Par Stanislas Gaissudens
L’Afrique et les Amériques sont dotées d’une immense richesse culturelle, de paysages d’une grande diversité ainsi que d’un patrimoine et de liens historiques importants. La valorisation de ces attributs par le biais d’une coopération touristique renforcée peut stimuler le développement économique, favoriser les échanges culturels et encourager les pratiques durables sur les deux continents. C’est dans cette optique qu’un dialogue a été initié par ONU Tourisme, en vue d’une collaboration future augurant d’avantages substantiels pour chacun grâce à la promotion du tourisme, au partage des connaissances, aux échanges culturels et à la collaboration économique.
Le 1er Sommet ONU Tourisme pour l’Afrique et les Amériques s’est tenu du 2 au 5 octobre derniers à Punta Cana, en République dominicaine. Accueillant quelque 200 participants de haut niveau, dont 14 ministres, provenant de 27 pays (15 des Amériques et 12 d’Afrique), le secrétaire général d’ONU Tourisme, Zurab Pololikashvili, a déclaré : « Ce sommet offre une plateforme unique pour forger des liens et jeter des ponts entre l’Afrique et les Amériques, créer des partenariats stratégiques interrégionaux, encourager les projets de coopération Sud-Sud, le tout au bénéfice du secteur du tourisme des deux régions. »
David Collado, Ministre du Tourisme de la République dominicaine et président de la Commission régionale des Amériques, et Auxillia Mnangagwa, Première dame de la République du Zimbabwé et patronne du tourisme dans son pays, se sont joints à la direction d’ONU Tourisme pour accueillir les délégués et encourager l’établissement de passerelles reliant ces continents.
Pour Natalia Bayona, directrice exécutive d’ONU Tourisme, « force est de constater, pourtant, qu’en raison de multiples défis tels qu’une connectivité limitée, des barrières règlementaires et administratives et un manque de connaissance mutuelle des marchés, [les] relations touristiques croisées ne sont pas aussi fortes qu’elles pourraient et devraient l’être ». Et de préciser : « Notre objectif aujourd’hui est de relever ces défis avec ardeur, en favorisant une collaboration capable de stimuler le développement économique, d’accroître les échanges culturels et de favoriser les pratiques durables pour le bénéfice de toutes nos communautés. »
En relevant les défis et en tirant parti des possibilités offertes par les investissements touristiques, l’innovation, l’éducation et les industries culturelles du secteur, ce sommet, premier d’une longue série, ouvre la voie à un partenariat transformateur qui favorisera la prospérité économique et culturelle des deux régions.
La Déclaration de Punta Cana
Initiée en 2021, la « Déclaration de Punta Cana » a été adoptée en octobre 2024 lors de la clôture de la toute première réunion conjointe des commissions régionales d’ONU Tourisme pour l’Afrique et les Amériques, à l’issue de deux jours de dialogue autour des thèmes cruciaux pour le secteur que sont l’éducation et l’investissement. Reconnaissant les liens historiques entre les deux régions, ainsi que leurs cultures uniques et complémentaires, ce sommet fait date en matière de renforcement de la coopération, en misant sur l’innovation, l’éducation, les investissements et les industries créatives pour le développement du tourisme.
La Déclaration de Punta Cana, emblématique de la coopération Sud-Sud, énonce une série d’engagements communs en faveur de l’essor du tourisme en tant que moteur d’un développement inclusif. Dans cette déclaration, les responsables du secteur des deux régions reconnaissent l’importance d’« intensifier les efforts conjoints pour promouvoir le développement durable » par le biais du tourisme, en mettant l’accent sur « les investissements stratégiques, l’éducation, l’innovation et les industries créatives ». Incarnant l’esprit du sommet historique de Punta Cana, la Déclaration souligne également l’importance du tourisme en tant qu’outil permettant de préserver la spécificité de la culture et du patrimoine communs.
Quelques chiffres
En 2023, les deux régions ont enregistré un total de 267 millions d’arrivées de touristes internationaux et généré 371 milliards de dollars de recettes d’exportation.
Entre 2018 et 2023, 470 projets d’investissements directs étrangers en installations entièrement nouvelles ont été annoncés pour les deux régions dans le secteur du tourisme, soit un investissement total de 37,4 milliards de dollars et 131 763 emplois créés.
Entretien avec Zurab Pololikashvili, Secrétaire général d’ONU Tourisme
L’ONU Tourisme travaille à surmonter les défis les plus pressants auxquels le secteur est confronté, et l’organisation innove pour contribuer au développement du tourisme de demain, notamment en Afrique et Amérique latine, comme nous le détaille son secrétaire général.
