10 millions de voyageurs d’affaires). C’est également elle qui dispose de la plus grande capacité d’accueil au monde, avec environ 150 000 chambres d’hôtel, selon Bpifrance. Paris est la première ville au monde en termes de nombre de salons qui s’y tiennent et de nombre de touristes. Inauguré en novembre 2017 porte de Versailles, le « Paris Convention Centre » est le plus grand centre de congrès européen, avec 72 000 m² de surface et une capacité d’accueil de 35 000 personnes. Les Jeux olympiques qui auront lieu au cours de l’été 2024 dynamiseront encore les arrivées d’un public international. Pour la région Île-de-France, l’organisation d’un tel évènement est un défi majeur, qui implique la mise en œuvre d’une quarantaine de mesures concernant les équipements sportifs, le réseau de transport, l’accès au logement, les services publics, la lutte contre la pollution ou encore le recyclage des déchets.
Valérie Pécresse
Présidente de la région Île-de-France
Née en 1967, à Neuilly-sur-Seine, Valérie Pécresse a débuté sa carrière politique en 1992, après sa sortie de l’ENA. Dès 1993, elle est promue conseillère juridique auprès du chef du service juridique et technologie de l’information, poste qu’elle occupe jusqu’en 1998. En 2002, elle est élue député des Yvelines sous la bannière de l’UMP, parti dont elle devient la même année secrétaire générale adjointe. Elle est élue conseillère régionale d’Île-de-France sur la liste de Jean-François Copé en mars 2004, puis devient présidente du groupe de la majorité présidentielle au Conseil régional d’Île-de-France en mars 2010. En décembre 2015 elle passe présidente du Conseil régional, et commence un second mandat en juillet 2021. Valérie Pécresse démissionne de la fonction publique en novembre 2015, puis de son mandat de député des Yvelines en janvier 2016, conformément à son engagement de campagne de se consacrer exclusivement à la Région, sans cumul de mandats.
Mais Valérie Pécresse n’a jamais caché ses visées nationales. Celle qui fut Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le premier Gouvernement Fillon, puis Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État, ainsi que porte-parole du Gouvernement, fut la candidate de la droite pour l’élection présidentielle de 2022. Ne dépassant pas le seuil des 5 % de suffrages, ses frais de campagne ne furent pas remboursés par l’État.
Les Hauts-de-France
La dynamique des batteries
Les Hauts-de-France sont une grande région industrielle, concentrant 9 % de l’ensemble des emplois du secteur au niveau national. Néanmoins, en dix ans (entre 2012 et 2022), celle qui occupe la place de 4e région industrielle de France a perdu 33 000 emplois dans ce domaine, confirmant une longue phase de désindustrialisation entamée dans les années 1980. Mais les Hauts-de-France entendent redevenir un grand bassin d’emploi industriel, en misant sur les batteries. « La Région, pionnière en matière de batteries, investit dans l’industrie de l’avenir et pour les emplois du territoire ! », tweetait le 15 décembre 2022 Xavier Bertrand, président de la Région.
Trois projets de gigafactories (usines de batteries) ont été lancés et un quatrième devrait voir le jour à Dunkerque. Avec la « Vallée de la batterie », une dynamique est amorcée (qui devrait faire oublier la reprise de l’usine Whirlpool en 2019). Ce pôle industriel spécialisé dans les batteries électriques se compose de plusieurs usines : celle d’Automotive Cells Company à Douvrin, celle d’AESC Envision à Douai qui va être inaugurée cette année, et celle de Verkor qui devrait ouvrir ses portes à Dunkerque en 2025. L’ancienne cité sidérurgique devrait également accueillir le groupe ProLogium Technology à court terme.
Avec près de 700 000 véhicules assemblés chaque année, les Hauts-de-France constituent la première région de production automobile du pays. Trois grands constructeurs mondiaux (Renault, Stellantis, Toyota) y sont installés sur sept sites industriels, produisant plus de 30 % des véhicules neufs commercialisés chaque année sur le territoire national. L’installation des gigafactories doit permettre d’accompagner au mieux la mutation électrique du secteur. Selon la Région, au total, près de 7 500 emplois directs et 15 000 emplois indirects devraient être créés.
