Le Gouvernement de la Généralité de Catalogne accorde une attention particulière aux questions sécuritaires, qui constituent un marqueur de bonne gouvernance. Le Ministre de l’Intérieur nous précise les grands axes de sa politique.
Propos recueillis par Clément Airault
Monsieur le Ministre, quelles sont les compétences des Mossos d’Esquadra en Catalogne ?
Les Mossos d’Esquadra disposent de tous les pouvoirs de police sauf ceux qui ont à voir avec l’immigration ou la police aux frontières. Nos forces de police sont donc compétentes en matière de terrorisme et de sécurité nationale, ont des forces spéciales d’intervention, gèrent l’ordre public ou la police maritime. Naturellement, il y a une collaboration entre les Mossos d’Esquadra et les différentes forces de police dans certaines enquêtes.
Comment vous différenciez-vous de vos prédécesseurs dans votre approche de la sécurité intérieure ?
Nous voulons mettre l’accent sur le fait que la politique de sécurité publique est la garantie des droits et libertés des citoyens, et en particulier des plus vulnérables. Insister sur le social est selon nous essentiel pour rapprocher les citoyens de leur police.
Mossos d’Esquadra est la deuxième institution la plus appréciée par les citoyens, et cela est dû au fait que des changements sont progressivement intégrés. Nous voulons souligner ces changements, car c’est défendre quelque chose que nous pensons être fondamental du point de vue de la gauche. Je pense que la sécurité est une valeur qui doit être défendue par la gauche, parce que ceux qui souffrent le plus du désordre sont les plus vulnérables, les plus démunis. Je sais que vous pensez que l’ordre est une valeur de la droite, mais la droite, c’est le chaos. Dans les pays où il y a le plus d’inégalités, il y a plus de désordre et plus de violence. L’ordre, ce n’est pas de frapper plus fort ; l’ordre, est autre chose. La réponse est dans le dialogue, la médiation, et la proximité sur le territoire.
Quels sont vos objectifs en termes de réorganisation des forces de sécurité ?
Notre idée est de rendre la police beaucoup plus territorialisée, plus présente sur l’ensemble du territoire. Nous voulons créer du lien et de la proximité avec la police locale et avoir une plus grande présence sur le territoire. Il nous faut mettre plus de moyens pour lutter contre certaines délinquances, notamment celles liées aux agressions contre les femmes.
Nous avons pris plusieurs initiatives pour être une police plus démocratique, plus transparente. En ce sens, par exemple, nous sommes passés de 10 % à 25 % de femmes au sein des effectifs des Mossos d’Esquadra. Elles représenteront un tiers des effectifs d’ici les prochains mois. Désormais, un minimum de 40 % des personnes qui rejoindront Mossos seront des femmes. Nous intégrons également la diversité, c’est-à-dire que nous avons incorporé dans les promotions la connaissance des langues des communautés qui vivent en Catalogne, pour travailler à constituer une police qui ressemble plus à la société qu’elle représente.
Notre objectif vise aussi à accroître les ressources qui nous sont affectées. Le budget du ministère de l’Intérieur a augmenté de 20 %, et cela n’inclut pas le personnel. Nous souhaitons augmenter l’effectif des Mossos d’Esquadra pour passer de 18 000 à 22 000 au cours des dix prochaines années, en incorporant quelque 800 Mossos d’Esquadra chaque année, ce qui non seulement remplacera ceux qui prennent leur retraite, mais aussi augmentera la masse du personnel. Nous avons déjà recruté 850 Mossos.
Nous avons également ouvert une voie de dialogue au sein des Mossos d’Esquadra et du Parlement pour intégrer des mesures de plus grande transparence dans la gestion de l’ordre public, ainsi que dans la gestion générale de la police.
Comment assurez-vous la sécurité des touristes, et que mettez-vous en place pour contrer les débordements liés à l’affluence des arrivées ?
Une opération ponctuelle a lieu durant l’été, qui est la période de plus grande affluence touristique. Nous appliquons essentiellement trois mesures.
L’une consiste à transférer le plus de Mossos, habituellement affectés à l’intérieur du territoire, sur la côte méditerranéenne. La gestion des Mossos s’adapte à la réalité, en priorisant 27 municipalités de la côte et en leur donnant plus de moyens. Nous mettons plus de pression avec plus de présence.
Dans les neuf régions, il y a des services centraux d’ordre public qui priorisent leur travail selon les besoins, avec des demandes d’effectuer des heures supplémentaires. C’est la deuxième mesure.
Et puis, il y a un autre axe, la collaboration avec la police locale dans le cadre de dispositifs communs. C’est quelque chose qui existait déjà mais que nous consolidons. Je ne pense pas, comme certains politiciens, que le monde ait commencé avec moi. J’essaie juste de l’améliorer un peu.
Nous sommes en période de sécheresse. Comment votre Département gère-t-il la question des incendies en Catalogne ?
Il y a deux lignes de conduite à tenir : l’une est la réaction, et l’autre la prévention. Encore une fois, il s’agit de mettre des moyens.
Pour les pompiers, il y a un système mixte de bénévoles et de professionnels. Nous avons embauché 500 bénévoles et 1 000 professionnels de plus au cours des trois dernières années.
Nous effectuons un nettoyage préventif des forêts pour générer des espaces sans végétation. Et puis, il y a aussi la tâche de surveillance, effectuée par les agents ruraux et des volontaires. Nous avons un plan quotidien de mesures restrictives en fonction de la situation, avec par exemple la fermeture des parcs si nécessaire. À l’indice de risque 2, nous interdisons les activités humaines potentiellement dangereuses, comme les barbecues. Si l’indice arrive à 3, nous fermons les zones susceptibles de s’embraser.
Nous consacrons beaucoup d’énergie à la sensibilisation des citoyens et exerçons une pression continue dans les médias pour demander à la population de faire très attention. Nous communiquons beaucoup. La conscientisation des gens les incite non seulement à mieux se comporter, mais aussi à être vigilants. 97 % des incendies concernent des superficies de moins de 10 ha.
Vous êtes un homme politique engagé ; comment voyez-vous l’indépendance de la Catalogne ?
Nous avons un double horizon : l’amnistie et la fin de la répression politique, et le référendum pour pouvoir voter. Nous sommes convaincus que les Catalans sont chaque jour plus nombreux à vouloir défendre la voie du référendum. Cela est inévitable. Le scandale Pegasus a montré que certains hommes politiques n’ont pas de limites. Ce qui s’est passé est très grave dans un pays démocratique.
