La capitale catalane est aujourd’hui un hub technologique et numérique, et l’un des lieux les plus attractifs d’Europe pour le développement des startups.
Par clément Airault
Quel est le point commun entre Jumia, Glovo, Qonto et ManoMano ? Toutes ces startups à succès sont installées à Barcelone. En quelques années, la capitale catalane est devenue le principal hub technologique et numérique du sud de l’Europe. Selon le récent classement réalisé par Startup Heatmap Europe, c’est la 3e ville la plus attractive du continent pour y développer une startup, derrière Berlin et Londres. Parmi ses points forts figurent un cadre de vie et des conditions de travail extrêmement favorables, à même de motiver la venue de talents particulièrement courtisés.
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Investissements croissants
Alors qu’on observe une baisse des investissements dans la tech à Paris ou Berlin, Barcelone a connu une croissance de 10 % sur les trois dernières années. En 2019, elle était la 4e ville d’Europe pour les techs en termes d’investissements, avec environ 100 millions d’euros. Elle figure aujourd’hui à la 5e place, mais le montant global des investissements a explosé puisqu’en 2021, les startups barcelonaises ont levé collectivement plus de 2 milliards d’euros, en incluant le secteur de la santé.
Le paradigme a énormément évolué, passant « d’un modèle B to C (des professionnels vers les consommateurs, ndlr), avec des sites comme Privalia, rachetée par Vente-privée, à un modèle B to B (commerce interentreprises, ndlr), qui représente aujourd’hui 80 % du système », explique Miquel Martí, le P-DG de Tech Barcelona (cf. encadré). De plus en plus de sociétés se créent, qui cherchent à fournir des solutions aux entreprises et aux personnes qui travaillent pour elles, dans la mobilité, le développement durable, la santé, le commerce, etc.
Services et sciences
Barcelone s’impose aujourd’hui en Europe comme une destination majeure pour le développement de solutions numériques liées au service client, à l’image des startups que sont TravelPerk, Payflow et Amenitiz, ou des françaises Papernest et PayFit, qui toutes s’y sont installées. « Barcelone est un vivier de talents spécialisés dans l’expérience client. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les géants du numérique y ont implanté leurs centres dédiés au service client », juge Cristina Castañeda, responsable excellence opérationnelle chez Qonto. Cette startup française spécialisée dans les fintechs est devenue en janvier la licorne la plus valorisée de France (pour environ 4,4 milliards d’euros). Elle a choisi d’ouvrir son centre dédié au service client à Barcelone, au même titre que Google, Facebook ou Accenture.
La Catalogne a également misé sur les sciences, et dispose d’un train d’avance dans les biotechnologies. Il s’agit aujourd’hui, selon le P-DG de Tech Barcelona, « de faire fructifier cet avantage scientifique au niveau technologique », car « si vous avez des talents, vous trouverez l’argent ». Barcelone perçoit, d’une manière générale, moins d’investissements que Madrid, notamment dans le domaine des fintechs, mais sur des questions spécialisées comme la santé, elle est devenue un leader européen. Tech Barcelona a prévu d’ouvrir un centre dédié à l’industrie des sciences de la santé et de la vie d’ici fin 2022. PepsiCo, Roche, AstraZeneca, Novartis : toutes ces entreprises sont installées dans la capitale de la Catalogne. En 2018, le géant suisse Nestlé a choisi de délocaliser son siège social international pour le digital à Esplugues de Llobregat, dans la banlieue de Barcelone. Cette dernière « a été choisie en raison de son écosystème technologique et d’innovation reconnu et bien établi, avec des capacités de classe mondiale, notamment dans les domaines de la mobilité, du numérique et des nouvelles technologies », déclarait alors Caroline Biétry, porte-parole de Nestlé. L’entreprise allemande Siemens a également installé son centre d’innovations digitales appliquées à l’énergie à Cornellà de Llobregat. Ces choix de grands groupes créent une émulation et contribuent au renforcement de l’écosystème numérique à Barcelone. Pour toutes ces raisons, le secteur recrute et préfigure une nouvelle voie économique pour la ville, qui n’est dorénavant plus uniquement axée sur le tourisme. Selon le magazine Equinox, il y aurait plus de 3 000 postes à pourvoir dans les seules startups françaises installées à Barcelone.
