Avec le Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145T), initié en début d’année 2022, le Président Tshisekedi entend améliorer significativement les conditions de vie des populations, y compris dans les territoires les plus reculés de la RDC.
Par Claude Tshsilombo
En dépit des atouts majeurs qui sont les siens, la RDC n’a pas encore réussi à amorcer une dynamique de développement durable et endogène lui permettant d’améliorer significativement les conditions de vie des populations. Plusieurs stratégies de réduction de la pauvreté et de soutien à la croissance, visant à offrir de meilleures perspectives de développement humain, ont été adoptées au fil des ans, mais les progrès sont restés faibles. Plus de sept Congolais sur dix continuent à ce jour à vivre sous le seuil de pauvreté, avec de fortes disparités entre les milieux urbain et rural. Le revenu moyen par tête serait deux à trois fois plus élevé dans les villes que dans les campagnes pauvres (INS, 2019). Or, c’est dans ce monde rural que vit la majorité de la population.
Ce contenu est réservé aux abonnés
« Relever ces défis est pour moi une entreprise de justice sociale qui contribuera sans nul doute à consolider la stabilité sociale, la sécurité et la paix », précise le Chef de l’État. Soutenu par une large majorité parlementaire, il a donc décidé de mettre en œuvre, sous financements publics, et avec l’appui des partenaires techniques et financiers, le PDL-145T. Ce programme résulte de sa volonté politique de vaincre la pauvreté et les inégalités territoriales, pour remédier aux inefficacités des politiques de croissance engagées depuis des décennies en RDC. Il est adossé au Plan national stratégique de développement (PNSD) 2019-2023, au Programme d’actions du Gouvernement (PAG) 2021-2023 et au Programme présidentiel accéléré de lutte contre la pauvreté et les inégalités (PPALCPI). Le PDL-145T constitue un accélérateur de mise en œuvre. En effet, il s’intègre au pilier 5 du PNSD 2019-2023, dans son volet relatif au développement équilibré des provinces.
Un programme novateur
L’expérience tirée de ces vingt dernières années a montré que la croissance économique impulsée du haut vers le bas se révèle généralement non inclusive, et ses fruits sont inéquitablement répartis que ce soit entre les différentes couches de la population congolaise ou entre les espaces territoriaux, selon qu’ils sont urbains ou ruraux. Cette situation fait que les 145 territoires que compte le pays sont totalement enclavés et que leurs populations vivent dans une grande pauvreté, de sorte qu’elles se sentent abandonnées par l’État. Pour corriger ces déséquilibres sociaux et spatiaux, les autorités ont décidé d’orienter les politiques publiques vers un développement endogène en s’appuyant sur une approche décentralisée, qui parte du bas vers le haut et qui associe les communautés de base non seulement comme bénéficiaires, mais aussi comme acteurs dans les dynamiques de leur développement et dans l’amélioration de leurs conditions de vie.
Le Chef de l’État a décidé d’engager un programme spécifique orienté vers le monde rural, dont les priorités ont été définies par les bénéficiaires eux-mêmes, dans le cadre d’un processus consultatif et participatif des acteurs des 145 territoires. Le PDL-145T est destiné à promouvoir l’émergence des économies des territoires et vise à améliorer les conditions et cadres de vie des populations rurales, au travers d’investissements publics massifs. « Avec un budget de 1,6 milliard de dollars, mobilisé par le Gouvernement central et les partenaires traditionnels du pays, le PDL-145T s’articule autour des quatre grands domaines d’intervention, dont les infrastructures, la revitalisation des économies locales, le renforcement de la gouvernance locale et le développement d’un système de partage d’informations », précisait le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, le 19 mars à Kinshasa.
Ce programme volontariste doit permettre une convergence rapide des revenus et des conditions de vie des populations rurales vers ceux des populations urbaines. Cette nouvelle approche de développement centrée sur le monde rural permettra certainement d’accroître l’efficacité des politiques publiques et de réduire rapidement la pauvreté et les inégalités spatiales dans le pays.
Quatre composantes majeures
Le PDL-145T s’articule autour de quatre composantes majeures. La première d’entre elles vise à améliorer l’accès des populations des territoires ruraux aux infrastructures et services socioéconomiques de base. Elle doit permettre d’installer des infrastructures (routes de desserte agricole, microcentrales photovoltaïques, lampadaires solaires, forages et mini-réseaux, écoles, centres de santé, marchés, bâtiments administratifs des secteurs et des territoires et logements du staff dirigeant du territoire.) dans le but de désenclaver les territoires et de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et d’éducation des populations.
La seconde composante du Programme promeut le développement des économies rurales et des chaînes de valeur locales. Elle se focalisera sur l’appui au développement des activités de production et de services dans les territoires en vue de mettre en place les conditions nécessaires pour relancer les économies rurales et locales afin de les revivifier et de les redynamiser pour les inscrire sur la trajectoire de l’émergence. L’objectif final étant d’améliorer la productivité, d’augmenter le revenu des ménages ruraux et d’assurer la sécurité alimentaire.
