La République dominicaine a fait preuve d’une grande résilience à la sortie de la crise sanitaire du Covid-19, qui n’a pas épargné un pays reposant en grande partie sur son attractivité touristique. Après une reprise remarquable en 2021, l’enjeu est aujourd’hui de rendre pérenne l’essor économique du pays.
Par Alice De Graeve
L’économie de la République dominicaine a longtemps reposé sur le secteur agricole, notamment l’exploitation de la canne à sucre. Or, la baisse du prix de cette denrée dans les années 1980 a entraîné la diminution de sa part dans le PIB, obligeant le pays à se tourner vers de nouvelles activités. Dès lors, la République dominicaine a entamé une transition économique portée par les secteurs touristique et industriel. La réussite de cette transition s’observe dans le taux moyen de croissance annuel du PIB qui avoisine 5 % depuis les années 1970.
Ce contenu est réservé aux abonnés
À l’image de l’économie mondiale, le pays a connu une récession (de 6,7 %) en 2020, due à la crise sanitaire du Covid-19. Cependant, la politique de relance menée par le Président Luis Abinader a permis d’enregistrer, dès 2021, une croissance de 12 % du PIB. Les réformes menées ainsi que les investissements publics et privés ont placé la République dominicaine parmi les plus fortes économies d’Amérique latine. Le pays a retrouvé une dynamique de croissance, si bien que le FMI prévoit, pour la fin de l’année 2024, une hausse du PIB de 5,1 %. L’objectif est de poursuivre les efforts pour doubler le PIB d’ici 2036.
Une destination touristique prisée
En août 2020, le Chef de l’État annonçait la mise en place d’un plan de relance du tourisme afin de faire de la République dominicaine une destination sûre et attractive. La promesse a été tenue : le pays attire chaque année davantage de visiteurs et s’impose comme « leader dans les Caraïbes », ainsi que l’indique le prix reçu aux World Travel Awards. Au cours du premier semestre 2024, la République dominicaine a comptabilisé 10,3 millions de visiteurs, soit une hausse de 61 % depuis 2019.
Pour accroître son attractivité, le pays cherche à diversifier son offre. Il mise sur des infrastructures durables, les énergies renouvelables et une politique zéro plastique afin de devenir une destination de référence pour le tourisme de luxe et l’écotourisme. Pour permettre ce développement, le Gouvernement a investi plus de 1,5 milliard de dollars dans les infrastructures. Au premier trimestre 2024, le territoire a déjà enregistré l’arrivée de 275 navires de croisière dans ses ports, transportant plus de 866 000 passagers.
L’amélioration des infrastructures portuaires s’avère nécessaire pour l’absorption de ces flux touristiques. En outre, la rénovation des aéroports, notamment l’aéroport international de Punta-Cana, facilite l’accès des voyageurs internationaux, tout comme la politique de ciel ouvert menée par le Gouvernement qui multiplie les accords avec diverses compagnies aériennes. Afin d’encourager la création d’entreprises et les investissements privés dans le secteur touristique, a aussi été mise en place une exonération d’impôts spécifiquement destinée à cette industrie.
Cette mesure fiscale et les investissements du Gouvernement dans des infrastructures modernes ont porté leurs fruits. Selon le ministère du Tourisme, les recettes touristiques se sont élevées à 9,7 milliards de dollars en 2023, en hausse de 16 % par rapport à l’année précédente. Elles ont ainsi contribué à hauteur de 12 % au PIB. L’essor du secteur ne devrait pas cesser puisqu’au regard des revenus du premier semestre 2024, le Gouvernement prévoit de dépasser les 11 milliards de dollars d’ici la fin de l’année. Cette croissance est essentielle au développement économique et social de la population dominicaine, qui bénéficie grâce à ce secteur de plus de 600 000 emplois directs et indirects.
Encourager les investissements étrangers
Ces dernières années, la République dominicaine s’est imposée comme le premier pays d’accueil des Investissements directs étrangers (IDE) en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Elle offre un fort potentiel du fait de la diversité de ses activités. Si « l’économie dominicaine est principalement tirée par les services, qui ont représenté 56 % du PIB en 2021 », comme le souligne l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les secteurs manufacturier, minier, agricole et industriel regorgent également d’opportunités. Les produits manufacturés représentent notamment plus de 50 % des exportations de marchandises.