Propos recueillis par Alexandra Taieb
ONU Tourisme est une organisation qui devient chaque jour plus visible. Quel est votre projet pour en faire un élément important dans le développement du tourisme mondial ?
Dès le premier jour, nous avons fixé plusieurs priorités. L’une d’entre elles était de créer un département de l’innovation, ce que l’organisation n’avait pas ; or l’innovation est un élément important du tourisme aujourd’hui. La numérisation est également quelque chose de nouveau, et nous avons ouvert un département pour l’investissement, aidant les pays membres à attirer et engager plus d’investisseurs extérieurs à leurs frontières.
Un autre défi et objectif était, et est toujours, d’être sur place. Nous sommes en train d’ouvrir un bureau pour les Amériques à Rio de Janeiro et un bureau pour l’Afrique à Marrakech. Nous avons déjà un bureau pour le Moyen-Orient à Riyad, en Arabie saoudite. C’est un processus qui ne s’achève pas en un jour, et nous continuons à travailler sur ces priorités.
Un autre projet phare est celui des « Meilleurs villages touristiques », dont nous célébrons déjà la 4e édition, pour récompenser les meilleurs villages du monde.
Il s’agit là de cinq piliers que nous avons définis, avec comme idée nouvelle de promouvoir la coopération continentale — ici entre l’Amérique et l’Afrique.
Je n’oublie pas l’éducation. Nous travaillons dur pour avoir autant de centres académiques que possible dans le monde entier. Nous avons déjà une Académie du tourisme des Nations unies en Arabie saoudite, en Ouzbékistan et à Madrid, et nous prévoyons d’en ouvrir une autre en République dominicaine. Aujourd’hui même, j’ai eu une conversation avec des ministres de l’Angola, qui ont exprimé leur intérêt pour le projet.
L’éducation est un domaine très demandé. Dans le cas de l’Amérique et de l’Afrique, il n’est pas facile d’envoyer leurs enfants ou leurs professionnels en Europe, en raison des problèmes de visa et des coûts. Il existe une forte demande d’éducation sur les continents eux-mêmes, et nous nous efforcerons de créer davantage de centres universitaires dans toutes les parties du monde.
Vous êtes à l’origine du 1er Sommet de l’ONU sur le tourisme pour l’Afrique et les Amériques, qui a eu lieu début octobre 2024 en République dominicaine. Comment l’ONU Tourisme peut-il contribuer à renforcer les liens entre l’Afrique et l’Amérique latine ?
Je pense que le principal objectif de cet évènement était d’apporter et d’encourager le contact direct entre les ministres africains et latino-américains.
C’est la première fois dans l’histoire que nous organisons ce type d’évènement, réunissant deux continents. Je pense qu’il a été couronné de succès, car il n’était pas facile d’organiser et de mettre en œuvre la participation de 18 ministres, compte tenu de leur emploi du temps et du fait qu’ils voyagent chaque semaine. La distance est assez longue, de l’Afrique à l’Amérique. Certains ministres ont changé trois fois de destination et ont pris plusieurs avions pour venir ici ; ils ont voyagé deux jours pour être avec nous. La Première dame du Zimbabwé était également présente, ce qui est un honneur.
Dès le premier jour, j’ai dit : voyons si cela leur plaît ou non. Et comme nous l’avons vu au cours de ces trois jours, les discussions et les entretiens ont été très intéressants. Il y a beaucoup d’idées et de défis que nous devons aborder et résoudre. Je pense que c’est l’objectif de réunions comme celle-ci.
Les délégations et ministres africains ont tout de suite noué de nouvelles amitiés avec leurs homologues américains. Je félicite donc la République dominicaine, les Amériques et l’Afrique pour ce sommet. C’est un début, et il est toujours difficile de commencer, mais nous connaissons déjà le pays qui accueillera la 2e conférence entre l’Amérique latine et l’Afrique, à savoir la Zambie.
Cela signifie qu’il y a de l’intérêt, que les gens sont satisfaits, et j’espère que le 2e Sommet sera plus large, avec plus de projets et plus de résultats concrets. Nous sommes très heureux de participer à cette étape historique entre deux continents.
L’Afrique est un grand continent, avec 54 pays, mais aujourd’hui le marché du tourisme y reste marginal. Comment ONU Tourisme peut-il participer à son développement ?
Depuis le premier jour, nous travaillons sur une idée claire : créer un plan stratégique de développement touristique pour l’Afrique. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous avons réuni tous les ministres africains et organisé six ou sept réunions de travail, au cours desquelles nous avons identifié des priorités et défini un plan. Ce plan se concentre sur dix points clés que nous avons considérés comme étant fondamentaux pour le développement du tourisme en Afrique : la sécurité, l’éducation, l’accessibilité, l’autonomisation des femmes et des jeunes, l’innovation, l’investissement, l’infrastructure, la santé, la promotion du tourisme et la promotion culturelle et gastronomique.
