L’accès à l’eau et à l’électricité, dans une optique d’émergence, est une priorité pour le Burundi. Comme le potentiel minier du pays semble très prometteur, le ministère de l’Hydraulique, de l’Énergie et des Mines apparaît comme un département stratégique.
Propos recueillis par Clément Airault
Quelles actions menez-vous afin de répondre aux besoins énergétiques du pays, une des priorités du Président au travers de sa vision énergétique du Burundi ?
Nous mettons en œuvre la planification stratégique du secteur de l’énergie par le biais du Programme d’accès universel à l’énergie, qui prévoit que, d’ici 2030, 60 % de la population soit raccordée au réseau interconnecté et 40 % au réseau isolé. En 2040, 80 % de la population devrait être raccordée au réseau interconnecté et 20 % au réseau isolé. L’intégration de l’énergie dans la Vision 2040-2060 est une priorité parce qu’elle est considérée comme le moteur du développement. Cette intégration prévoit une disponibilité de l’énergie pouvant stimuler l’accès à toute la population, à l’exploitation minière et à l’industrie. Ainsi, dans la Vision 2040-2060, nous envisageons de disponibilité une puissance de 1 000 MW. Avec les projets en cours, 12 % de cette capacité seront acquis, soit plus de 118,5 MW.
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La modification en mars 2024 de la loi sur l’électricité va inciter davantage les investisseurs privés à intervenir dans ce secteur. La production énergétique va également augmenter avec la construction de centrales hydroélectriques et solaires. Entre 2020 et 2024, une capacité de 69,5 MW a été mise en service avec trois centrales hydroélectriques — Ruzibazi, Rusumo Falls et Kabu 16 —, et de 7,5 MW avec la centrale solaire de Mubuga. D’autres centrales hydroélectriques sont en cours de construction par le Gouvernement du Burundi, appuyé par les partenaires au développement et le secteur privé. Nous planifions d’augmenter la production interne et l’énergie importée jusqu’à 1 000 MW d’ici 2040.
Nous réalisons également l’interconnexion de la région avec la construction des lignes de transport d’électricité Kigoma-Gitega, Kamanyola-Bujumbura et Rusumo-Gitega, avec une prévision de souscription de 200 MW depuis la centrale du Grand barrage de la Renaissance en Éthiopie et 200 MW depuis la centrale Julius-Nyerere en Tanzanie. Lorsque les besoins se font ressentir, nous avons ainsi accès à l’énergie.
Quel est l’état d’avancement de l’Objectif de développement durable (ODD) 7 et de l’accès universel à l’électricité au Burundi ?
L’ODD 7 et l’accès universel à l’électricité au Burundi sont en grande partie au stade de mobilisation des fonds. Le ministère s’est focalisé en premier lieu sur la production de l’énergie électrique, avant de basculer sur le transport et la distribution pour passer d’un taux d’accès de 9 % en 2011 à 15 % en 2024.
Nous mettons en œuvre différents projets de distribution d’énergie à travers les projets du réseau interconnecté et du réseau isolé. Tous ces projets sont lancés par le Gouvernement du Burundi avec la participation des partenaires au développement — dont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et la Banque européenne d’investissement —, des crédits contractés au sein des banques, et des acteurs du secteur privé.
Le taux d’accès à l’électricité va considérablement augmenter avec les projets de distribution en cours, tels que Soleil-Nyakiriza, PRK, Umuco w’Iterambere ou le projet d’électrification de 36 localités, et le projet Ascent-Burundi. Pour répondre à l’accès universel à l’énergie d’ici 2030, l’enveloppe nécessaire s’élève à 3 milliards de dollars, selon les études.
Quel est le potentiel du secteur minier au Burundi, au regard des études géologiques ?
Les ressources minières du pays sont très diversifiées, au regard des résultats des travaux de recherches géologiques et minières de substances minérales. Les recherches menées de 1969 à nos jours sous la supervision du ministère en charge de la géologie et des mines ont abouti à la découverte de gisements et d’indices de diverses minéralisations ou fossiles.
Parmi les gisements de minerais métalliques, on peut citer les gisements de nickel de Musongati ou Waga-Nyabikere. Le nickel est associé aux éléments du groupe de platine : le fer, le cuivre, le cobalt. On trouve aussi au Burundi des gisements de terres rares ; de fer, titane, vanadium ; d’or, dans les provinces de Cibitoke et Muyinga ; de cassitérite, colombo-tantalite (coltan) ou wolframite.