Les IDE ont également favorisé le développement de l’activité minière au cours des dernières années. Ceux dans les gisements d’or dominicains ont contribué à faire du pays l’un des principaux exportateurs de ce minerai dans la région. Pueblo Viejo, qui produit près de 50 % de l’or extrait sur le territoire, est, à ce jour, la plus grande mine d’or d’Amérique latine. Outre l’or et l’argent, une diversification de l’activité minière est rendue possible par la présence, dans les sols, de minéraux non métalliques et de pierres semi-précieuses, comme le larimar et l’ambre.
Afin d’encourager ces IDE, le pays a mis en place un ensemble de mesures incitatives. Conscient de la nécessité des investissements privés dans le développement de son économie, il accorde des exonérations fiscales aux entreprises installées dans les zones franches, ainsi qu’aux secteurs clés de l’économie dominicaine. Le tourisme, la production d’électricité, le secteur manufacturier, l’agriculture et les industries textile, cinématographique et extractive bénéficient ainsi de l’exonération de divers impôts.
En outre, la promulgation de la nouvelle loi sur les douanes en 2021 a permis de moderniser et simplifier les procédures. Comme l’indique l’OMC, « en plus de rationaliser les formalités et procédures douanières, la nouvelle loi sur les douanes a légalisé la déclaration électronique et l’utilisation de moyens électroniques ». Cette évolution de la législation douanière vise à encourager les échanges commerciaux internationaux et à favoriser les exportations.
La République dominicaine compte également sur ses atouts diplomatiques et la multiplication de ses accords de libre-échange pour attirer les investisseurs étrangers. Ces dernières années, elle a développé ses relations diplomatiques, tant à l’échelle régionale que mondiale —, notamment avec l’Asie. À terme, ces relations pourraient entraîner la diversification de ses partenaires commerciaux et des investisseurs. À ce jour, le pays reste fortement dépendant des États-Unis qui demeurent son premier investisseur et son principal partenaire commercial. Ainsi, plus de 56 % des exportations dominicaines sont dirigées vers les États-Unis.
Grâce aux efforts et aux réformes menés par le Gouvernement, la République dominicaine est devenue particulièrement attractive pour les investisseurs étrangers. D’ici la fin de l’année, les IDE devraient s’élever à 4,5 milliards de dollars, principalement dirigés vers les secteurs du tourisme et de l’énergie. Ce dernier constitue un secteur clé pour le pays qui souhaite accroître la part des énergies renouvelables dans son parc énergétique. Depuis 2019, les IDE dans ce domaine ont augmenté de 25,5 %, répondant aux ambitions de l’État.
Miser sur des infrastructures durables
Au-delà de la volonté d’attirer de nouveaux visiteurs internationaux en quête d’espaces naturels préservés, la transition énergétique entamée par la République dominicaine répond à une urgence climatique. Le pays caribéen, situé dans une région où se produisent fréquemment des cyclones, ouragans et inondations, est en effet particulièrement vulnérable aux aléas climatiques. Les infrastructures et les habitations, souvent construites sur les côtes, sont régulièrement touchées, voire détruites. Le FMI estime que ces chocs « causent déjà des pertes annuelles moyennes d’environ 0,5 % du PIB rien qu’aux infrastructures ». Or, le changement climatique en cours devrait accroître ces pertes de par la hausse des températures et la montée du niveau de la mer. Investir dans des infrastructures durables et résilientes pourrait, d’après l’organisation internationale, entraîner une hausse du PIB jusqu’à 1,75 % d’ici 30 ans.
De plus, le FMI alerte sur la nécessité de mener une réforme du secteur de l’électricité. Celle-ci est actuellement principalement issue d’énergies carbonées. En 2020, 93 % de l’électricité était produite à partir de gaz (41 %), de charbon (29 %) et de pétrole (23 %). Or ces énergies, importées, sont coûteuses. De plus, le secteur rencontre des difficultés dans la distribution, de nombreuses pertes sont observées, estimées entre 1 et 2 % du PIB chaque année.
C’est pourquoi le Gouvernement s’est engagé, à travers le Pacte pour l’électricité (Pacto Eléctrico) lancé en 2021, à prioriser les énergies renouvelables, accroître l’efficacité énergétique et réduire les coûts de production. Cette réforme devrait permettre à la République dominicaine, d’ici 2030, d’améliorer sa résilience face au changement climatique, mais aussi d’accélérer la croissance de son PIB. Si la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est d’ores et déjà en hausse, le pays mise sur les IDE pour atteindre les objectifs fixés.