Nous travaillons sur chacun de ces points avec tous les pays du continent. Ce n’est pas une tâche facile, car elle nécessite beaucoup de temps, de travail, d’énergie et d’investissements, qui ne sont parfois pas disponibles. Cependant, nous avons une vision claire et nous continuons à avancer dans cette direction.
La Journée mondiale du tourisme a été célébrée en Géorgie en septembre dernier. Quelles ont été les principales orientations prises à cette occasion ?
Chaque année, les 27 et 28 septembre, nous célébrons en effet la Journée mondiale du tourisme. Cette année, elle a eu lieu en Europe, et plus précisément en Géorgie. Chaque édition de la Journée mondiale du tourisme se concentre sur un thème clé ; le dernier thème choisi était « Paix et Tourisme ».
Au cours de cet évènement, des délégations de haut niveau, composées de ministres et de représentants de nombreux pays, ont participé activement aux activités. Je suis très reconnaissant de l’occasion qui m’a été donnée de les accueillir dans mon pays.
Vous voyagez beaucoup, dans différents pays, chaque semaine. Quels ont été les grands évènements de l’ONU Tourisme en cette fin d’année 2024 ?
Nous avons 35 membres, et un conseil exécutif s’est tenu en Colombie en novembre. Cette réunion s’ajoute à d’importantes foires internationales telles que WTM, Bahreïn et Fitur. Et nous continuons à organiser différents évènements axés sur les régions afin de promouvoir l’innovation, l’éducation et la gastronomie. Après ce conseil exécutif en Colombie, nous étions à Bahreïn, où s’est tenu le Forum mondial de la gastronomie, un évènement que nous organisons chaque année. Les 27 et 28 novembre, un autre évènement important a eu lieu à Madrid : la 3e édition du Forum du tourisme et du sport, organisé au stade Santiago-Bernabéu.
Nous nous concentrons sur des thèmes spécifiques en raison de la forte demande de projets différents et de forums spécialisés. En outre, nous clôturerons cette tournée fin janvier 2025 avec Fitur, à Madrid, afin de continuer à travailler au développement du tourisme dans le monde entier.
Entretien croisé avec les ministres du Tourisme de la RDC, du Salvador, de la Sierra Leone et de la Zambie.
Le 1er Sommet pour l’Afrique et les Amériques s’est tenu du 2 au 5 octobre 2024 à Punta Cana, en République dominicaine, à l’initiative de l’ONU Tourisme, afin que de nouveaux liens se tissent entre pays du Sud. À cette occasion, ont répondu à nos questions Nabeela Farida Tunis, Ministre du Tourisme et des Affaires culturelles de la Sierra Leone, Didier M’Pambia Musanga, Ministre du Tourisme de la RDC, Morena Valdez, Ministre du Tourisme du Salvador, et Rodney Simbuka, Ministre du Tourisme de la Zambie.
Propos recueillis par Alexandra Taieb
Quels sont selon vous les trois grands atouts touristiques de vos pays ?
Morena Valdez : Surf City, grâce aux vagues de surf et aux championnats qui y sont organisés, est l’une des principales attractions. Nous avons réussi à attirer davantage de touristes, en grande partie grâce à la sécurité que nous avons mise en place. Je dirais que le principal attrait est notre peuple, car il est très chaleureux et amical.
Didier M’Pambia Musanga : Il est difficile de résumer les atouts d’un pays qui a les dimensions d’un continent, avec une diversité de destinations touristiques très importante. Mais je dirais que le premier atout de la RDC est avant tout le fleuve Congo, avec 4 400 km de longueur. Nous avons également dans la partie est du pays les gorilles de montagne, une espèce endémique. Et puis nous avons aussi des volcans. Nous avons une diversité culturelle, artistique et gastronomique.
Nabeela Farida Tunis : Je pense que la Sierra Leone a une histoire très riche. Nous avons de magnifiques plages et une riche faune. Dans les années 1980, nous avions beaucoup de touristes français qui venaient profiter des plages de la Sierra Leone. Nos plages ont longtemps été l’attraction principale. Désormais, avec le sanctuaire des chimpanzés de Tacugama, le tourisme d’observation de la vie sauvage se développe. C’est l’attraction principale du pays. Le tourisme mémoriel est aussi très important. De nombreux Afro-Américains ont leurs racines en Sierra Leone.
Rodney Simbuka : Notre premier atout est la faune. Notre second atout est la flore, et notre troisième atout est notre population.
