La République dominicaine s’étend sur les deux tiers de l’île Hispaniola, dans sa partie est, Haïti occupant le reste du territoire. Son histoire a été traversée d’ingérences étrangères — par le biais d’occupations, de colonisations ou d’annexions —, d’apports de populations venues de divers points du Globe, ainsi que de divisions et regroupements territoriaux au gré des rapports de force. Tout ceci a modelé son paysage politique.
Par Marie Forest
Les débuts du peuplement de l’île ont été caractérisés par des vagues successives de populations venues des forêts amazoniennes ; parmi elles, les Arawaks, qui se sont installés dans une grande partie de l’archipel des Caraïbes. Au VIIe siècle avant J.-C., les Taïnos, une ethnie de cette tribu, se sont implantés massivement sur cette île qu’ils ont nommée Quisqueya (« mère de toutes les terres »). Cette occupation va durer plusieurs siècles, avant que les Européens découvrent cette région du monde et changent l’orientation de son destin.
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LES COLONISATIONS
C’est en 1492 que les conquistadors espagnols, menés par Christophe Colomb, débarquent sur Quisqueya. Ils la colonisent, la rebaptisent Hispaniola, construisent des villes dont la plus imposante, Saint-Domingue, est érigée en capitale. La politique mise en place par ces nouveaux colons est extrêmement brutale. Les aborigènes sont réduits en esclavage et tellement maltraités durant la première moitié du XVIe siècle qu’ils sont presque anéantis. Au point qu’à court de main-d’œuvre asservie pour effectuer les travaux les plus pénibles, les Espagnols font venir des esclaves d’Afrique.
Par la suite, colons britanniques, portugais et français vont s’approprier certaines parties de l’île et, eux aussi, pratiquer la traite transatlantique. La France colonise le nord-ouest d’Hispaniola à partir de 1640. Il lui faudra attendre près de 60 ans, soit en 1697, pour que l’Espagne accepte de lui céder ce territoire, renommé colonie de Saint-Domingue. L’île est alors, officiellement, divisée en deux pour la première fois.
En 1791 débute la révolte des esclaves dans la partie française d’Hispaniola, menée par Toussaint Louverture. Dans le contexte de la Révolution française, la Convention montagnarde vote un décret d’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies de la nation. Toussaint Louverture conclut la paix avec Paris, remporte son combat contre les Espagnols sur la partie du territoire qu’ils occupent, offrant en 1795 à la France le contrôle de toute l’île, à nouveau unifiée.
Mais l’esclavage est rétabli en France par Napoléon Bonaparte en 1800, ce qui amène de nouveaux affrontements sur Hispaniola. Toussaint Louverture tente d’obtenir l’indépendance de l’île, en vain. Cette situation entraîne un soulèvement qui renverse les autorités en place, ainsi qu’une succession de conflits armés pour prendre le pouvoir. Ils se concluent en 1804 par une île à nouveau coupée en deux : à l’ouest, la République d’Haïti proclame son indépendance vis-à-vis de la France, avec à sa tête Jean-Jacques Dessalines, ancien esclave affranchi, qui se fait proclamer empereur Jacques Ier d’Haïti. À l’est, les Français sont expulsés en 1809 par les rebelles, avec l’aide des Anglais et des Espagnols.
Ces derniers reprennent pacifiquement le commandement du territoire jusqu’en 1821. Mais leurs problèmes intérieurs (ils sont en pleine guerre d’indépendance) et leurs autres colonies, plus riches et prometteuses, les font délaisser cette possession caribéenne. Cette période est surnommée « La España boba » (la stupide Espagne), car aucun effort n’est fait pour asseoir un nouveau pouvoir. Un écrivain dominicain, José Núñez de Cáceres, en profite pour prendre la tête d’un mouvement pacifique d’indépendance et créer la République dominicaine. Il en est le président… durant deux mois. Le Président d’Haïti, Jean-Pierre Boyer, envahit la nouvelle République et réunifie l’île sous son commandement. L’occupation haïtienne durera 22 ans, jusqu’en 1844.
La société secrète La Trinitaria, fondée en 1838 par Juan Pablo Duarte pour se libérer du joug haïtien, fomente une insurrection qui aboutit le 27 février 1844 à l’indépendance de la République dominicaine. Juan Pablo Duarte et ses premiers soutiens, Ramón Matías Mella et Francisco del Rosario Sánchez, sont déclarés « Pères de la Patrie ». Hispaniola, pour la troisième fois, se voit scindée en deux États.
