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États-Unis : les conservateurs font leur révolution

Depuis plusieurs mois déjà, les États-Unis se trouvent sous les feux de la rampe des médias internationaux. En cause, une série de décisions très controversées de la Cour suprême qui ont profondément divisé la société américaine. État des lieux de ces remous institutionnels qui n’ont pas fini d’animer les débats outre-Atlantique.

Par Philippe Gortych

L’aigle à la tête blanche, emblème des États-Unis depuis 1782, a pris du plomb dans l’aile ces derniers temps. Au mois de juin, la Cour suprême américaine (la plus haute juridiction du pays) a rendu une série de décisions qui ont suscité de vastes polémiques aux quatre coins du pays. La mesure la plus critiquée a été la révocation du droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG), qui était garanti par la Constitution depuis 1973 et le célèbre arrêt Roe v. Wade. Désormais, chacun des 50 États pourra décider de l’autoriser ou non.

Le Président Joe Biden n’a pas attendu pour qualifier cette décision d’« erreur tragique » causée par une « idéologie extrémiste ». Son prédécesseur Donald Trump n’a pas non plus manqué de commenter ce revirement, estimant que c’était là « la volonté de Dieu ». Enfin, du côté de l’ONU, la Haute-Commissaire déléguée aux droits de l’homme Michelle Bachelet a jugé que c’était un « coup terrible porté aux droits humains et à l’égalité des genres ». Pourtant, il se dit déjà que certains conservateurs veulent aller encore plus loin, et interdire purement et simplement l’IVG sur tout le territoire américain.

À la suite de cette volte-face historique, des millions de citoyens ont battu le pavé pour protester haut et fort et clamer leur désaccord. Au mois de juillet, alors que certaines vagues de protestations contre la révocation du droit à l’IVG se poursuivaient, des activistes offraient jusqu’à 200 dollars en échange d’informations permettant de localiser les juges conservateurs de la Cour suprême de manière à faire pression sur ces derniers. Signe que cette décision historique va au-delà des luttes partisanes entre démocrates et républicains, de grandes entreprises américaines telles que Microsoft, Tesla, Amazon ou encore Hewlett Packard ont ouvertement apporté leur soutien au droit à l’IVG. Solidaires des acquis de leurs employées, ces multinationales se sont engagées à rembourser les frais de déplacement pour aller avorter dans un autre État, voire même de participer aux frais médicaux pour certaines d’entre elles. Début août, l’État du Kansas, considéré comme conservateur, a organisé un référendum sur l’avortement. Il s’agissait du premier scrutin majeur de ce genre depuis la polémique. À la surprise générale, les votants se sont prononcés à près de 60 % pour le maintien du droit à l’avortement. À terme, on estime que la moitié des États devraient considérer l’avortement comme un acte légal. Pourtant, le débat sur l’IVG n’a pas fini de faire couler de l’encre et on peut citer l’exemple récent survenu en Floride, où une adolescente de 16 ans, orpheline, a été jugée « pas assez mature » pour avorter.

TSUNAMIS JURIDIQUES

Outre celle sur l’IVG, une autre décision de la plus haute instance judiciaire états-unienne a provoqué un véritable coup de tonnerre. La Cour suprême a en effet invalidé une loi de l’État de New York vieille de plus d’un siècle, et consacré l’autorisation du port d’armes hors du domicile. Un mois seulement après une épouvantable fusillade qui s’est produite dans une école primaire du Texas, six des neuf juges de la juridiction suprême ont ainsi véritablement mis le feu aux poudres. Quand on connaît le poids politique qu’occupe le thème des armes à feu aux États-Unis, on peut raisonnablement s’interroger sur le bien-fondé d’une pareille décision.

On estimait en juillet que depuis le début de l’année, la violence par armes à feu a causé 24 000 décès, dont 13 000 par suicide. L’élargissement du droit du port d’armes en public ne constituerait-il pas une certaine forme de paradoxe avec la farouche intention de limiter les possibilités d’IVG ? D’un côté, on souhaite quoi qu’il en coûte protéger la vie humaine, et de l’autre, on met en péril des vies humaines par une sanctuarisation des armes qui fait les choux gras de certains puissants lobbies. Une statistique en la matière nous apprend d’ailleurs que la moitié des électeurs républicains sont détenteurs d’une arme, alors qu’ils ne sont que 21 % chez les démocrates. Pour autant, cet écart est voué à se réduire étant donné qu’en 2020, 40 % des Américains ayant acheté une arme l’ont fait pour la première fois. Déjà, en 2017, on estimait que près de 400 millions d’armes étaient en circulation dans la population civile, soit 120 armes pour 100 habitants !