Concernant les minerais non métalliques, il convient de mentionner les gisements de phosphates et carbonatite de Matongo, ceux de kaolin de Mvumvu. Le sol burundais contient également des gisements de quartzite, de feldspath, de calcaire, de granite. Des indices de chrome, lithium, cuivre, bauxite, titane, manganèse, pierres semi-précieuses, pétrole, ont également été trouvés, ce qui nécessite des travaux de recherche pour évaluer leur potentiel.
Quelles sont les opportunités d’investissement dans le secteur ?
Le Burundi a de nombreux atouts. Il possède un potentiel minier riche et varié à explorer et à exploiter, des données et des informations géologiques accessibles, un processus transparent d’octroi de droits miniers rapide, une fiscalité attractive, la sécurité juridique des transactions et la paix et la stabilité politique.
Actuellement, les gisements de terres rares de Gakara, d’or de Cimba, de colombo-tantalite et minerais associés de Runyankezi à Kirundo, d’or de Masaka à Muyinga, de colombo-tantalite et minerais associés de Kabarore à Kayanza, de cassitérite de Murehe à Kirundo, ont été octroyés à des sociétés d’exploitation. Par ailleurs, dans le pays, les minerais de colombo-tantalite, de cassitérite, de wolframite et d’or sont exploités artisanalement par des coopératives minières autorisées par le ministère. Elles offrent des opportunités d’emploi à une population majoritairement rurale.
Le passage de l’informel au formel a eu pour effet d’augmenter les recettes fiscales générées par le secteur. Mais, malgré l’énorme potentiel minier, l’exploitation industrielle se heurte à une insuffisance d’infrastructures énergétiques et de transport.
Où en sont les discussions avec les exploitations minières dont les droits avaient été suspendus ?
En 2021, certaines exploitations minières industrielles ont été suspendues car nous avions constaté que la convention qui régissait le fonctionnement de ces investisseurs n’était pas vraiment un partenariat gagnant-gagnant. Nous avons relancé les discussions pour que les investisseurs et le Gouvernement soient tous gagnants. À l’heure où je vous parle, ces discussions continuent avec quatre sociétés. Mais sur le plan des mines artisanales, il n’y pas de problèmes.
Quelles difficultés contribuent aux pénuries de carburant dans le pays ?
Sur cette question, il y existe plusieurs sujets. Étant donné que nous sommes un pays enclavé, et non producteur de pétrole, nous achetons notre carburant à partir de la Tanzanie. Il coûte cher, et nous l’achetons en devises. Il faut dans un premier temps que nous ayons plus de devises pour acheter le carburant. D’autre part, notre consommation a fortement augmenté. En 2020, nous achetions du carburant pour 15 millions de dollars par mois et cela suffisait à notre consommation. Aujourd’hui, nous faisons une commande de 30 à 32 millions de dollars par mois et c’est insuffisant. La quantité de carburant importé a plus que doublé. Quand on fait une analyse, on voit que les Burundais achètent de plus en plus de véhicules. Nous invitons la population à produire beaucoup pour que l’excédent soit exporté, et nous invitons les investisseurs à venir investir dans le pays. C’est le meilleur moyen d’augmenter notre niveau de devises. Je suis vraiment optimiste sur cette question.
Hydraulique : une priorité pour tous
Dans le domaine de l’hydraulique, le ministère vise l’accès pour tous aux services d’eau potable et d’assainissement de base gérés en toute sécurité. La Direction générale de l’Eau potable et de l’Assainissement de base est en charge de l’élaboration des politiques et stratégies du secteur, de la planification et du suivi et évaluation, quand sur le terrain, au niveau exécutif, deux institutions sont opérationnelless : la REGIDESO agit en zone urbaine, et l’Agence burundaise de l’Hydraulique et de l’Assainissement en milieu rural (AHAMR) en zone rurale.
Les priorités nationales actuelles consistent essentiellement à l’atteinte de l’ODD 6, à savoir garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement. Pour cela, les objectifs visent à construire des infrastructures hydrauliques sur toutes les collines du pays, réhabiliter les infrastructures hydrauliques existantes, améliorer le système de gestion des infrastructures hydrauliques et d’assainissement, et mettre en œuvre la politique « Zéro déchet » en milieu rural.
La loi sur l’eau potable et l’assainissement est en cours de révision et la politique tarifaire est en cours d’élaboration. Ce cadre légal et règlementaire doit permettre d’inciter le secteur privé à entrer dans le secteur de l’hydraulique. Cela augmentera le taux d’accès et améliorera les systèmes de gestion pour diminuer les réhabilitations.