Que représente l’apport du tourisme dans vos économies nationales ?
Morena Valdez : Nous sommes passés de 6 % du PIB en 2019 à 11 % du PIB en 2023. Auparavant, à cause de la criminalité et de l’insécurité, le pays ne se développait pas dans ce secteur. Nous avons réussi à consolider le marché nord-américain, pour des populations qui s’échappent de leur hiver rigoureux pour profiter du paradis de vagues et de beau temps que nous leur offrons.
Didier M’Pambia Musanga : Actuellement, le tourisme représente 2 % du PIB, mais nous avons l’objectif d’augmenter cette part de manière substantielle, pour atteindre 15, voire 20 % du PIB. Il existe de nombreux défis à l’essor du tourisme, notamment en termes d’infrastructures, et pour y arriver, nous avons une vision de développement de villages touristiques, dans tout le pays. Nous allons développer le premier projet pilote de village touristique, qui sera celui de Bombo-Lumene aux plateaux Batéké, dans l’est de Kinshasa.
Nabeela Farida Tunis : Actuellement, le tourisme représente entre 5 et 6 % de notre PIB. Ces six dernières années, le Chef de l’État a placé le tourisme au centre du Plan de développement national. Le tourisme est l’un des principaux axes de diversification de l’économie. Malheureusement, le Covid-19 a contrecarré les plans de développement.
Rodney Simbuka : Si vous regardez les chiffres d’avant Covid-19, le tourisme représentait 7 % du PIB national. En 2023, nous comptions 1,4 million d’entrées dans le pays, et la contribution du tourisme au PIB national atteignait 9 %. Notre objectif est que ce chiffre croisse. Nous voulons que le secteur rapporte plus d’un milliard de dollars.
Quelle est l’origine des touristes qui viennent visiter vos pays, et que recherchent-ils ?
Didier M’Pambia Musanga : Une grande majorité des touristes viennent d’Europe. Les Chinois arrivent progressivement. Nous voulons développer le tourisme domestique, car les Congolais sont 100 millions. Si nous captons ne serait-ce que 10 % de la population, ces touristes seront des ambassadeurs de la destination RDC qui pâtit d’un « Congo bashing ». Il y a une méconnaissance du Congo. Il faut aussi compter sur l’apport de la diaspora congolaise.
Nabeela Farida Tunis : Mon prédécesseur avait initié une stratégie de rapprochement avec la Jamaïque. Nous avons, avec le programme « Find my roots », des ambassadeurs et des influenceurs qui représentent les intérêts de la Sierra Leone. Nous voulons aujourd’hui, en dépit de la distance, trouver une stratégie pour faire venir les touristes en Sierra Leone. La question des vols directs est importante. En tant que Ministre, ma stratégie est de favoriser l’accessibilité au pays.
Rodney Simbuka : Aujourd’hui la plupart des touristes sont Américains. Ils viennent pour notre faune et notre flore. Nous avons 20 parcs nationaux. Un tiers de la surface de notre pays est protégé. Les touristes viennent voir des lieux préservés exceptionnels, comme le Parc national de Mosi-oa-Tunya où se trouvent les chutes Victoria. Nous avons aussi les « big five », les cinq grands animaux emblématiques de l’Afrique, sur notre territoire.
Quelles stratégies avez-vous mises en œuvre au sein de vos ministères pour renforcer ce secteur ?
Morena Valdez : Surf City, qui repose sur trois piliers. Le premier est une infrastructure touristique publique qui attire les investissements privés. Par exemple, nous avons un prêt international de la Banque interaméricaine de développement de 106 millions de dollars, que nous utilisons pour renforcer les infrastructures. Deuxièmement, ce dont nous avons le plus besoin sont plus de chambres, plus de restaurants et plus de formations de talents humains tels que des guides touristiques, chefs cuisiniers et autres professionnels nécessaires tout au long de la chaîne de valeur du secteur touristique. Le troisième pilier consiste à renforcer le tissu social productif que nous avons déjà au Salvador, composé principalement de micro, petites et moyennes entreprises.
Nabeela Farida Tunis : Lorsque j’ai été nommée à ce poste, il y a un an, la première chose que j’ai faite fut de m’assurer que la structure du ministère était fonctionnelle. Le premier point fut d’avoir de la créativité culturelle. Le second point fut de favoriser une industrie privée du tourisme. Le troisième point, afin d’avoir des politiques efficaces, a été de mettre en place un contrôle et une évaluation fiables. En plus, nous voulions lancer un plan stratégique sur le tourisme pour les dix prochaines années, en collaboration avec la Banque mondiale. Cela fut fait en mai 2024.