La filière du recyclage n’est pas oubliée et constitue l’un des pans de la réindustrialisation du territoire, et un axe majeur de la transition énergétique. En effet, les groupes Eramet et Suez ont annoncé leur volonté d’établir leur futur complexe industriel de recyclage des batteries de véhicules électriques lithium-ion à Dunkerque, avec une ouverture prévue en 2027. Un site pilote a déjà été installé à Trappes, dans les Yvelines, où il est possible de recycler 90 % des composants rares contenus dans les batteries.
Xavier Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France
Ancrage local et visées nationales
Xavier Bertrand, né le 21 mars 1965 à Châlons-sur-Marne, se voit un avenir présidentiel.
Agent d’assurances de profession, il s’engage dès l’âge de 16 ans en politique. Élu député de la 2e circonscription de l’Aisne en 2002, il est réélu pour trois mandats (2007, 2009-2010, 2012-2015). Nommé Ministre de la Santé (2005-2007), puis Ministre du Travail (2007-2009) et Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé (2010-2012), il remporte la mairie de Saint-Quentin (Aisne) en 2010, et assure la présidence de la communauté d’agglomération du Saint-Quentinois de 2014 à 2020. Il est président du Conseil régional des Hauts-de-France depuis 2016.
Candidat malheureux lors de la primaire des Républicains en vue de l’élection présidentielle de 2022, il a d’ores et déjà annoncé qu’il serait candidat à celle de 2027, sous la bannière de Nous France. Avec ce parti qu’il a créé, il entend « à la fois porter et relayer les idées en lesquelles [il] croi[t] : l’autorité, le travail, les territoires », comme il le déclarait sur France Télévisions, à l’occasion du lancement de ce mouvement, le 1er octobre 2022. « Ces usines de batteries sont l’occasion ou jamais de recharger en énergie politique nationale celui qui fut naguère, entre autres, Ministre du Travail, sujet clé du moment », ironisait le 30 mai 2023 Arnaud Le Gal dans Les Échos.
Avec Nous France, Xavier Bertrand se veut la voix de « la France qui se lève tôt », celle des travailleurs de la classe moyenne dont le pouvoir d’achat faiblit. Il est l’un des hommes politiques de droite les plus fermement opposés aux extrêmes.
La Réunion
De l’importance des territoires ultramarins
L’île de La Réunion, au sud de l’océan Indien, entre l’île Maurice et Madagascar, est, à 9 500 km de la métropole, un territoire jeune et dynamique : 42 % des Réunionnais ont moins de 25 ans. Avec ses 850 000 habitants, l’île est de loin le plus peuplé des 12 territoires d’outre-mer français (2,6 millions d’habitants en globalité). Situées dans tous les océans, ces collectivités territoriales sont autant de représentations françaises. Elles sont un atout majeur pour la souveraineté du pays, puisqu’elles lui permettent d’être la seconde puissance maritime du monde, avec ses 11 millions de kilomètres carrés de Zones économiques exclusives (ZEE).
La Réunion bénéficie d’une position géostratégique à la confluence des nouvelles routes de la soie, de l’Afrique australe et orientale, de la péninsule arabique et de l’Asie du Sud-Est. Ainsi, ce territoire dispose de nombreux avantages concurrentiels et constitue « une tête de pont idéale pour l’expansion des activités économiques dans ces régions », selon Business France. Son économie, orientée vers l’agriculture et le tourisme, est portée par la présence de grandes entreprises, ainsi que par un écosystème d’innovation en plein essor, dont un technopole et un cluster « centré sur la bioéconomie tropicale » (Qualitropic). La Réunion a connu une croissance économique extrêmement rapide au cours des dernières décennies, mais le chômage reste particulièrement élevé (18 %, soit plus du double de la métropole). Les efforts de l’État se concentrent sur la façon de le résorber.
