L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est une alliance militaire intergouvernementale créée le 4 avril 1949 par le traité de l’Atlantique Nord en réponse à la menace présumée de l’expansion soviétique en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Depuis sa création, cet organisme a évolué pour répondre à divers défis de sécurité, y compris la guerre froide, les conflits des Balkans, la lutte contre le terrorisme, et plus récemment la menace posée par la Russie et les défis cybernétiques. Depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN, perçue comme le garant de la sécurité en Europe et en Amérique du Nord, a réévalué et diversifié ses missions, estimant le danger sovietique écarté. Cependant, les tensions actuelles avec Moscou soulèvent des questions sur la capacité de l’OTAN à gérer un conflit direct avec une grande puissance nucléaire.
Par Clovis Maîtrot et Feliana Citradewi
L’OTAN est aujourd’hui confrontée à la question épineuse, et peu anticipée, d’entrer en guerre contre la Russie, depuis que cette dernière a attaqué militairement l’Ukraine. Cette offensive a mis en lumière plusieurs erreurs d’analyse et d’interprétation de la part des deux camps. La Russie a surestimé ses forces et n’a pas prévu la résistance ukrainienne, ni le soutien massif de l’OTAN ; l’organisation internationale n’a pas pleinement mesuré la détermination russe à poursuivre ses objectifs stratégiques, et n’a pas suffisamment tenu compte des avertissements du Président Vladimir Poutine. Chacun juge l’autre irrationnel. Car les rationalités des deux adversaires diffèrent : Moscou voit l’expansion de l’OTAN comme une menace directe, tandis que l’OTAN considère ses actions comme défensives. Aucun des antagonistes ne reculera facilement.
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Forces et faiblesses des protagonistes
Detenteurs d’un grand nombre d’armes nucléaires, maîtrisant les différents vecteurs d’envoi (missiles balistiques terrestres, embarqués à bord de sous-marins ou aéroportés), et affichant des doctrines de dissuasion nucléaire claires et sans appel, les protagonistes jouent ici à armes égales et se tiennent en respect. Nul n’a intérêt à engager le conflit dans une stratégie de destruction massive. Les enjeux se disputent sur les terrains conventionnels, mais la dissuasion force les belligérants à une certaine modération.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’OTAN a renforcé sa préparation militaire, mettant plus de 300 000 hommes en haut niveau de préparation et réalisant des exercices à grande échelle pour améliorer la coordination entre alliés. Cependant des défis persistent, notamment la résolution des divergences politiques et des désaccords sur les dépenses de défense. Par exemple, la France hésite à partager sa dissuasion nucléaire avec le reste de l’Europe, limitant l’efficacité d’une dissuasion collective. Malgré tout, des initiatives telles que la création d’un fonds de résilience de l’OTAN et d’un groupe consultatif sur la résilience visent à renforcer la capacité de l’alliance à répondre aux crises.
La Russie, quant à elle, a augmenté sa production militaire, notamment celle de chars de combat, d’artillerie et de systèmes de roquettes. Mais elle rencontre des problèmes en ce qui concerne l’efficacité de son aviation et l’obsolescence de sa marine. Malgré des avancées technologiques, comme les planeurs hypersoniques, les retards dans la modernisation d’autres secteurs militaires limitent sa latitude à mener une guerre prolongée.
Les conflits modernes présentent cependant d’autres volets, comme les cyberattaques et la propagande. La Russie excelle dans les cyberopérations et les stratégies hybrides pour déstabiliser ses adversaires, comme l’a démontré son ingérence dans l’élection américaine de 2016. Bien que l’OTAN dispose de compétences avancées en cyberdéfense, elle reste vulnérable à ces attaques qui peuvent perturber ses infrastructures critiques et influencer les opinions publiques par la désinformation.
Capacité de l’Europe à s’unir et motivation des opinions publiques
En affirmant que toutes les options, y compris une confrontation directe avec la Russie, étaient envisageables, Emmanuel Macron a suscité de vives critiques. Lors de cette déclaration, il a mis en avant la fourniture de munitions comme « la priorité des priorités » et souligné les besoins ukrainiens en missiles et bombes à moyenne portée, officialisant la création d’une « coalition capacitaire ». L’idée d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine a particulièrement retenu l’attention, provoquant de nombreuses réactions et révélant certains des défis internes et externes auxquels l’OTAN est confrontée.
Néanmoins, l’aptitude de l’Europe à s’unir face à une menace russe dépend de la volonté politique de ses dirigeants et de leur capacité à surmonter les divergences nationales. Les opinions publiques européennes sont souvent réticentes à l’idée d’un engagement militaire prolongé, ce qui complique la mobilisation pour une réponse unifiée et soutenue. Les désaccords sur les priorités stratégiques et la répartition des efforts à fournir sont également des problèmes majeurs.
La guerre en Ukraine a aussi mis en évidence les défis de recrutement et de rétention dans les forces armées de nombreux pays de l’OTAN. Ces problèmes compromettent la capacité de l’alliance à maintenir un effectif militaire suffisant pour soutenir une opération prolongée.
Rôle des États-Unis au sein de l’OTAN
Les États-Unis jouent un rôle central dans l’OTAN, mais il existe des divergences entre eux et certains alliés concernant la stratégie à adopter face à la Russie. Washington insiste sur la nécessité de renforcer la défense collective, tandis que des pays européens préfèrent des approches diplomatiques et économiques pour contenir la menace russe.
La possibilité d’un deuxième mandat de Donald Trump en tant que Président des États-Unis inquiète également les alliés. Les commentaires anti-OTAN et pro-Poutine du candidat ont conduit certains Européens à réaliser qu’ils doivent faire davantage pour compenser un éventuel désengagement américain.
L’impact économique de la guerre
Un conflit direct entre l’OTAN et la Russie entraînerait des répercussions économiques majeures ; les sanctions économiques et les perturbations des chaînes d’approvisionnement auraient des impacts sévères, tant en Occident qu’en Russie. Malgré une augmentation de la production militaire, Moscou resterait vulnérable aux effets des sanctions prolongées et aux difficultés économiques internes. De leur côté, les pays de l’OTAN subiraient également des perturbations significatives, affectant les marchés financiers et l’approvisionnement énergétique, exacerbant les tensions économiques et politiques.
L’OTAN est mieux préparée qu’auparavant pour répondre à une menace russe grâce à des améliorations dans la préparation militaire et sa résilience, et dispose de capacités militaires, financières, technologiques et stratégiques globalement supérieures. Cependant, les défis internes, la dissuasion nucléaire partiellement intégrée et les divergences politiques compliquent sa capacité à mener une guerre prolongée. La préparation pour un conflit de longue durée nécessitera une coopération et un engagement accrus de tous ses membres afin d’assurer une défense collective efficace et durable. La clé pour l’OTAN sera d’équilibrer ses capacités militaires avec un renforcement de la résilience au sein des sociétés alliées. La guerre en Ukraine a en effet montré que la résilience sociétale était aussi importante que la puissance militaire pour survivre à un conflit prolongé. L’OTAN doit également résoudre ses problèmes internes de coordination et de priorisation pour présenter un front uni contre une Russie déterminée et bien équipée.