Le 1er Sommet de l’ONU Tourisme pour l’Afrique et les Amériques témoigne d’une volonté de promouvoir la coopération Sud-Sud dans ce secteur. Quel regard portez-vous sur l’essor du développement touristique entre ces continents ? Quels aspects vous semblent porteurs ?
Morena Valdez : Cette coopération Sud-Sud que nous pratiquons, du moins en ce qui nous concerne, a très bien fonctionné. Nous avons déjà établi une coopération avec la République dominicaine, par exemple, ainsi qu’avec le Pérou, avec lequel nous échangeons des expériences en matière de gastronomie, de talents humains et d’expériences réussies en termes d’attraction d’investissements. En outre, nous bénéficions d’une coopération Sud-Sud avec le Maroc, qui nous soutient dans le domaine de l’infrastructure touristique. Nous sommes également sur le point de signer un accord avec l’Angola pour explorer d’autres possibilités. Bien sûr, ce qui est important, c’est la coopération, l’interactivité qui peut être créée.
Didier M’Pambia Musanga : Pour moi, l’aspect culturel est le plus porteur. Il y a un lien direct entre l’Amérique latine et l’Afrique. J’ai évoqué lors de ce sommet l’idée de renforcer le Festival de la rumba, qui existe déjà en RDC depuis 2017. Cette musique a voyagé à travers le monde et peut contribuer à créer un pont culturel entre Afrique et Amérique.
Par ailleurs, le village de Nsiamfumu, sur la côte Atlantique, est un lieu d’histoire. C’est de là que partaient nos ancêtres, enchaînés, pour l’Amérique. Les Afro-descendants qui vivent en Amérique veulent retrouver leurs racines, et il y a possibilité de créer un tourisme mémoriel.
Nabeela Farida Tunis : Je pense que l’authenticité est un lien qui unit les deux continents. Le futur que je vois, car l’Afrique attire de nombreux investissements, est que des liens sont possibles. Le climat, les peuples sont proches. Avec ce que ONU Tourisme met en place, l’idée est de créer un paysage touristique dans lequel chacun a sa place, et personne n’est laissé de côté. Les pays d’Afrique et d’Amérique offrent un tourisme complémentaire.
Rodney Simbuka : Le principal atout dont nous disposons est notre population et notre culture. La nourriture, les habitudes de vie sont très similaires entre les deux continents. Nous devons collaborer pour développer cette collaboration Sud-Sud. En Zambie, nous sommes ravis de participer à ce premier sommet, et nous serions ravis d’accueillir le second sommet de l’ONU Tourisme pour l’Afrique et les Amériques sur notre territoire en 2025.
Comment renforcez-vous la communication et la médiatisation de vos actions ? Une stratégie de communication à l’égard de l’Afrique ou de l’Amérique est-elle envisagée ?
Morena Valdez : Contrairement à d’autres pays qui développent leur stratégie en participant à des foires, notre stratégie a commencé ailleurs, car nous n’étions pas un pays avec une position forte dans le tourisme. Ce que nous avons fait, c’est « réparer la maison ». Tout ce budget a donc été consolidé et réorienté vers l’organisation d’évènements internationaux. Par exemple, nous avons organisé des évènements internationaux de surf, qui ont été essentiels à notre positionnement. Nous organisons également des évènements tels que Miss Univers et des évènements sportifs. Nous avons beaucoup misé sur le tourisme sportif, surtout après la pandémie, quand tout le monde a voulu se rapprocher de la nature et faire des activités qu’ils n’avaient pas pu faire pendant le confinement.
Une autre raison pour laquelle nous recevons davantage de touristes est la mise en œuvre du bitcoin en tant que monnaie légale ; nous sommes le premier pays à l’adopter. Cela fait partie de la vision du Président de mettre en œuvre des stratégies en pensant aux générations futures, et c’est notre pari pour le tourisme dans le pays.
Didier M’Pambia Musanga : Nous avons déjà lancé une campagne de communication que nous avons appelée « Explorer la RDC, cœur de l’Afrique ». Nous ne pouvons pas visiter rapidement la RDC, il faut prendre le temps de l’explorer. Nous devons grâce à cette campagne susciter l’intérêt pour notre pays. Mais il faut que l’on voit de quelle manière cela a un impact sur les populations. C’est le plus important. Il faut voir comment le tourisme peut créer toute une chaîne de valeur, et permettre un développement durable pour les populations, même dans les coins les plus reculés de la RDC.
Nabeela Farida Tunis : La Sierra Leone souhaite accueillir le prochain sommet Afrique-Amérique de l’ONU Tourisme. Nous devons avoir un message fort pour développer les liens touristiques que nous avons initiés lors de ce premier sommet. En termes de communication, nous voulons progresser sur la déclaration de Punta Cana, et analyser la façon dont les choses évoluent.