UNE INDÉPENDANCE QUI S’INSTALLE DIFFICILEMENT
Les premiers pas sont chaotiques. Juan Pablo Duarte, élu Président de la Ire République dominicaine le 9 juin, est destitué le 22 août de la même année lors d’un coup d’État, et contraint à l’exil. Pedro Santana, qui prend la tête du pays et installe un régime dictatorial, est écarté à plusieurs reprises, revenant régulièrement sur le devant de la scène par le biais d’élections, coups d’État, voire à la demande de la population. Cette période d’instabilité interne se double d’une menace externe avec les velléités expansionnistes d’Haïti, qui tente à diverses occasions de s’emparer de la jeune République. Face à ce risque, Pedro Santana se résout à demander une protection étrangère. Les États-Unis et la France refusant d’annexer le pays, il se tourne, à nouveau, vers l’Espagne. La République dominicaine redevient dès lors une colonie. Mais les habitants entrent en rébellion : les renversements de pouvoir s’enchaînent, et l’Espagne finit par se retirer. En 1863, l’indépendance est restaurée. C’est le début de la IIe République.
Le pays n’en a pas fini avec l’agitation politique. La situation est complexe : il est en partie ruiné, divisé en clans territoriaux qui s’affrontent pour le pouvoir. Le Chef de l’État, Buenaventura Báez, fait lui aussi appel aux États-Unis pour demander la protection d’une annexion, mais se heurte à nouveau à un refus. En 1869, il récidive avec succès, mais le traité est annulé deux ans plus tard par le Sénat américain. Et la valse des soulèvements militaires reprend. Ulises Heureaux instaure à partir de 1889, jusqu’à son assassinat, une décennie de dictature sanguinaire, dans un pays en proie à un endettement de plus en plus insoutenable. Les années qui suivent sont traversées par de nombreuses crises politiques et économiques, et des révolutions successives. En 1907, le Président Ramón Arturo Cáceres Vásquez cède l’administration de la République dominicaine aux États-Unis, pour sortir le pays du marasme financier dans lequel il s’enfonce. Si le mandat présidentiel est limité à deux ans depuis 1879, la IIe république aura connu des alternances à un rythme effréné, en moyenne une fois par an sur un demi-siècle.
ENTRE DEUX TUTELLES AMÉRICAINES
En 1916, après un énième coup d’État, les Américains occupent le pays et en prennent le contrôle. L’opposition de la population est virulente et les guérillas contre ce nouveau pouvoir incessantes. Les Dominicains parviennent à négocier un processus de retour à l’indépendance, qu’ils obtiennent en 1924. La IIIe République est proclamée. Les six ans de présidence d’Horacio Vásquez, qui a fait prolonger la durée du mandat, se déroulent dans un climat plutôt apaisé.
Mais les choses s’enveniment en 1930. Alors que Rafael Estrella Ureña est élu Chef de l’État, il est renversé par Rafael Leónidas Trujillo Molina, fort du soutien des États-Unis que lui confère son anticommunisme. Le nouveau Président fait proclamer par le Congrès dominicain le début de « l’Ère de Trujillo », qui durera 30 ans ; une longue période de dictature, où l’armée et la police secrète mettent les Dominicains en coupes réglées. Entre culte de la personnalité et politique intérieure xénophobe, Rafael Trujillo tient le pays d’une main de fer et l’exploite à son profit. Ses excès et exactions finissent par entraîner la défiance et la réprobation des États-Unis. Ces derniers, en pleine guerre froide avec l’URSS, craignent que les opposants au Président dominicain le destituent au profit d’un communiste. La CIA soutient donc un groupe de dissidents qui assassinent Rafael Trujillo en 1961.
L’instabilité politique revient, avec son cortège de coups d’État, avortés ou réussis. La dictature est rétablie en 1965. Soucieux de l’influence politique que peut distiller l’exemple de l’île voisine, Cuba, sur les Dominicains, les États-Unis interviennent une nouvelle fois, à la demande des franges conservatrices. Le pays est occupé militairement, et des élections sont organisées l’année suivante. Joaquín Balaguer Ricardo remporte le suffrage présidentiel. Les États-Unis se retirent, la IVe République est instaurée.
UNE LENTE TRANSITION DÉMOCRATIQUE
Le régime autoritaire du nouveau Chef de l’État, pro-américain et anticommuniste, va perdurer 12 ans. Le pays connaît alors une période d’embellie économique, mais la mauvaise répartition des richesses ne permet pas à la population d’en profiter, les inégalités se creusent, et l’opposition politique est muselée. En 1978, l’insatisfaction générale conduit à l’élection du candidat du PRD, Antonio Guzmán Fernández. Joaquín Balaguer tente de contester ce résultat, mais faute du soutien espéré des États-Unis, il est contraint de reconnaître sa défaite. C’est la première fois dans l’histoire du pays que l’alternance politique se déroule de manière globalement pacifique.