Sur un autre terrain, la même majorité conservatrice qui a remis en cause le droit à l’avortement a souhaité redéfinir la place du facteur religieux dans la vie publique. La Cour suprême a en effet pris le risque de bousculer le délicat équilibre entre la défense des libertés religieuses et la neutralité de l’État au travers de trois décisions importantes. La première rend possible la prière à l’école et sur les terrains de sport. La deuxième donne le droit aux condamnés à mort de prier à haute voix et d’être « touchés » par le pasteur. Quant à la troisième, elle permet aux écoles religieuses de bénéficier de subventions publiques. Tous ces verdicts confirment l’avancée de la nouvelle droite chrétienne américaine qui défend vent debout des valeurs religieuses très conservatrices, malgré l’existence du premier amendement de la Constitution américaine de 1789 qui mettait en place les principes d’un État laïc en excluant de conférer des privilèges à une religion ou une quelconque communauté religieuse.

Enfin, dans son arsenal de grands changements adoptés cet été, la Cour suprême a finalement aussi limité les moyens des États fédéraux pour lutter contre le dérèglement climatique. Elena Kagan, nommée par Barack Obama, et qui est l’une des trois juges progressistes du temple du droit américain, a estimé que « la Cour a retiré à l’Agence de protection de l’environnement (EPA) le pouvoir que le Congrès lui a donné de répondre au problème le plus pressant de notre époque ». En effet, c’est cette même Cour qui en 2007 avait rendu une décision selon laquelle l’EPA était compétente pour réguler les émissions de gaz responsables du réchauffement climatique.

L’HÉRITAGE DES ANNÉES TRUMP

Sommet du pouvoir judiciaire américain, la Cour suprême est garante de la Constitution. Elle émet des jugements qui ne peuvent pas faire l’objet d’appels. Parmi ses neuf membres (cinq hommes et quatre femmes), qui peuvent conserver leur fauteuil à vie, on trouve aujourd’hui six juges conservateurs. Trois d’entre eux ont été nommés par l’ancien Président Donald Trump et leur vision correspond quasi parfaitement à celle du camp républicain. A-t-on remarqué suffisamment tôt les prémices d’une révolution conservatrice dans le slogan du candidat Trump lors de sa campagne de 2016, « Make America Great Again » ? Bien qu’il ne soit plus au pouvoir depuis maintenant bientôt 2 ans, son ombre continue à planer sur les sphères conservatrices. Dans ce trio de magistrats choisis par l’ancien locataire de la Maison-Blanche, siège notamment une femme du nom d’Amy Coney Barrett, qui fait particulièrement parler d’elle et que l’on peut présenter comme une égérie de la droite religieuse américaine. Outre le fait qu’elle est farouchement opposée à l’IVG, cette mère de sept enfants a un discours radical sur le mariage homosexuel ainsi que sur la contraception.

Dans les débats publics, certaines célébrités ont également tenu à faire entendre leur voix et protester contre le virage conservateur qu’a emprunté le controversé tribunal de dernier ressort. Parmi elles, on peut citer Stephen King qui a jugé dans un tweet ironique que c’était « la meilleure Cour suprême que le XIXe siècle ait jamais produite », ou bien la vedette médiatique Kim Kardashian qui a affirmé qu’« aux États-Unis, les armes ont plus de pouvoir que les femmes ». Quant à l’actrice et productrice Patricia Arquette, elle a déploré que « demain, une femme qui a besoin d’un avortement en Amérique ne sera pas autorisée à cause de six marchands de pouvoir fanatiques ».

VERS UN REPLI DE L’AMÉRIQUE

Mal remis de la débâcle électorale de Donald Trump de 2020, le camp républicain semble peu à peu prendre sa revanche à la faveur des récentes dispositions prises par la Cour suprême. En 2022, cette dernière devrait encore statuer sur des questions telles que la discrimination positive ou bien encore la façon dont seront régulées les élections. Va-t-on assister à une nouvelle vague de décisions conservatrices ? Jusqu’où la Cour suprême, appuyée par sa large majorité conservatrice actuelle, pourra-t-elle avancer ses pions sans mener le pays sur le chemin de l’insurrection ?