Le troisième pilier du PDL-145T va permettre de renforcer les capacités de gestion du développement local, dans le but de développer les capacités techniques, organisationnelles, institutionnelles et communautaires pour une bonne gestion du développement local. À terme, cette composante vise une autonomisation des communautés locales pour produire des services de qualité en milieu rural en se basant sur l’approche de décentralisation.
Enfin, le quatrième axe va permettre de développer un système d’information géoréférencé de suivi à même de renseigner sur l’exécution du Programme. Ce dispositif servira d’instrument de suivi de la mise en œuvre des politiques et programmes publics pour, d’une part évaluer leur impact à tous les niveaux sur la matérialisation de la vision globale du développement, et d’autre part être utilisé comme un outil d’aide à la prise de décisions pour l’ajustement des politiques publiques.
Quel coût ?
Le coût total indicatif du PDL-145T est estimé à 1 660 101 312 dollars. Ceci prend aussi en compte les composantes transversales, notamment les charges de coordination et de gestion, les frais des agences d’exécution, et une provision de 5 % pour les études préalables et les imprévus. Ce coût a été calculé sur la base des prix unitaires de récents projets réalisés par le Gouvernement. En se basant sur le principe d’équité territoriale, chaque territoire bénéficie d’un paquet d’investissements prioritaires évalué à environ 10 millions de dollars.
Ce financement est réparti sur trois exercices budgétaires, à hauteur respectivement de 300 millions de dollars pour 2021, 700 millions pour 2022 et 660,1 millions pour 2023. La contribution des partenaires au développement pourra également être mobilisée au fur et à mesure. Sur instruction du Premier ministre, un sous-compte du Compte général du Trésor public dénommé « PDL » sera ouvert par le Ministre des Finances à la Banque centrale du Congo, pour assurer la disponibilité des ressources. Suivant la même instruction, le Ministre des Finances ouvrira des comptes spéciaux dans des banques commerciales de la place en faveur des trois agences d’exécution prévues par le Programme et la coordination nationale. Conformément aux plans de décaissement de chaque agence d’exécution approuvés par le Comité de pilotage stratégique (CPS), les fonds y seront directement virés par le Ministre des Finances sur instruction du Premier ministre.
Les effets attendus
Il convient de noter que le PDL-145T prend en compte les dimensions de genre et d’environnement, mais aussi les principes d’équité sociale (jeunes, personnes vivant avec handicap) et les droits humains fondamentaux. Ces questions seront intégrées de manière transversale dans toutes les activités du Programme.
Les effets attendus sont multiples. Le PDL-145T doit permettre d’améliorer significativement l’accès des populations des 145 territoires aux infrastructures et services socioéconomiques de base, et d’accroître les activités économiques et le bien-être des populations. Du fait de l’exécution du Programme, les économies des territoires seront revivifiées et dynamisées et les capacités de gestion du développement local des acteurs étatiques territoriaux et communautaires seront renforcées. À l’horizon 2023, ces effets seront perceptibles grâce à la mise en œuvre des interventions retenues dans toutes les composantes, et chiffrées de manière concrète (cf. encadré). La combinaison des effets attendus des activités du PDL-145T contribuera, à échéance 2023, à l’augmentation des revenus des ménages ruraux et à la réduction significative des inégalités et de la pauvreté pour près de 25 millions de Congolais vivant dans les 145 territoires.
PDL-145T : des objectifs chiffrés
– Réhabilitation de 8 844 km de routes agricoles.
– Entretien de 30 091,5 km de routes de desserte agricole.
– Construction de 444 ouvrages d’art (ponts, bacs et dalots).
– Construction de 418 minicentrales solaires.
– Réalisation de 471 km d’éclairage public avec des lampadaires à système solaire.
– Construction de 3 071 forages de plus ou moins 150 m avec pompe intégrée.
– Aménagement de 447 sources d’eau, ce qui permettra d’accroître annuellement le taux d’accès à l’eau potable de 15 % entre 2020 et 2023.
– Construction de 238 marchés modernes avec espace à vivre.
– Construction d’un bâtiment administratif dans chacun des 145 chefs-lieux de territoire.
– Construction d’un bâtiment administratif dans chacun des 636 chefs-lieux de secteur.
– Construction de 1 450 logements pour le staff dirigeant des territoires.
– Construction, réhabilitation et équipement de 788 centres de santé.
– Construction, réhabilitation et équipement de 1 210 écoles, qui permettront de former 1 million d’enfants dont au moins 40 % de filles.
– Structuration et professionnalisation des producteurs locaux par filières agricoles porteuses (500 000 ménages). À terme, cela permettra de générer plus de 1 million d’emplois.
– Superficie aménagée et équipée par territoire et pour 4 filières, pour une surface globale de 43 500 ha.
– Approvisionnement des producteurs locaux en intrants et semences (500 000 T).
– Acquisition de 4 340 équipements de production, de traitement et de transformation.