De retour en Sierra Leone, je veux informer mon pays sur ce que nous avons mis en œuvre ici, en République dominicaine, et tous les projets que nous avons initiés. Je veux dire à mes concitoyens que nous avons des liens forts, de l’autre côté de l’Atlantique.
Rodney Simbuka : Dans notre monde numérique, il faut tirer avantage de l’espace internet. Aujourd’hui, il faut toucher la génération Z, et les réseaux sociaux sont primordiaux. Nous nous servons des outils à notre disposition, et continuons de communiquer dans les magazines. Les statistiques nous montrent que sur dix personnes, seules deux savent situer la Zambie sur une carte. Il faut que nous communiquions pour faire
Entretien avec Peter Cerda, Vice-président régional de l’IATA
L’Association du transport aérien international (IATA) représente les intérêts de plus de 330 compagnies aériennes, ce qui correspond à près de 83 % du trafic international mondial. Son vice-président régional précise et détaille les défis du transport aérien dans la zone dont il a la charge.
Propos recueillis par Alexandra Taieb
Comment se définit pour l’IATA le transport aérien en Amérique latine et en Amérique du Nord ?
D’une part, le transport aérien en Amérique du Nord, aux États-Unis et au Canada, est un marché très développé, avec des compagnies aériennes qui ont une très forte pénétration mondiale, mais aussi une très forte connectivité nationale. D’un autre côté, l’Amérique latine est une région en développement et en croissance, où le transport aérien joue un rôle essentiel. Si l’on regarde les géographies de l’Amérique latine et des Caraïbes, le mode de transport le plus efficace et le plus sûr est l’avion. Le mode de transport terrestre n’existe pratiquement pas, car nous ne disposons pas de chemins de fer et les routes ne sont pas adaptées à l’interconnexion.
Si l’on considère la distance entre le nord et le sud de l’Argentine, cela équivaut à celle entre Lisbonne et Moscou. Le transport aérien est donc essentiel, non seulement d’un point de vue économique, mais aussi tout simplement dans la vie quotidienne des citoyens. L’objectif est de permettre à davantage d’habitants de cette région de prendre l’avion. Aujourd’hui, le nombre de voyages annuels par habitant en Amérique latine est de 0,65. Autrement dit, un Latino-Américain ou un Caribéen voyage moins d’une fois par an, bien qu’ils soient dans une région totalement dépendante du transport aérien.
Ceux qui prennent l’avion le font fréquemment, mais la majorité de la population voyage très peu. Une partie de notre rôle dans la région consiste à changer cela, afin de créer davantage de connectivité. Nous disposons d’une très bonne connectivité internationale, mais la connectivité intrarégionale, entre les pays et les villes secondaires, reste encore très limitée. Or cela est une priorité pour l’industrie.
La République dominicaine veut devenir une référence économique et touristique en Amérique latine et dans le monde. Comment l’IATA peut-elle l’accompagner dans ce processus ?
La République dominicaine est un exemple de la façon dont, lorsque le Gouvernement, le secteur public et le secteur privé travaillent ensemble, de grands progrès peuvent être réalisés, comme ceux que l’on voit et expérimente dans le pays.
Aujourd’hui, il existe une connectivité avec une grande partie du monde, même si la République dominicaine est une île. Elle a utilisé le tourisme comme un outil de développement économique et social, ce qui est très important. Si l’on analyse le développement de Punta Cana au cours des 25 dernières années, on voit qu’il n’y avait à cette époque que quatre hôtels. Pendant de nombreuses années, Punta Cana n’était qu’une « station balnéaire ». Le tourisme et la connectivité ont transformé ce qui était autrefois une jungle en une zone touristique devenue une grande ville. L’aéroport international de Punta Cana a plus de connexions internationales que la capitale elle-même, Saint-Domingue. Cela fait partie du rôle du transport aérien et de l’IATA, qui travaillent avec les différents organismes touristiques pour développer et élargir les opportunités.
Pour être compétitif au niveau mondial, il est nécessaire de créer une bonne connectivité, d’offrir de bons services, de garantir qu’il s’agit d’une destination sûre, et que le voyageur se sente à l’aise et en sécurité. Dans cette région, la République dominicaine est un exemple clair de réussite. De plus, elle est devenue une destination polyvalente, attirant des personnes de tous niveaux économiques.
L’important est que le pays ait eu une vision, qu’il l’ait mise en œuvre, qu’il la modifie si nécessaire, qu’il s’adapte aux changements et aux besoins des consommateurs, et qu’il élargisse son offre.
