Depuis son arrivée à la tête de l’État, le Président Mahamat Idriss Déby s’est engagé sur le chemin de la réconciliation et de l’unité du peuple tchadien. Le Ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale est chargé de mettre en œuvre les gestes d’apaisement qui découlent de l’accord de paix de Doha. Il nous en précise les contours.
Propos recueillis par Laurent Bou Anich
Quels sont les axes de la réconciliation nationale et quelles sont vos principales missions pour préserver la nation tchadienne et le socle de la République ?
Les missions dévolues au ministère de la Réconciliation nationale sont principalement d’apaiser le climat politique national et de veiller à panser les blessures de nos différentes déchirures générées par des décennies de guerre et de divisions et qui ont mis à mal la nation tchadienne, en égrenant de façon constante le socle de l’unité nationale.
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L’arrivée au pouvoir du Président Mahamat Idriss Déby et la mise en place de cette Transition font suite à une période exceptionnelle avec la mort du Maréchal Idriss Déby. Depuis cette période, le Gouvernement s’est attelé à définir un processus démocratique nouveau, élargir le champ politique. Le champ démocratique permet aux Tchadiens de connaître une plus grande liberté.
Le principal axe de réconciliation nationale est de ressouder les liens sociaux qui existent entre les Tchadiens, de mettre en place les grandes résolutions du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), résolutions qui ont permis de voir émerger un climat nouveau, favorable à un retour à l’ordre constitutionnel, avec des institutions démocratiques capables d’assurer l’alternance politique et qui permettent l’expression libre du suffrage universel du peuple souverain.
La réconciliation au Tchad est un long chemin. Comment travaillez-vous à fixer un agenda clairement défini et quels sont les contours stratégiques du DNIS, qui a pour objectif de poser sereinement les bases d’un processus de réconciliation ?
La réconciliation au Tchad est effectivement un long chemin, avec tous les conflits que le pays a connus. Cette réconciliation passe par la révélation de la vérité, et donc le dialogue. Nous avons franchi la première étape de ce cheminement avec l’organisation du pré-dialogue de Doha et celle du DNIS.
Sur les 35 recommandations du DNIS, 7 concernent spécifiquement la réconciliation nationale. Elles sont toutes inscrites, en lettres d’or, sur la feuille de route du Gouvernement et traduites en actions dans le plan de marche de notre Département, notamment : la mise en place d’une commission d’enquête chargée d’élucider les cas de disparition des personnes et de crimes politiques ; l’exécution des décisions judiciaires relatives à l’indemnisation des victimes du régime Habré ; l’examen des modalités de rapatriement de la dépouille de l’ancien Président Habré ; etc.
À cela s’ajoutent d’autres activités telles que : la négociation avec les groupes armés non signataires de l’accord de Doha et les exilés politiques ; l’exécution de manière effective de la disposition de l’accord de Doha relative à la restitution des biens des signataires, y compris ceux des nouveaux accords ; l’organisation de campagnes de sensibilisation dans les provinces des politico-militaires sur le désarmement, la paix et l’unité nationale.
Dans le même ordre d’idées, des réflexions sont en cours pour la création d’une Commission nationale de paix et cohésion sociale et ses démembrements, ainsi que pour l’élaboration et la mise en œuvre de trois stratégies, à savoir : la Stratégie nationale de la prévention, de la médiation et de la gestion des conflits liés aux ressources naturelles ; la Stratégie nationale de réconciliation nationale et de consolidation de la paix ; la Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Et ce, avec la participation des ministères concernés.
Le Tchad revient de loin. Le défi est d’aboutir à une réconciliation au niveau sociétal tout en recueillant l’adhésion de chaque personne. L’heure est à l’apaisement et à la reconstruction sociale avec l’intégration de toutes les franges de la population, de manière à prévenir une domination ou des exclusions potentielles qui pourraient générer des tensions futures. Durant toute la seconde phase de la Transition, le Gouvernement s’engage, de manière volontaire, à pacifier les relations entre les populations et à insuffler les conditions d’un dialogue à long terme. Pour lui, le renforcement de la cohésion sociale est un impératif.
L’inclusion des mouvements politico-militaires étant au centre des enjeux de la discussion, comment évoluez-vous sur ce sujet si important ?
Les mouvements politico-militaires ont participé au DNIS, ils font partie intégrante du Gouvernement, du Conseil national de la Transition (Assemblée nationale), de la Commission nationale d’organisation du référendum constitutionnel (Conorec), des postes leur ont été confiés à la Présidence de la République, etc. Grâce à la politique de la main tendue prônée par le Président de la République, des démarches sont entreprises pour que ceux qui n’ont pas signé l’accord de Doha puissent revenir à la table des négociations.
Il y a différents regroupements : ceux signataires de l’accord de Doha, ceux non signataires mais qui veulent le rejoindre, et ceux réfractaires. Nous poursuivons les discussions avec ces mouvements, recueillons leurs avis sur tout dossier les concernant, transmettons leurs doléances aux plus hautes autorités de l’État qui n’ont jamais manqué d’y répondre favorablement. Je profite de l’occasion pour saluer l’engagement personnel du Président de la République dans la satisfaction des différentes requêtes transmises. La violence comme moyen d’expression politique est révolue. Nous exhortons tous les mouvements à recourir au dialogue et à la concertation comme mode de règlement de tout différend, en toute circonstance.
Comment situez-vous l’accord de paix de Doha ?
L’accord de paix de Doha constitue la pierre angulaire du processus car il a permis la participation des mouvements politico-militaires au DNIS, un des points phares de la première Transition qui a engendré des résolutions pertinentes et consensuelles. Il reste la réalisation des objectifs de cet accord, notamment la mise en œuvre du programme Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), nécessitant l’accompagnement et le soutien de la communauté internationale. À cela s’ajoute l’arsenal juridique à mettre en place en vue de permettre aux non-signataires de rejoindre ledit accord.