La lutte contre le terrorisme est un sujet toujours brûlant dans le monde, et se trouve au cœur de la géopolitique mondiale. L’Occident, souvent menacé, a engagé un combat sans répit pour contrer les organisations rebelles. Le Maroc, en tant que pays islamique et État africain, s’est également lancé dans cette guerre depuis le début des années 2000, devenant un partenaire incontournable et précieux sur la scène internationale pour l’Occident.
Par Clarisse Laffarguette
Depuis le début des années 2000, le Maroc a été touché, comme de nombreux autres pays à travers le monde, par des attaques à caractère terroriste. Le royaume chérifien a donc développé une politique antiterroriste de premier plan et est un précurseur dans la région sur ce sujet. L’ennemi radicalisé change de nom ou de cible mais la menace reste bel et bien présente, et il est nécessaire de mettre en place des services de sécurité et de renseignement performants afin d’y faire face.
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La lutte contre le terrorisme est d’une importance cruciale pour le Maroc : d’abord pour l’existence même du pays, afin d’asseoir une stabilité du Gouvernement et de la religion d’État, l’islam ; mais également à l’extérieur de ses frontières, en soutien à ses partenaires internationaux. L’amalgame entre islam et islamisme a porté préjudice à cette religion au moment des premiers attentats. Être un précurseur et un pilier dans le domaine de la lutte antiterroriste est donc indispensable aux yeux du Gouvernement marocain.
Les moyens employés ont montré leur efficacité croissante depuis 2003 et le premier attentat djihadiste sur le sol marocain. C’était alors la première fois qu’un mouvement radicalisé mettait ses menaces de violence à exécution sur le territoire. Cet évènement, qui a fait l’effet d’un choc, a été le déclencheur d’une prise de conscience globale. Le Maroc s’est alors engagé sans concession dans la lutte contre le terrorisme et s’est allié aux Occidentaux dans la poursuite de ce but. Il collabore beaucoup avec ses voisins européens, mais aussi africains, et également avec les États-Unis, eux aussi touchés par ce terrorisme. La lutte est unanime et le but commun.
Si le cœur du royaume chérifien ne fait pas partie de la zone sahélienne dans laquelle les groupes islamistes sont les plus actifs, on retrouve des membres d’Al-Qaida au Maghreb islamique dans la partie désertique du pays. Les grandes villes et les grands sites religieux sont les zones les plus souvent visées par les attaques djihadistes.
Le Maroc, aidé de ses partenaires occidentaux, mène une lutte sans répit contre le terrorisme, ce qui a déjà permis d’arrêter beaucoup d’individus et de démanteler de nombreuses cellules constituées, et d’empêcher des dizaines d’attaques depuis le début des années 2000.

Enjeux d’une politique antiterroriste
Si les débuts de la lutte antiterroriste marocaine se sont avérés très fermes, avec plus de 2 000 interpellations après l’attentat de Casablanca en 2003, l’État s’est lentement mais sûrement modernisé, adoptant une stratégie comportant plusieurs axes d’action. Le Roi et le Gouvernement se sont engagés à protéger le Maroc des menaces terroristes, n’hésitant pas à faire appel à leurs voisins ou à d’autres pays pouvant leur porter assistance. À cette fin, ils se sont attaqués à fouiller toutes les strates de la société et se sont penchés non seulement sur les conséquences, mais aussi sur les causes profondes de la radicalisation d’une part de la population et de l’émergence d’un extrémisme violent.
Rabat a réaffirmé prendre pour socle un islam moderne et modéré, s’appuyant sur l’éducation et les écoles mais également sur les mosquées pour définir ses préceptes religieux. Les prisonniers sont encouragés à se réinsérer et le Roi s’assure de leur donner une marque de son approbation, lui qui est la haute autorité de la religion islamique étatique. Les autorités du pays se sont aussi penchées sur les fléaux que sont la pauvreté et l’analphabétisme, en misant toujours plus sur le développement, l’éducation et l’insertion. Les enjeux sont clairs, autant en interne que dans les relations internationales. Le Maroc veut maintenir son influence et son indépendance en tant que pays libre, souverain et stable. L’autorité du Roi ne saurait être contestée et le Gouvernement doit continuer à fonctionner et à gouverner.
