Le numérique est devenu un enjeu de développement majeur, et le Gouvernement, qui en a fait une priorité, l’a bien compris. Le Ministre d’État Mahamat Allahou Taher nous dévoile les grands axes de sa feuille de route.
Propos recueillis par Laurent Bou Anich
Après votre nomination, le 14 octobre dernier, quelles ont été les premières mesures que vous avez entreprises ?
Après avoir pris le pouls des différents services et entités sous tutelle du département dont nous avons la charge, et après des rencontres avec les partenaires sociaux, nous avons donné les instructions nécessaires pour axer les orientations sectorielles du ministère aux priorités de la transition en cours, et qui sont contenues dans la feuille de route du Gouvernement. Relativement à l’élaboration de la Loi de finances de l’année 2023, des instructions ont également été données en vue de la prise en charge des actions prioritaires inscrites dans le Plan d’actions 2023 de notre département. Même si, au résultat, nos attentes ne sont pas entièrement comblées, la volonté demeure et l’impulsion nécessaire ainsi que la motivation des cadres et agents du secteur constituent un puissant gage préfigurant des progrès certains.
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Où en est aujourd’hui l’opérationnalisation du réseau à fibre optique dans le pays, et en particulier dans la capitale ?
Le Tchad a entrepris un vaste programme de réalisation d’infrastructures à fibre optique. Aujourd’hui, le pays dispose de deux sorties à l’international en fibre optique, à savoir le tronçon qui relie le Tchad aux câbles sous-marins de l’océan Atlantique via le Cameroun (SAT 3), et le tronçon qui permet, via la République du Soudan, d’atteindre les câbles de fibre optique situés sous la mer Rouge (ESSY 1 et 2).
Dans le souci de l’interconnexion des grands centres urbains, la fibre optique a été posée entre la ville de Komé, au sud du Tchad, et N’Djamena, sur une distance de 612 km, permettant de relier cinq grandes villes de la zone méridionale du pays, et 84 km de réseaux métropolitains ont été réalisés dans les différentes villes traversées. De même, la fibre optique a été posée entre N’Djamena et Adré, à la frontière du Soudan, sur une longueur de 1 142 km, et ce tronçon a permis d’interconnecter douze villes du centre et de l’est du pays, et la réalisation effective de 55 km de réseaux métropolitains.
La construction de ces deux tronçons ont permis à la ville de N’Djamena de disposer d’un réseau métropolitain de 114 km, et donné l’opportunité aux opérateurs de téléphonie mobile de connecter au moins 115 de leurs sites à leurs cœurs de réseaux respectifs, pour l’amélioration de la qualité des services fournis. Ces projets ont permis également de réduire les coûts des communications électroniques au niveau national.
Actuellement, deux grands projets de fibre optique sont en cours de réalisation : le Projet de modernisation des infrastructures de communications électroniques (PMICE), et le Projet de la Dorsale transsaharienne à fibre optique (Projet DTS – composante du Tchad).
Comment œuvrez-vous à promouvoir l’économie numérique dans le pays ? Et quelle est la part de ce secteur dans l’économie nationale ?
Le Gouvernement a inscrit le développement des TIC et la promotion du numérique au nombre des priorités nationales dans le cadre de la Vision 2030, « Le Tchad que nous voulons ». Ces priorités ont été réaffirmées dans le Plan stratégique de développement du numérique et des Postes (PSDNP) pour la période 2020-2030, adopté par le Gouvernement le 19 novembre 2020.
Dans l’optique du développement de la compétitivité, le Tchad se doit d’anticiper un avenir fondé sur l’accès facile et la généralisation des services de communications électroniques, afin d’attirer plus conséquemment les investissements privés étrangers qui sont souvent orientés vers les régions du monde bien desservies en infrastructures de communications et qui sont dotées d’un cadre juridique favorable.
Dans le cadre de la mise en œuvre des axes prévus dans le PSDNP 2020-2030, et suivant les 43 projets qu’il contient et les différents programmes s’y rapportant, il est envisagé d’assurer la promotion de l’économie numérique au niveau national. L’objectif est de faire du numérique un moteur de croissance afin de rehausser la contribution des TIC au PIB national, en passant de 3,8 % actuellement à 10 % d’ici 2030.
Que fait votre ministère pour favoriser l’accès au numérique pour tous les Tchadiens ?
En ce qui concerne l’inclusion et l’accès au numérique, et dans le cadre de son programme de lutte contre la pauvreté et pour le désenclavement numérique du pays, le Gouvernement a conçu un programme consistant en la réalisation de Centres communautaires multimédias (CCM) dans chacun des 23 chefs-lieux de province. Ils constitueront des maillons de la chaîne. À ce jour, six de ces structures ont été construites, équipées et rendues fonctionnelles par l’Agence de développement des technologies de l’information et de la communication (AdeTIC), à qui cette mission a été confiée.
Les CCM sont des infrastructures à caractère socioéconomique et leur importance est plus qu’évidente, au regard des fonctions qu’ils sont appelés à remplir. L’initiative de leur réalisation procède de la mise en œuvre du service universel, défini comme un ensemble minimal de services de bonne qualité et accessibles à l’ensemble de la population, dans des conditions tarifaires abordables, indépendamment de la localisation géographique.
C’est dans cette perspective que Son Excellence Monsieur le Président de Transition a décidé, en janvier 2022, la réduction de 30 % du tarif de l’internet et la suppression des impositions sur les terminaux et équipements relatifs aux services de communications électroniques pour une durée de 5 ans.
Une stratégie nationale concernant la cybersécurité est en cours d’élaboration depuis le mois de décembre. Quels sont aujourd’hui les enjeux sur ce sujet ?
Le constat est que plus une société est connectée, plus les risques de cyberattaques sont élevés. La cybersécurité est un facteur indispensable pour une transformation numérique durable et efficace, car cette dernière repose sur le capital confiance numérique pour toute organisation. Jusque-là, chaque structure au niveau national s’est organisée, autant que faire se peut, pour trouver les moyens de se prémunir contre les actions de cybercriminalité, mais le développement de ce phénomène inquiétant a nourri les réflexions ayant préfiguré le processus d’élaboration d’une stratégie nationale de cybersécurité qui a été lancé au cours du dernier trimestre de l’année 2022.
Il importe aussi de souligner que la cybersécurité figure au nombre des préoccupations du Gouvernement et qu’elle a sous-tendu l’adoption en 2015 de différentes lois s’y rapportant, mais aussi la démarche ayant conduit à la ratification de la convention de l’Union africaine sur la cybersécurité, communément appelée convention de Malabo.
Il est important de mesurer les enjeux relatifs à la cybersécurité afin de définir et prioriser les réponses à adopter pour mettre en place une stratégie nationale capable de fournir à l’ensemble des structures et acteurs une plus grande sécurité numérique.