Si les ultramarins se sentent parfois oubliés, pas moins de 1,5 milliard d’euros va être investi en outre-mer dans la transition écologique, la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale, dans le cadre du plan de relance gouvernemental (sur un montant global de 100 milliards d’euros). La Réunion bénéficie de plus d’un tiers de la somme attribuée aux outre-mers (546 millions d’euros). L’État s’est notamment engagé aux côtés du Conseil régional pour financer la ruineuse Nouvelle route du littoral (NRL), en injectant 420 millions d’euros. La première tranche de cet axe stratégique reliant Saint-Denis à la Grande Chaloupe avait englouti 1,6 milliard d’euros, soit le coût prévu initialement pour l’ensemble du chantier ; 846 millions d’euros supplémentaires seraient nécessaires pour la réalisation du second viaduc entre la Grande Chaloupe et La Possession. La question du financement de la route la plus chère au monde (dont le coût pourrait atteindre 2,5 milliards d’euros) est source de tensions entre les élus de la région.
Huguette Bello
Présidente du Conseil régional de La Réunion
Institutrice de formation, cette élue de gauche, catholique pratiquante, est un personnage clé de la vie politique de l’île. Présidente de Pour La Réunion (PLR) depuis 2012, elle est un soutien de Jean-Luc Mélenchon (elle est même pressentie pour devenir ministre en cas de victoire à la présidentielle de celui-ci). Élue présidente du Conseil régional en juillet 2022, elle était auparavant maire de Saint-Paul, et fut la première femme député de l’histoire de l’île en 1997.
En novembre 2023, lors de la 28e Conférence des Régions ultrapériphériques (RUP) qui se tenait aux îles Canaries, Huguette Bello en a été nommée présidente pour la période 2023-2024. Au cours de cette année particulière, marquée par les élections européennes, elle a rappelé sa détermination à faire prévaloir le statut des RUP à tous les niveaux et instances de l’Europe. Elle défend notamment une « clause d’impact social RUP pour la mise en œuvre du Pacte vert européen », cet instrument réglementaire et financier essentiel.
Qu’est-ce que l’ultrapériphérie ?
Les RUP se composent de six collectivités françaises d’outre-mer (Guyane française, Guadeloupe, Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin), deux régions autonomes portugaises (les Açores et Madère) et une communauté autonome espagnole (les Îles Canaries). Ces régions ont toutes des contraintes spécifiques qui nuisent à leur développement économique et social. Elles partagent notamment un très grand éloignement par rapport au continent européen, ce qui complique leur accès au marché intérieur.
Le concept de l’ultrapériphérie ne ressemble, en aucun cas, à celui des régions de l’UE à caractéristiques géographiques particulières, telles que les îles, les zones de montagne et celles à faible densité de population, pour lesquelles il existe une différence de nature et de droit. C’est pourquoi « le droit primaire de l’UE reconnaît, à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la spécificité de l’ultrapériphérie, permettant expressément au Conseil d’adopter des dispositions spécifiques visant à adapter le droit européen lors de son application à ces régions ».
Auvergne-Rhône-Alpes
Le pari de l’hydrogène
Dans la vallée du Rhône, la pollution atmosphérique est particulièrement importante, notamment dans les agglomérations de Lyon et Grenoble. Mais à court terme, la région Rhône-Alpes entend avoir l’un des plus faibles taux d’émission de CO2, et les industries les plus décarbonées. Le territoire est pionnier en Europe sur le développement de l’hydrogène, et compte la majorité des acteurs du secteur en France.