L’unité nationale est essentielle pour la pérennité économique du Maroc, afin qu’il conserve sa manne touristique et son attrait pour les travailleurs émigrés. Mais elle vaut aussi politiquement, car des conflits ont lieu aux frontières du pays. En effet, les différends avec la Mauritanie et l’Algérie voisines ne sont toujours pas résolus. De plus, la stabilité est un enjeu sur la scène internationale. Pour pouvoir être crédible, se constituer en partenaire régulier et bénéficier des investissements directs étrangers, Rabat doit prouver sa fiabilité auprès du monde occidental. Il doit répondre à des critères moraux, de bonne gouvernance, et aux engagements de la communauté internationale.
Au travers de la lutte contre le terrorisme, le Maroc participe à assurer la stabilité internationale en fustigeant l’action des groupuscules armés qui déstabilisent les États et prônent des discours extrémistes et intolérants. Il se révèle un partenaire de premier ordre dans la lutte contre le terrorisme. Le développement de son arsenal de renseignement et de surveillance, au travers principalement de deux agences — la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) dirigée par Abdellatif Hammouchi et la Direction générale des études et de la documentation (DGED) dirigée par Yassine Mansouri, qui sont devenues au fil des ans des organisations crédibles et régulièrement consultées par leurs partenaires internationaux —, ainsi que la consolidation de ses valeurs, ont permis au Maroc de déployer une stratégie multisectorielle.
La politique antiterroriste marocaine :objectifs et moyens
La lutte antiterroriste marocaine est plébiscitée par l’Occident car c’est une lutte proactive et sans concession. L’approche est de déconstruire l’appel à la violence et à la haine, afin que la prolifération funeste de ces idéologies soit stoppée à la racine. L’implication dans le renseignement et la sécurité est efficace et efficiente, comme le prouvent les résultats. L’année 2023 marque tristement le 20e anniversaire des attentats de Casablanca. Les 45 morts, dont 12 kamikazes issus des bidonvilles, sont une tache indélébile dans l’histoire, mais ils auront été à l’origine d’une prise de conscience et d’une opposition acharnée. Bien que l’influence d’Al-Qaida, de Daesh et des Frères musulmans ne soit pas totalement éteinte, la situation semble sous contrôle et le Maroc poursuit aujourd’hui son combat. L’évolution vers de meilleures techniques pour contrer le fléau que constitue le terrorisme, les lois mises en place ont également notablement durci le ton, rendant ce genre d’attaque et le passage à l’acte très rare.
L’Europe, bien que géographiquement plus éloignée de la menace djihadiste — qui sévit principalement au Moyen-Orient et au Sahel —, a été touchée à maintes reprises par des attentats. En cela, elle partage un ennemi commun avec Rabat et ses préoccupations sont similaires. La coopération entre les services de renseignement n’est pas que formelle, elle s’exprime aussi par des solidarités diplomatiques. On peut prendre pour exemple les attentats de 2015 qui ont frappé la France, où des représentants du Maroc se sont déplacés afin d’exprimer leur soutien lors des hommages nationaux qui y ont été rendus. Les axes de coopération autour de la Méditerranée sont nombreux et facilités par une proximité géographique et une coopération multiscalaire. Même si la façon d’aborder la question terroriste est différente côté marocain et côté européen, Rabat n’en constitue pas moins un partenaire stratégique pour l’Occident dans la lutte contre le terrorisme.
Les questions de religion et de tolérance sont centrales dans ces alliances. Les partenariats stratégiques et les coopérations ont été réaffirmés lors du Forum global de lutte contre le terrorisme, les 20 et 21 mars 2023. Coprésidées par le Maroc, des discussions sur les moyens de lutte contre le terrorisme ont eu lieu avec l’Union européenne. Il s’agissait de la 5e session de dialogue du Forum, une instance essentielle car elle rassemble des groupes de travail et des hommes politiques décisionnaires, ayant un objectif commun.
