Le Ministre des Transports du Kazakhstan nous dévoile la stratégie mise en œuvre pour faire des infrastructures de transport un atout majeur de son pays, près de cinq fois plus grand que la France.
Propos recueillis par Clément Airault
Le Kazakhstan est un pays clé, situé entre l’Asie et l’Europe. En quoi cette position en fait-il aujourd’hui un hub de transport important pour ses partenaires européens ?
Le Kazakhstan déploie d’énormes efforts pour développer le potentiel de transport et de transit dans la région, ainsi que pour moderniser les corridors de transport. Les itinéraires les plus courts de l’Europe vers l’Asie centrale, la Chine et l’Asie du Sud-Est passent par notre pays.
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Nous avons mis en place un réseau de corridors et de routes de transit transcontinentaux efficace. Le Kazakhstan est traversé par cinq corridors de transport ferroviaire internationaux : Corridor Nord, Corridor Sud, Corridor centrasiatique, Corridor Nord-Sud, et la Route transcaspienne de transport international (ou Transport Corridor Europe-Caucasus-Asia [Traceca]).
Aujourd’hui, le Kazakhstan offre de nouvelles opportunités et possède un énorme potentiel pour des investissements rentables. Notre pays occupe une position stratégique importante, dispose d’un environnement favorable aux affaires, protège les droits des investisseurs et propose des incitations à l’investissement.
Qu’est-ce que la Route transcaspienne de transport international ? Qu’est-ce qui est mis en œuvre à ce jour pour renforcer son attrait aux yeux de vos partenaires européens ?
La Route transcaspienne de transport international est une solution logistique unique reliant les flux de transit entre l’Europe, l’Asie centrale et la Chine. Le rôle accru de cette route est confirmé par la multiplication du volume du trafic de marchandises. Au terme des neuf premiers mois de 2023, le volume de marchandises transportées a augmenté de 89 % pour atteindre 2 millions de tonnes. Les travaux se poursuivent pour inciter les entreprises européennes de transport et de logistique à adhérer à l’association TMTM (le Comité de coordination pour le développement de la Route transcaspienne de transport international, ndlr). D’ici la fin de l’année, il est prévu de finaliser les procédures d’adhésion pour le transporteur autrichien Rail Cargo Austria, ainsi que pour d’autres opérateurs de fret d’Allemagne.
Pour attirer les exportations chinoises, le Kazakhstan a approuvé, le 14 octobre dernier, un projet d’accord entre le Gouvernement de la République du Kazakhstan et le Gouvernement de la République populaire de Chine (RPC) sur le développement de la Route transcaspienne de transport international. L’accord fournira des conditions favorables au développement de la route et attirera du fret supplémentaire en transit et en commerce extérieur.
Les parties ont également conclu un accord sur la création d’un réseau logistique complet au Kazakhstan, y compris l’investissement dans la construction d’une plateforme de conteneurs dans le port d’Aktaou.
Quels sont les grands projets de transport mis en œuvre aujourd’hui pour désenclaver les régions les plus reculées du pays ?
À ce jour, plusieurs projets d’infrastructures sont en cours.
L’achèvement de la construction de la deuxième voie du chemin de fer Dostyk-Moïynty permettra d’augmenter le volume du trafic de transit entre la RPC et l’Europe, de multiplier la capacité par cinq et d’augmenter la vitesse du transport jusqu’à 1 500 km/jour (au lieu de 800).
La construction d’une nouvelle ligne ferroviaire Bakhty-Ayagoz permettra de décharger les gares ferroviaires frontalières de Dostyk et Altynkol, et d’augmenter la capacité de transit entre la RPC et le Kazakhstan de 20 millions de tonnes supplémentaires, alors qu’elle est actuellement de 28 millions de tonnes.
La construction d’une ligne ferroviaire de contournement de la gare d’Almaty permettra de soulager le carrefour d’Almaty de 40 %, et de réduire le délai de livraison des marchandises à 24 heures.
Aujourd’hui, la capacité totale de traitement des ports maritimes de la République du Kazakhstan est d’environ 21,2 millions de tonnes de marchandises par an.
Une étude de faisabilité est en cours pour le container hub du port d’Aktaou, qui devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Afin de mettre en œuvre le projet, en mai dernier, « SA Compagnie nationale Aktau Commercial Sea Port » (ou AMTP) a été enregistrée en tant que participante à la Zone économique franche Seaport Aktau. Un terrain, d’une superficie totale de 19 ha, destiné à la construction d’une plateforme de conteneurs a été transféré au solde d’AMTP. Des négociations avec des investisseurs chinois et allemands sont en cours.
Abu Dhabi Ports (ADP), en collaboration avec la société kazakhstanaise Semurg Invest, prévoit également de construire un terminal multifonctionnel Sarzha dans le port de Kouryk. Les sociétés sont en train d’élaborer un accord sur la réalisation du terminal céréalier. Le 15 août dernier, elles ont signé un accord sur les principes de base de la coopération. Une vérification préalable est actuellement en cours.
Par ailleurs, des travaux sont en cours pour créer une installation navale nationale sur la mer Caspienne. À ce jour, les sociétés turques Asfat et YDA ont été identifiées comme des investisseurs potentiels.
Il est également prévu de développer une flotte de pétroliers et une flotte de ferries (jusqu’à dix ferries) d’ici 2030. Le projet sera réalisé avec des investissements privés. Un accord de partenariat stratégique a été conclu avec Abu Dhabi Ports Group, et une entreprise commune a été enregistrée.
Pour accueillir les avions ayant une masse maximale au décollage, l’aéroport d’Aktaou prévoit de rénover la piste, l’aire de trafic et la voie de circulation existantes sur la période 2024-2025, à l’aide de fonds privés. Il est également prévu d’ajouter cinq places de stationnement sur l’aire de trafic pour l’entretien des gros-porteurs, ainsi que de renforcer les bords de route des aires de stationnement pour ce type d’avions afin d’éviter que des corps étrangers ne pénètrent dans les moteurs. En outre, il est prévu de créer une véritable plateforme multimodale régionale offrant des services de distribution de fret compétitifs et de haute qualité.
Que pouvez-vous apprendre de l’expérience européenne pour imaginer des routes plus sûres ?
La mise en œuvre de l’expérience européenne du Programme international d’évaluation des routes (iRAP) permet d’inspecter les routes à haut risque et d’établir des « classements par étoiles », ce qui permet d’identifier les tronçons les plus dangereux et d’élaborer des plans d’investissement pour les améliorer. Ce programme vient du Royaume-Uni. Il a déjà été appliqué avec succès dans plusieurs pays, dont les États-Unis, la Thaïlande, la Croatie, la Slovaquie et la Chine.
Ensuite, le concept de la « Vision zéro accident » vise à prévenir les accidents de la route et implique une tolérance zéro à l’égard de ces évènements. Pour éviter les collisions entre les différents modes de transport (voitures, vélos, piétons…), le système de circulation les sépare ou fixe des limites de vitesse. Les rues ont une fonction spécifique et leur utilisation est prise en compte. Par exemple, les voies d’accès aux magasins ou aux zones résidentielles ne sont pas conçues pour des vitesses élevées.
En outre, tous les éléments de l’infrastructure routière sont harmonisés.
Il convient également de mentionner l’audit de sécurité routière. Il s’agit d’une procédure importante utilisée dans le processus de conception des routes pour garantir la sécurité routière. Cette pratique est reconnue au niveau international et constitue une norme au Royaume-Uni et sur le réseau routier transeuropéen.