Le PRD reste au pouvoir jusqu’en 1986. Mais les années qui suivent sont compliquées. Le difficile contexte économique, avec l’augmentation du prix du pétrole et la baisse des cours des matières premières dont le pays est exportateur, entraîne une politique d’austérité très impopulaire, génératrice de contestations virulentes et même d’émeutes. S’ensuit une répression sévère qui fait le jeu de Joaquín Balaguer, lequel revient au pouvoir après une parenthèse de huit ans.
La décennie qui s’ouvre alors semble un retour en arrière : le nouveau mandat de l’ancien Président ne se démarque pas de sa précédente politique, et des fraudes sont dénoncées lors de la tenue des élections qui suivent, en 1990 et 1994. Face à la contestation, Joaquín Balaguer est finalement contraint, sous la pression des États-Unis, d’organiser une élection présidentielle anticipée, à laquelle il renonce à participer. Leonel Fernández Reyna, du PLD, est élu en 1996. Il sort le pays de l’isolement diplomatique. Deux ans plus tard, la République dominicaine est reconnue par l’ONG américaine Freedom House comme étant un État démocratique.
L’HISTOIRE CONTEMPORAINE
L’histoire politique dominicaine se normalise enfin : le multipartisme est acté, le jeu des alliances s’est mis en place et l’alternance fonctionne sans heurts majeurs. Les différents présidents à l’œuvre depuis 1996 se sont tour à tour focalisés sur les grandes thématiques qui s’imposent aux États. Leonel Fernández (PLD) s’est appliqué à renforcer les relations économiques et diplomatiques avec les pays voisins de la zone caraïbe, et Hipólito Mejía Domínguez (PRD) a même noué des relations militaires avec les États-Unis. Leonel Fernández, revenu au pouvoir en 2004 pour deux mandats successifs, s’est ensuite attaqué à l’épineux problème d’une inflation galopante et de la crise économique, engageant des réformes institutionnelles et développant les infrastructures publiques. En 2012 son successeur, Danilo Medina Sánchez, issu du même parti politique, a néanmoins dû faire face à une situation financière compliquée qu’il s’est attaché à assainir. Depuis 2020, c’est Luis Abinader (anciennement PRD, puis PRM) qui est à la tête de l’État. Réélu au premier tour en 2024, il continue sa politique de lutte contre l’insécurité, d’éradication de la corruption et de restauration de la croissance économique.
Les partis politiques
Les principaux partis politiques sont les suivants :
– PRD – Le Parti révolutionnaire dominicain est à l’origine un parti de gauche modérée, social démocrate, passé progressivement au centre droit. Il a été fondé en 1939 à La Havane et Cuba par des exilés dominicains pour lutter contre la dictature alors en cours en République dominicaine.
– PLD – Le Parti de la libération dominicaine est de tendance libérale. Il est issu d’une scission du PRD en 1973, Juan Bosch décidant de créer un parti plus en adéquation avec ses idées après son échec à réformer le PRD. Le parti évolue de centre gauche à centre droit.
– PRSC – Le Parti réformiste social-chrétien est un parti populiste, entre centre droit et droite. Il a été créé par Joaquín Balaguer en 1984.
– PRM – Le Parti révolutionnaire moderne est né d’une scission avec le PRD en 2014. Fondé par Luis Abinader, il se positionne entre le centre gauche et le centre.
– FP – Force du peuple a été créé en 2019 par Leonel Fernández, après que ce dernier a été battu aux primaires de son parti, le PLD. Le FP se situe au centre gauche.
Au-delà de ces entités, il existe une mosaïque de partis et mouvements politiques. Lors des élections de mai 2024, on comptait 42 formations — 34 partis et 8 mouvements politiques — désireuses de participer à la gestion du pays.
L’architecture de l’État
La République dominicaine est constituée d’un régime présidentiel multipartite. La Constitution actuellement en vigueur date du 13 juin 2015. C’est la 39e depuis l’indépendance, établie en 1844. Elle stipule que les candidats à la présidence et la vice-présidence doivent être âgés d’au moins 30 ans, être nés citoyens dominicains, avoir la pleine possession de leurs droits civiques, et ne pas avoir eu d’activité militaire ou policière dans les 3 ans précédant l’élection.
Le pouvoir exécutif est assuré par un président, qui est à la fois chef de l’État et chef du Gouvernement, et un vice-président, tous deux élus pour 4 ans au suffrage universel direct lors d’un scrutin majoritaire à deux tours, renouvelable une fois.
Le pouvoir législatif est exercé par le Congrès, composé du Sénat et de la Chambre des députés, dont les membres sont eux aussi élus au suffrage direct pour 4 ans.
Les élections présidentielles, sénatoriales et législatives se tiennent en même temps, afin d’éviter l’écueil que représenterait une cohabitation empêchant les mesures décidées d’être appliquées.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_République_dominicaine