Dans cette société divisée et en voie d’implosion, il existe aujourd’hui un climat de délation qui fragilise la cohésion nationale. Le dernier exemple en date a eu lieu en Californie où, quelques semaines après les annonces de la Cour suprême sur le port d’armes, le plus riche des États américains a fait voter une loi visant à faire interdire certaines armes, et a invité la population à porter plainte contre leurs fabricants et leurs vendeurs moyennant un dédommagement de 10 000 dollars en cas de condamnation par un tribunal. Ce modèle de dénonciation par les citoyens s’est inspiré d’un cas analogue datant de l’an dernier, où c’est le Texas qui avait autorisé ses citoyens à engager des poursuites civiles envers toute organisation ou personne responsable d’aide à l’avortement, moyennant une rétribution financière d’au moins 10 000 dollars. Autre exemple de contrôle par des citoyens, cet été le réseau social Facebook est allé jusqu’à transmettre à la police les messages privés d’une adolescente accusée d’avortement illégal. On pourrait qualifier cet incident de fait divers, mais il en dit tout de même assez long sur la prétendue confidentialité des données privées.

Censée être impartiale, la Cour suprême est devenue une institution militante qui a adopté des mesures pouvant diamétralement changer la société. Lorsque l’on constate que le doyen des juges, Clarence Thomas, 74 ans, a été nommé en 1991 par George Bush père et que les deux autres juges les plus anciens ont été nommés en 2005 et 2006 par le fils dudit Président, quel niveau de légitimité peut-on conférer à cette juridiction ? Ne devrait-on pas aller vers des mandats limités dans le temps ? En outre, est-ce bien normal que les dernières décisions rendues par la Cour suprême représentent si peu la couleur politique du pouvoir en place ?

À l’heure actuelle, les États-Unis ont résolument pris un virage conservateur, et un récent fait d’actualité relativement peu médiatisé laisse à penser que cette tendance ira crescendo dans un avenir proche. En effet, lors de la grande Conférence du mouvement conservateur américain (Conservative Political Action Conference (CPAC) qui s’est tenue en août au Texas, un invité-surprise du nom de Viktor Orban a fait son apparition à la tribune de ce meeting où Donald Trump était également présent. Le Premier ministre populiste hongrois, qui gouverne son pays d’une main de fer depuis 2010 et qui, rappelons-le, était déjà aux affaires à la fin des années 1990, est venu apporter son soutien aux conservateurs américains chez qui il trouve certainement une certaine forme de résonance avec son propre message politique.

Lors de son discours, Viktor Orban a affirmé : « Nous devons coordonner le mouvement de nos troupes car nous faisons face aux mêmes défis. […] Les progressistes d’aujourd’hui tentent de séparer la civilisation occidentale de ses racines chrétiennes. […] Les horreurs du nazisme et du communisme se sont produites parce que certains États occidentaux avaient abandonné leurs valeurs chrétiennes. » Des propos qui amènent à penser que l’on assiste progressivement à une « orbanisation » des conservateurs américains qui, et ce n’est pas un hasard, ont tenu une session spéciale de la CPAC au mois de mai à Budapest, sur les terres du leader hongrois.

CAP SUR LA PRÉSIDENTIELLE 2024

Les orientations de la Cour suprême évoquées précédemment vont bien au-delà des confrontations politiques entre les deux grands partis traditionnels, car elles touchent à des questions centrales de la vie quotidienne du peuple américain. Pour une majorité d’entre elles, les décisions récemment rendues vont diamétralement à contre-courant des réalités, tout particulièrement sur les questions liées au climat et aux armes. Quel sens donner par exemple à cet élargissement de l’usage des armes lorsqu’on voit que le 4 juillet dernier, jour de la fête nationale, une fusillade a fait 6 morts et 30 blessés dans la banlieue de Chicago ?

Au grand dam du Parti démocrate, qui voit dans les récentes annonces de la Cour suprême un terrible retour en arrière, la seconde moitié du mandat de Joe Biden s’annonce d’ores et déjà semée d’embûches. Dans le courant du mois d’août, à quelques semaines des élections de mi-mandat qui seront cruciales pour le camp démocrate, le Président américain a promulgué un vaste plan sur le climat et la santé pour amorcer la seconde phase de son quadriennat. D’ici cette échéance, le camp républicain continuera probablement à instrumentaliser la Cour suprême autant qu’il lui sera possible, tant les décisions de la majorité conservatrice sont compatibles avec ses propres intérêts partisans.

Prêt à surgir des coulisses, Donald Trump est d’ores et déjà annoncé comme le favori du camp répulicain pour la prochaine course à la Maison-Blanche. Face à sa popularité constante, on se demande bien qui pourrait lui ravir le rôle de porte-drapeau des conservateurs ? En attendant, les dernières mesures prises par la Cour suprême auront certainement des conséquences majeures sur le futur visage de la société américaine, qui apparaît aujourd’hui plus divisée que jamais.

Crédit photo : © Shutterstock - Pixel-Shot

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