La République dominicaine accueille le premier évènement de l’ONU Tourisme entre l’Amérique et l’Afrique. Quels sont les objectifs de l’IATA pour promouvoir la création de routes aériennes entre les deux continents, sachant qu’il n’existe actuellement aucune connectivité directe ?
Lorsque nous examinons la connectivité de l’Afrique, nous constatons que des efforts importants ont été déployés pour améliorer les connexions avec l’Europe et, plus récemment, avec l’Amérique du Nord. En fait, nous avons aujourd’hui une meilleure connectivité entre l’Amérique du Nord et l’Afrique qu’à tout autre moment de notre histoire. Toutefois, les compagnies aériennes africaines, telles que South African Airways, Ethiopian Airlines, Kenya Airways et Royal Air Maroc, ont maintenu une connectivité limitée avec l’Amérique latine, et les compagnies aériennes nord-américaines n’ont pas été fortement impliquées dans cette région.
L’un des points critiques dont nous devons nous occuper est le caractère abordable du transport aérien. En Afrique, le citoyen moyen voyage une fois tous les 10 ans, tandis qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, la moyenne est de 0,6 vol par an, voire même un voyage complet — en revanche, un Américain moyen voyage 2,8 fois par an et un Espagnol 4 fois. Ce faible taux de fréquentation dans nos régions rend difficile l’attraction des citoyens vers des destinations situées entre l’Afrique et l’Amérique latine, ceux-ci choisissant plus souvent de voyager vers l’Amérique du Nord ou l’Europe.
Pour encourager les vols entre l’Afrique et l’Amérique latine, il faut réduire les coûts. Actuellement, les déplacements entre ces deux régions sont extrêmement coûteux. En Afrique, les prix du carburant sont 20 % plus élevés que dans le reste du monde, ce qui augmente considérablement les coûts d’exploitation des compagnies aériennes. En Amérique latine, les taxes représentent en moyenne 44 % du prix du billet, bien au-dessus de la moyenne mondiale de 27 %. Cette combinaison de carburant cher et de taxes élevées rend les billets entre ces régions comparables en prix aux vols vers les États-Unis ou l’Europe.
Actuellement, par exemple, il existe 12 vols quotidiens entre Bogota et Madrid, soit presque un pont aérien. Mais il n’existe pas un seul vol direct entre Bogota et l’Afrique. C’est une lacune à laquelle il faut remédier.
Quel rôle joue le tourisme dans le développement du transport aérien ?
Le tourisme peut jouer un rôle clé en créant des incitations visant à accroître la connectivité entre les deux régions. Même si nous disposons aujourd’hui de plus de connectivité qu’en 2014, le nombre de personnes voyageant reste encore faible. Il existe des compagnies aériennes telles que LATAM Airlines, Ethiopian Airlines et Emirates qui opèrent entre ces régions, mais les touristes ne profitent pas encore de ces routes. C’est là que nous devons nous concentrer sur une meilleure vente de nos régions et sur la création d’incitations qui attirent les voyageurs, en promouvant le tourisme entre l’Afrique et l’Amérique latine.
Entre les deux régions, culturellement et socialement, les liens sont nombreux. Cependant, ils sont peu connus et sous-développés en raison du manque de connectivité. Je pense que c’est là le véritable défi, non seulement pour le secteur du transport aérien, mais aussi pour le tourisme. Il est de notre responsabilité de travailler ensemble pour favoriser et renforcer ces liens.
Diplomatie touristique : un appui cohérent au secteur
Par Anabel Bueno Santana-Dolenc, Ambassadrice de la République dominicaine auprès de l’ONU Tourisme
Le Président Abinader a fait de l’amélioration de la qualité de vie des citoyens un axe fondamental de son plan gouvernemental, dans un cadre de durabilité environnementale et d’inclusion. Il s’agit notamment de relever des défis tels que la dépollution des rivières, l’inversion de la dégradation des sols, la revitalisation des bassins versants, par des programmes de reboisement, la gestion intégrée des déchets solides et l’adaptation au changement climatique. Par exemple, dans la région du nord-est, les politiques de conservation et d’utilisation durable des ressources naturelles sont renforcées et encouragent la recherche et le développement. Ces efforts illustrent l’engagement du Gouvernement non seulement à promouvoir le tourisme, mais aussi à veiller à ce qu’il soit durable et inclusif, garantissant ainsi sa viabilité.
J’ai assumé le rôle d’ambassadeur à la mission permanente de la République dominicaine auprès de l’ONU Tourisme au début de l’année 2024. Le 8 novembre dernier, nous avons inauguré notre premier siège à Madrid, qui reflète clairement la volonté du Président Abinader et du Ministère de Tourisme sous la direction du Ministre Collado de continuer à positionner le tourisme comme un secteur prioritaire pour la République dominicaine.