3 Questions à Miguel Martí : P-DG de Tech Barcelona

Tech Barcelona est une association privée à but non lucratif qui soutient et promeut l’écosystème numérique et technologique à Barcelone. Son P-DG nous explique sa genèse et ses spécificités.
Comment est née Tech Barcelona ?
En mars 2013, une quinzaine d’entrepreneurs catalans à succès ont décidé de se rassembler et de créer une structure visant à développer l’écosystème des startups à Barcelone, du point de vue du secteur privé. Ils n’avaient pas une idée définitive de ce qu’ils voulaient accomplir, si ce n’est de faire de Barcelone l’une des villes les plus attractives au monde pour les startups.
Lorsque j’ai débuté au sein de l’association, j’ai regardé ce qui se passait dans le monde, à Paris, San Francisco, Berlin ou Tel-Aviv. J’ai observé quels étaient nos atouts et nos faiblesses. À Barcelone, nous ne sommes pas très forts en finance, mais nous sommes forts en talents. Nous avons un système universitaire efficace et de bonnes écoles de commerce. Nous avons des entreprises qui réussissent et le soutien du secteur public. En premier lieu, il a fallu faire prendre conscience que Barcelone avait de nombreux atouts. Il n’est plus seulement question de tourisme : il s’agit de faire partie de l’écosystème global des technologies. Il s’agit d’élargir le spectre économique de la ville, et la manière dont elle peut évoluer.
En quoi consistent vos activités ?
Nous avons deux piliers dans notre activité. En premier lieu, il s’agit de s’impliquer, notamment dans le processus de création et de décision de la Catalogne et de l’Espagne. Nous souhaitons contribuer à développer un nouvel état d’esprit au sein des administrations. Dans notre domaine, il s’agit d’aller vite, et si on échoue, de passer à autre chose. Ce fonctionnement n’est pas naturellement ancré dans l’esprit administratif. Nous sommes impliqués auprès des universités et auprès du Gouvernement catalan, afin de promouvoir Tech Barcelona à l’étranger. Deuxièmement, nous développons des projets stratégiques, et avons de nombreux ambassadeurs dans le monde, ainsi que de grands talents étrangers qui ont réussi ici, à Barcelone, et jouent le rôle de VRP.
Quel impact pensez-vous avoir sur l’évolution de la ville ?
Notre objectif n’est pas de soutenir directement telle ou telle startup, mais de les rassembler, de créer une émulation. L’idée de communauté est importante pour nous. Nous voulions faire quelque chose qui ait un sens pour Barcelone. C’est pourquoi nous avons créé le projet Urban Tech Campus, grâce auquel des bâtiments remarquables sont rénovés pour intégrer l’innovation et la technologie dans la ville, en impliquant ses citoyens. Le Palau de Mar, appelé « Pier 01 » (« Quai 01 »), est le siège de Tech Barcelona depuis 2016, et il abrite des startups, des entreprises, des incubateurs, des investisseurs et des institutions. 1 500 personnes y travaillent, pour plus de 150 organisations. Au 1er semestre 2022, nous avons organisé plus de 100 évènements, essentiellement basés sur la connaissance. Le « Quai 03 », qui est un espace transversal pour les startups et les entreprises, est quant à lui situé sur le Passeig Isabel II. Il est intégré à l’Urban Tech Campus depuis 2018. Avant la fin de l’année, « Quai 07 », situé via Laietana, ouvrira ses portes. Il s’agira du premier centre Tech Barcelona entièrement dédié à un seul secteur : l’industrie des sciences de la santé et de la vie. Environ 500 personnes pourront y travailler. Le « Quai 05 », à venir, sera consacré aux fintechs. Barcelone va changer fortement dans les années à venir et nous voulons contribuer à ce changement.
Pour aller plus loin…
Mar Galtés a été journaliste économique durant 27 ans pour La Vanguardia. Cette spécialiste de l’économie numérique est aujourd’hui directrice du développement corporatif de Tech Barcelona. Dans son ouvrage paru en 2010, elle retrace les grandes et petites histoires qui ont fait de Barcelone un hub du secteur du numérique.
Barcelona startup
Par Mar Galtés
Libros de Cabecera
424 p.
21 €
(En espagnol)