Vers une croissance pérenne
Alors que sa croissance économique stable place la République dominicaine au rang de modèle régional, elle repose encore en grande partie sur les investissements privés. Or les mesures fiscales incitatives sont autant bénéfiques à l’attractivité et au développement économique du pays que néfastes aux recettes publiques.
Face à ce constat, le FMI préconise l’adoption de réformes fiscales. D’une part, les exonérations octroyées aux secteurs clés de l’économie dominicaine sont coûteuses, si bien que l’affaiblissement de ces mesures entraînerait une hausse significative des recettes publiques. D’autre part, l’impôt sur le revenu d’une personne physique est aujourd’hui conditionné à un seuil élevé de ressources, ce qui réduit aussi la capacité d’investissement public du pays. Or, la hausse des recettes de l’État est essentielle au développement de services sociaux et au financement d’infrastructures. Le FMI estime que « dans l’ensemble, une réforme fiscale globale pourrait augmenter le niveau du PIB d’environ 1 % après 10 ans et de 2 % après 30 ans ». Conscient de cet enjeu, le Président Luis Abinader s’est engagé, dès sa réélection en mai 2024, à consolider la situation économique nationale en finalisant la réforme fiscale en cours. Celle-ci devrait permettre de simplifier le système fiscal et de maîtriser les dépenses publiques.
Pour maintenir la croissance, des mesures sociales doivent également figurer parmi les priorités du Gouvernement. Si la baisse du seuil d’imposition sur le revenu est nécessaire, le recul du niveau de pauvreté de la population l’est tout autant, afin que celle-ci puisse absorber le poids de la fiscalité. Bien que le PIB par habitant soit relativement élevé, les écarts restent très importants. En effet, 30 % des richesses sont détenues par 1 % des personnes les plus riches, et 60 % par 10 % des plus aisées. Une grande partie des Dominicains vit dans une pauvreté extrême.
Afin d’élever le niveau de vie de la population, de nouvelles réformes pourraient être envisagées. En premier lieu, les efforts du Gouvernement en faveur du travail devraient rehausser les revenus d’une grande partie des Dominicains. Bien que le taux de chômage, en 2023, ait été de 5,6 %, beaucoup de personnes occupent encore un emploi informel. L’un des principaux travaux de l’État, sur le plan social, sera de poursuivre la transition de l’emploi informel vers l’emploi formel, pour que la précarité des employés concernés soit réduite.
Or cette transition ne peut être pleinement accomplie sans une augmentation du niveau de qualification. Plus de 40 % des enfants ne sont pas scolarisés. Le faible taux d’alphabétisation et le manque de qualification freinent considérablement le développement économique de la République dominicaine. L’OMC affirme que « l’économie reste concentrée sur des activités qui font peu appel à l’innovation ». Pour inscrire sa croissance sur le temps long, le pays devra poursuivre la diversification de ses activités, se focaliser sur la recherche-développement comme le prévoit sa politique en matière d’innovation à l’horizon 2030, et investir dans son capital humain. D’ici les prochaines années, une réforme en matière d’éducation est attendue.
Les mesures visant à augmenter les recettes publiques et les dépenses sociales permettront à la République dominicaine d’élever la productivité et la consommation, tout en réduisant les inégalités, garantissant ainsi une croissance économique durable.
Multiplication des zones franches
La République dominicaine mise sur la création de zones franches pour attirer les investissements étrangers. Dans ces espaces dédiés à la production industrielle, les entreprises jouissent d’une exonération d’impôts, rendant leur implantation attractive. La Direction générale des douanes propose également une assistance aux entreprises des zones franches pour accroître leur compétitivité.
Depuis la création de la première zone franche dans la ville de La Romana en 1969, ces zones se sont multipliées, principalement autour de Saint-Domingue et Santiago de los Caballeros. Le pays caribéen compte aujourd’hui 87 parcs en activité sur son territoire, regroupant 820 entreprises. Il dépend de ces espaces, qui produisent 60 % de ses exportations, pour consolider et étendre ses échanges commerciaux. Véritable moteur du développement économique et social, ces zones franches ont généré 200 000 emplois formels directs au cours des quatre dernières années ; 53 % des emplois sur place sont occupés par des femmes.