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Les relations internationales sous l’ère Trump

Chronique de Louis Sarkozy

Les révolutions sont contraires au caractère américain. Même la guerre d’indépendance de 1775 fut en réalité une « révolution conservatrice », cherchant davantage à restaurer une situation antérieure qu’à instaurer une société entièrement nouvelle. Les inspirations intellectuelles des révolutionnaires provenaient principalement de penseurs tels que Locke et Burke, les Pères fondateurs s’inscrivant résolument dans la tradition de l’histoire constitutionnelle anglaise. Contrairement à la France, qui a connu quinze régimes différents en deux siècles et demi, les États-Unis ont traversé la même période avec une seule constitution. Ce pays démontre ainsi une grande continuité institutionnelle, et il convient de ne pas exagérer l’impact que telle ou telle administration peut avoir sur cette vérité historique.

Cette observation doit être complétée par une autre : Donald Trump est un homme imprévisible, capable de changer d’avis à tout moment. Son premier mandat a été jalonné de volte-face. Par exemple, la décision de se retirer de l’Organisation mondiale de la santé et du JCPOA a été, selon des sources fiables, prise sur un coup de tête. De plus, Trump consulte rarement son entourage avant de trancher. Par conséquent, toute tentative de prédiction doit être nuancée par l’énorme incertitude à laquelle nous sommes confrontés. D’une part, il est imprévisible ; d’autre part, son pays ne l’est pas. Entre ces deux vérités paradoxales réside toute notre compréhension de l’avenir.

Voilà le lecteur prévenu. Ce que nous savons, c’est que les tarifs deviendront sans aucun doute l’un des principaux leviers de la politique étrangère de Donald Trump. Ceux qu’il avait imposés durant son premier mandat ont été maintenus, voire renforcés par l’administration Biden. Qui peut espérer meilleur soutien que celui de son adversaire ? À l’heure où j’écris ces lignes, il menace le Canada et le Mexique d’instaurer une taxe de 25 % sur toutes leurs exportations vers les États-Unis. Quand on sait que 77 % des exportations canadiennes dépendent du marché américain, on comprend la puissance de cet outil de pression. Pour le Mexique, Trump justifie cette mesure en prétendant vouloir punir le pays pour la « drogue et la criminalité » qui traversent la frontière. Ce type d’approche, transactionnelle et punitive, est caractéristique de son style de gouvernance. Son but ? Contraindre le Mexique à prendre en charge l’immigration clandestine. En cas de refus, les sanctions tomberont ; s’il coopère, il sera récompensé. Avec Trump, il n’y a ni sentiment culturel ni considération historique — les relations internationales sont réduites à des rapports de force fondés sur des intérêts purement pragmatiques. Il est également capable de frapper précisément, en ciblant des produits symboliques comme les vins et fromages français ou les voitures allemandes, des mesures qui touchent directement à la fierté nationale. On se souvient de ce coup de fil au Président Macron lors de son premier mandat : « J’adore vos vins français… mais ils ne sont pas aussi bons que les vins californiens… » Donald Trump, bien qu’il ne boive pas, maîtrise l’art de la menace.

On peut s’attendre à ce que les pays qui résistent à ses exigences en subissent les conséquences. Par ailleurs, cette stratégie sert un autre objectif : réindustrialiser l’Amérique, notamment en rapatriant les emplois manufacturiers et les usines automobiles. Mais Trump pourrait tout aussi bien utiliser les tarifs pour influer sur des crises internationales. Il n’est pas difficile de l’imaginer menaçant les puissances européennes de nouvelles taxes pour les forcer à accepter un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. Mais bien que le tarif douanier soit une tactique de négociation puissante, il comporte également des limites. Les droits de douane agissent essentiellement comme une taxe sur les consommateurs, entraînant une hausse généralisée des prix. William McKinley, 25e Président américain et modèle pour Donald Trump, en a fait l’expérience directe et a dû ajuster sa politique en conséquence. Trump n’est pas à l’abri des lois de l’économie. Il a fait campagne en promettant de réduire l’inflation et de faire baisser les prix. Ainsi, les puissances européennes, si elles osent tenir tête, peuvent espérer que les conséquences réelles de ces menaces restent limitées ou de courte durée.

Ce qui frappe, c’est que Trump applique la même agressivité envers ses alliés qu’envers ses adversaires. Il incarne une forme d’hyperréalisme, plus proche de De Gaulle que de Reagan. Le premier n’hésitait pas à traiter avec les Soviétiques pour équilibrer l’influence américaine, tandis que le second opposait clairement des notions comme le « bien » et le « mal ». Lorsque Trump a été interrogé sur le fait de savoir si le Président chinois Xi Jinping était un assassin, il a répondu : « Nous avons beaucoup d’assassins dans ce pays aussi… » Une telle déclaration de la part d’un président américain, surtout républicain, aurait été inimaginable il y a une génération. Trump est à la fois chauvin et relativiste.