Le Royaume marocain souhaite réaffirmer son implication consensuelle et sa volonté de coopération multilatérale sur la question antiterroriste. L’union fait la force, autour d’une feuille de route qui doit être partagée. Les propositions approuvées doivent être appliquées, en respectant les modalités et les exceptions nationales, suivant un rythme propre à chacun. Mais les pays sont encouragés par le Maroc à tout faire pour appliquer ces mesures afin que l’efficacité soit maximale. À l’issue de la dernière réunion, les participants ont réaffirmé les priorités d’actions futures, notamment en faveur de l’utilisation de nouvelles technologies pour être toujours mieux armés dans la lutte contre l’émergence de l’extrémisme violent en Afrique.
Grâce à une vision éclairée impulsée par le Roi Mohammed VI, le royaume chérifien est devenu un hub diplomatique et économique au sein du continent africain, et ses services de renseignement jouent une fois de plus un rôle central dans cette coopération et dans le rayonnement du Maroc à l’échelle internationale.
Reconnaissance américaine et partenariats
Les États-Unis, particulièrement engagés dans la lutte contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001, au tout début du nouveau siècle, saluent l’action marocaine sur la question. Ils se félicitent d’un allié si impliqué et si efficace contre l’ennemi djihadiste, au Sahel et dans toute l’Afrique. Les menaces évoluent, et les réponses à apporter doivent s’adapter. C’est pourquoi Rabat développe, perfectionne et améliore ses aptitudes en matière de cybersécurité. Ce sont autant de clés et d’enjeux essentiels pour faire face aux offensives djihadistes.
Par ailleurs, le Maroc est un grand allié — non membre — de l’OTAN. Il avait accueilli en 2021 l’African Lion, mené par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (United States Africa Command [Africom]), un exercice militaire au sein duquel figurent des simulations de lutte contre le terrorisme. Le rapport d’État américain sur le terrorisme de 2021 félicite le royaume chérifien pour sa bonne gestion concernant ces questions et souligne l’importance de sa coopération en la matière, que ce soit avec l’Europe ou avec l’alliance occidentale. Washington a aussi insisté sur l’importance du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, instance que le Maroc copréside avec le Canada, ainsi que de tous les groupes de travail qui y officient, notamment au sujet de l’extrémisme violent. Le consensus mondial pour vaincre le groupe Daesh est une force considérable.
Le rapport des États-Unis salue la bonne coopération entre les forces de l’ordre marocaines et américaines, en particulier en ce qui a trait à la cybersécurité, l’analyse du renseignement et l’échange des données. La diplomatie américaine compte sur la participation de Rabat au Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Gafimoan). La publication d’une loi anti-blanchiment par le Gouvernement marocain en 2021 a rendu la législation plus stricte sur ces pratiques, ce qui a permis par la même occasion de lutter contre le terrorisme.
Ce qui préoccupe le plus le Maroc, car constituant une menace directe pour les vies humaines, est la lutte contre l’extrémisme violent. C’est une guerre d’abord idéologique que le pays entend mener par la valorisation d’un islam modéré. Pour cela, le ministère des Habous et des Affaires islamiques a élaboré un programme d’étude à destination des imams. Rabat entend financer des centres de formation, principalement sur le territoire et en Afrique de l’Ouest, afin de lutter contre des idéologies malfaisantes. Les programmes de recherche et de lutte contre la radicalisation dans les universités sur les sujets religieux et sociaux se poursuivent dans le pays.
La constance du partenaire marocain, son implication forte et sans relâche dans la lutte antiterroriste, ainsi que ses bonnes relations avec l’Europe, sont autant d’éléments qui confortent les États-Unis dans la poursuite de leur partenariat. Le Maroc constitue sur cette problématique un partenaire stratégique de l’Occident.