Dès 2017, sous l’impulsion de Laurent Wauquiez, le Conseil régional a lancé le projet Zero Emission Valley (ZEV). Ce programme global vise la création d’un marché de mobilité propre, économiquement viable, à l’échelle du territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes. Cela passe par le déploiement simultané des infrastructures de production, de stockage, de distribution d’hydrogène, et des véhicules à hydrogène. C’est en ce sens que la Région a pris une participation dans HYmpulsion, créée en 2018 avec Engie, Michelin, le Crédit agricole et la Banque des territoires. Cette société a pour but de construire et d’exploiter 20 stations-service pour alimenter les véhicules en hydrogène. Quatre d’entre elles sont d’ores et déjà en service. L’objectif est de disposer d’un réseau de 130 stations d’ici 2030, ce qui représenterait 13 % de la capacité française en hydrogène vert. La Région propose également des aides à l’acquisition de véhicules à hydrogène, notamment pour les entreprises et les collectivités. Elle coordonne aussi le projet Investments to Maximise the Ambition for Green Hydrogen in Europe (IMAGHyNE) qui réunit aujourd’hui une quarantaine de partenaires répartis dans six pays d’Europe. Prévu pour durer de 2024 à 2029, ce projet dispose d’un budget de 200 millions d’euros et a obtenu une subvention totale de 20 millions d’euros du Clean Hydrogen Partnership. « IMAGHyNE donne une visibilité extraordinaire à la conception de l’écologie positive que nous portons à la Région », a déclaré Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Dans le secteur de l’industrie, un pipeline hydrogène va voir le jour dans la « Vallée de la chimie », au sud de la métropole de Lyon. Il sera développé en lien avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), premier producteur français d’énergie exclusivement renouvelable. La CNR a d’ailleurs signé fin février dernier un accord avec Storengy, leader européen du stockage souterrain de gaz naturel, visant à étudier la mise en place du premier écosystème français d’hydrogène renouvelable. L’idée est de s’appuyer sur Hydrogen Pilot Storage for Large Ecosystem Replication (HyPSTER), inauguré en septembre 2023, projet pilote de stockage d’hydrogène renouvelable installé dans l’Ain. C’est le premier démonstrateur de ce type au monde.
En misant sur l’hydrogène, la région Rhône-Alpes cherche à anticiper les solutions d’avenir à même d’être ensuite déployées à l’international. La plupart des projets sont à ce jour largement subventionnés, et ne sont pas encore rentables. Mais il s’agit évidemment de créer des emplois compatibles avec la préservation de l’environnement. En ce sens, la région est précurseur.
Laurent Wauquiez
Président du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes
Sorti major de l’ENA, normalien et agrégé d’histoire, Laurent Wauquiez a connu une ascension politique rapide. Élu député à 29 ans, il a ensuite été membre des gouvernements de François Fillon de 2007 à 2012. Maire du Puy-en-Velay de 2008 à 2016, il devient secrétaire général de l’UMP en 2014, puis vice-président des Républicains l’année suivante. Lors du congrès des LR de 2017, il est élu président du parti. Il démissionne de ce poste en 2019, après les piètres résultats des listes LR aux élections européennes. Laurent Wauquiez s’était imaginé comme le leader de la droite, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022, avant d’y renoncer, ne souhaitant pas ajouter plus de « division au sein de [s]on propre camp ». Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis décembre 2015, il s’est fait discret au niveau national, concentrant son action sur son territoire.
Laurent Wauquiez ne semble pas cependant avoir fait une croix sur sa visée présidentielle. On l’a vu, récemment, arpenter les allées du Salon de l’agriculture de Paris tel un candidat en campagne. Il est le favori pour porter les couleurs de la droite en 2027. Le président de LR, Éric Ciotti, s’est d’ailleurs fait élire en promettant aux militants du parti que l’actuel président du Conseil régional serait le prochain candidat à la présidentielle. Au regard des sondages, qui le créditent de 5 % des suffrages, Laurent Wauquiez est cependant encore loin d’être présidentiable.
Le saviez-vous ?
La région Nouvelle-Aquitaine, qui comprend douze départements et s’étend sur un territoire de 84 100 km2, est la plus grande de France et la troisième plus peuplée de l’Hexagone avec 6 millions d’habitants (Insee, 2019).