Comme nous l’avons vu, Donald Trump est imprévisible. Il incarne cette « chose sauvage » que les Troggs évoquaient dans leur chanson. Pourtant, à bien des égards, il se révèle également tout à fait cohérent. Une grande partie de son succès électoral repose sur sa capacité à puiser dans des traditions américaines profondément enracinées, que beaucoup considéraient comme dépassées. Sa politique visant à renforcer l’isolationnisme américain en est un exemple emblématique. Depuis sa naissance, l’Amérique est une nation tournée vers l’intérieur. Au cours des premières décennies de son histoire, les Américains se sont concentrés sur la conquête et l’aménagement du vaste continent qu’ils habitaient. La doctrine de la « destinée manifeste » les a poussés inexorablement vers l’ouest, éclipsant toute autre préoccupation. La doctrine Monroe, proclamée en 1823, symbolise cet esprit isolationniste en interdisant aux puissances européennes toute ingérence dans les affaires des Amériques, tout en témoignant d’un désintérêt marqué pour le reste du monde. Ce repli sur soi peut être comparé à une adolescence nationale, où le détachement vis-à-vis de la « mère patrie » — l’Europe — s’accompagne d’une affirmation d’indépendance et d’une focalisation sur ses propres intérêts. Trump, par son discours et ses actions, s’inscrit dans cette tradition isolationniste, réactivant une vision de l’Amérique que beaucoup pensaient révolue.

Ainsi, Trump est isolationniste, non seulement par conviction, mais aussi par calcul électoral. Après le désastre de l’Afghanistan, de nombreux Américains s’interrogent sur les raisons pour lesquelles des dizaines de milliards de dollars et des milliers de vies américaines ont été sacrifiés pour une entreprise vouée à l’échec. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le message de Trump appelant à mettre fin à toutes les guerres américaines a trouvé un écho si puissant. Les mères américaines se méfient du reste du monde, car depuis un siècle, un nombre incalculable de leurs fils sont morts dans des contrées lointaines, aux noms à peine prononçables, pour des objectifs obscurs et inatteignables.

En effet, il est de plus en plus difficile d’imaginer Trump ordonner une intervention militaire américaine. En cas d’effondrement du front ukrainien, pourrait-on réellement envisager des troupes américaines stationnées à Kiev ou Odessa ? Pire encore, Trump enverrait-il des soldats mourir pour défendre l’indépendance de l’Estonie, un membre de l’OTAN protégé par l’article 5 ? Il a déjà affirmé qu’il laisserait la Russie faire « ce qu’elle veut » si les dépenses militaires européennes ne s’amélioraient pas. Ses déclarations donnent de solides raisons de douter de son engagement envers l’alliance transatlantique. Nous assistons ici à un tournant majeur par rapport aux administrations américaines précédentes : Trump a porté un coup sévère à la crédibilité de l’OTAN, érodant la confiance dans son rôle de rempart de la sécurité collective. Il a même menacé de s’en retirer. Bien que cela reste très improbable, c’est néanmoins possible. Il n’est plus entouré par l’establishment des républicains traditionnels. Il a remporté le vote populaire, les sept swing states, la Chambre des représentants ainsi que le Sénat, et a nommé trois juges à la Cour suprême. La plupart de ses nominations ministérielles seront probablement adoptées. Il a un mandat, et il le sait.

Le désengagement américain de notre continent est une réalité, amorcé par l’administration Obama et son « pivot » vers l’Asie. Il continuera après Trump. Il n’en est qu’un violent accélérateur, inscrivant son action dans une tendance américaine vieille de deux siècles. Avec lui, l’Europe peut s’attendre à moins de protection, moins de commerce, moins de coopération, et davantage de pressions — un scénario qui comporte sans aucun doute son lot de risques. Ajoutons à cela que pendant 70 ans, la dissuasion européenne a été atrophiée par la protection assurée de notre « grand frère ».

Mais dans le danger réside également l’opportunité. La France, en particulier, qui plaide pour l’autonomie stratégique depuis des décennies, a toute la légitimité pour assumer un rôle international plus important. Notre dissuasion nucléaire peut et doit être renforcée. Nous pouvons jouer un rôle accru dans la défense de l’Ukraine et réaffirmer notre présence en Afrique. Une Amérique isolationniste verrait d’un bon œil une France plus forte, lui permettant de concentrer ses énergies ailleurs. Après tout, en 1945, le général de Gaulle dirigeait un pays libéré mais ravagé. Même à l’époque, il s’efforçait de minimiser l’influence américaine. Aujourd’hui, cette réduction de l’ascendant des États-Unis nous est imposée sans que nous l’ayons demandée. S’il était encore parmi nous, il percevrait sans aucun doute l’immense opportunité que cette situation représente.

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