L’objectif principal de notre mission permanente est de représenter l’État dominicain, en nous alignant sur les lignes directrices de la politique étrangère établies par le Président de la République et le ministère des Affaires étrangères, ainsi que sur les lignes directrices du ministère du Tourisme. Nous développons une stratégie de diplomatie touristique qui cherche à bénéficier aux citoyens dominicains, au secteur des affaires et aux visiteurs de notre île.
Un tourisme compétitif et responsable
Parmi les actions remarquables de cette mission diplomatique, que j’ai l’honneur de diriger, promues par le ministère du Tourisme — en particulier par le vice-ministère de la Coopération internationale, sous la responsabilité de Carlos Peguero —, on peut citer l’identification et la coordination de projets de coopération technique, la participation active aux commissions et comités de l’Organisation pour promouvoir la candidature de la République dominicaine, et le renforcement des liens avec d’autres États membres par l’échange de bonnes pratiques et la création de projets de collaboration. En outre, ONU Tourisme soutient des domaines clés tels que le développement économique, la durabilité, la planification stratégique basée sur des statistiques, la formation et la formulation de politiques publiques visant à promouvoir un tourisme compétitif et responsable.
Nous nous concentrons sur des éléments essentiels tels que la conservation de l’environnement, le soutien aux communautés locales, la préservation de la culture, la viabilité économique, ainsi que l’infrastructure et la planification durables. Nous sommes convaincus que le tourisme doit avoir un impact positif sur l’environnement, l’économie et la société, toujours dans l’optique d’en faire profiter les générations futures.
La diversité touristique : une singularité dominicaine
ONU Tourisme compte actuellement 160 pays membres, et la République dominicaine est la première à établir une mission permanente qui lui est dédiée exclusivement. Ce fait souligne notre engagement envers le tourisme en tant que moteur de développement et de bien-être pour nos citoyens.
Pour notre pays, le tourisme représente environ 15 % du PIB, génère plus d’un million d’emplois directs et indirects, et contribue à l’économie à hauteur de plus de 10 milliards de dollars par an. En 2023, nous avons accueilli 10 millions de touristes et nous prévoyons d’en recevoir 11,5 millions d’ici 2024, ce qui nous place au 2e rang des pays les plus visités de la région. Toutefois, au-delà des chiffres, nous nous attachons à promouvoir un tourisme inclusif qui profite à l’ensemble de la population dominicaine.
Notre industrie du tourisme se distingue par sa diversité. Nous offrons une combinaison unique de tourisme de loisirs et d’options culturelles et historiques. Par exemple, la zone coloniale de Saint-Domingue, déclarée « site du patrimoine mondial », abrite la première cathédrale d’Amérique et le premier hôpital du continent. En outre, nous disposons de parcs nationaux, de réserves écologiques, de sites archéologiques et d’un large éventail d’écosystèmes. Notre offre comprend le tourisme traditionnel, l’écotourisme, le tourisme gastronomique, l’aventure, l’histoire, la religion, le sport, la santé et le bien-être. En bref : la République dominicaine a tout pour plaire.
Un acteur actif d’ONU Tourisme
ONU Tourisme couvre 37 sujets organisés en 7 domaines thématiques, 8 comités spécialisés et 1 groupe de travail dédié à la refonte du tourisme mondial. Le leadership de la République dominicaine dans le secteur, tant au niveau régional que mondial, nécessite un programme complet qui aborde des questions transversales telles que la durabilité, l’investissement, le changement climatique, la compétitivité, l’innovation, l’éducation et la formation, ainsi que le tourisme dans les Petits États insulaires en développement (PEID).
L’Organisation travaille avec nous en promouvant le tourisme comme source d’emploi et de revenu, en fournissant des statistiques mondiales, en partageant des recherches sectorielles et en assurant la formation de nos professionnels. Elle facilite également l’échange d’expériences et crée des réseaux de collaboration entre les États membres.
Le fait de disposer d’une représentation permanente nous permet d’avoir un siège privilégié à la table où les questions touristiques qui se posent dans le monde entier sont discutées, garantissant que notre voix est entendue et contribuant à la croissance et à la transformation du secteur.
Nous espérons que notre initiative incitera d’autres États membres à suivre notre exemple en encourageant une plus grande présence des missions dédiées exclusivement à l’ONU Tourisme.
Grâce à ces actions et à notre rôle au sein du ministère des Affaires étrangères, nous continuons à travailler à soutenir le ministère du Tourisme dans sa volonté de renforcer l’image de la République dominicaine en tant que destination de classe mondiale, engagée dans la durabilité et le bien-être de ses habitants.