Avec la large victoire du Pastef aux élections législatives de novembre dernier, les Sénégalais ont confirmé leur aspiration au changement. Le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont désormais les mains libres pour mettre en œuvre les réformes promises.
Par Clément Airault
Au Sénégal, les résultats des élections législatives anticipées du 18 novembre dernier constituent une victoire sans appel pour les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti du Président Bassirou Diomaye Faye et de son mentor le Premier ministre Ousmane Sonko qui l’a fondé en 2014. Le Pastef a remporté 130 sièges sur les 165 que compte l’Assemblée nationale, selon les résultats donnés par la Commission nationale de recensement.
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C’est un signal fort pour le Président Bassirou Diomaye Faye,qui va désormais pouvoir mettre en œuvre les réformes économiques et sociales radicales promises lors de son élection à la tête de l’État en mars 2024.
L’opposition reconnaît sa défaite
Le Sénégal continue de prouver qu’il est une grande démocratie africaine. Les tensions préalables à l’élection présidentielle relèvent du passé. En dépit de quelques affrontements entre supporters des différents partis lors de la campagne électorale, il est apparu que le vote s’est déroulé pacifiquement sur l’ensemble du territoire, le 18 novembre.
La nouvelle coalition, appelée Bloc des libéraux et démocrates (BLD) – Takku (« s’unir » en wolof), n’a pu résister au Pastef. Composée de 40 partis, cette coalition comprenait l’Alliance pour la République (APR) de l’ancien Chef de l’État Macky Sall, ou encore Rewmi de l’ex-Premier ministre Idrissa Seck. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade en était absent. Tous les leaders de l’opposition, de l’ancien Premier ministre Amadou Ba au maire de Dakar BarthélémyDias, en passant par Macky Sall, ont reconnu leur défaite. Les Sénégalais ont choisi de tourner définitivement la page de l’ère Sall, et de confier pleinement l’avenir du pays au tandem Faye-Sonko. Ces derniers avaient eu du mal depuis mars dernier à faire adopter leurs réformes par un Parlement largement dominé par l’opposition.
La jeunesse a placé beaucoup d’espoir dans la politique du Président Faye, sur les questions d’éducation et d’emploi. Un Sénégalais sur cinq est sans travail. « Si nous voulons rapidement résorber le retard de l’Afrique, il faudra réformer l’éducation et faire l’éloge du savoir qui, en tout temps, forge l’esprit et l’expertise indispensables à la réalisation du développement économique et social des peuples », déclarait le Chef de l’État le 30 mai. Les promesses de la campagne présidentielle n’ont à ce jour pas été tenues. Les défis sont majeurs, en particulier sur les questions de l’emploi et des finances publiques. En obtenant la majorité au Parlement, le Pastef n’a plus le droit de décevoir.
Changer la gestion du pays
Lors de ces législatives anticipées, les leaders du Pastef ont fait campagne sur des thèmes identiques à ceux de la campagne présidentielle, en promettant un changement radical, et en étant intraitables sur la bonne gestion des finances et du bien publics. Une « phase de rectification […] et de reddition des comptes » s’ouvre désormais, comme l’a précisé le Président de la République en conseil des ministres, trois jours après la victoire de son parti aux législatives.
Le Premier ministre, issu aussi de l’administration fiscale, n’a cessé d’évoquer les mois précédant les législatives les détournements de fonds publics et l’importante gabegie financière, dévoilée par des audits menés dans plusieurs ministères et administrations. L’ancien régime est dans le viseur des nouveaux hommes forts du pays. Ousmane Sonko a accusé l’ancienne administration en septembre d’avoir caché la dette publique, qui s’élèverait à 76,3 % du PIB au lieu des 65,9 % annoncés, et « falsifié » le déficit budgétaire, qui représenterait quant à lui 10,4 % du PIB au lieu des 5,5 % revendiqués par la précédente équipe au pouvoir.
En 2023, le FMI avait approuvé une facilité de crédit de 1,8 milliard de dollars étalée sur trois ans pour le Sénégal, mais ce financement reste encore en suspens dans l’attente des résultats d’un audit gouvernemental.
Le 14 octobre, le Premier ministre a annoncé les contours de « Sénégal 2050 : agenda national de transformation », le grand plan de développement gouvernemental destiné à servir de référence pour les 25 prochaines années. « Les modèles de développement qu’on nous a présentés ou qu’on nous a appliqués jusqu’à présent ne pourront jamais développer notre pays, donc c’est la fin de l’ère de l’endettement inconsidéré [servant à] investir dans des projets qui n’ont aucun rapport avec la construction d’un développement endogène et souverain », a déclaré Ousmane Sonko. Ce plan trace un cap économique, mais aussi politique et social. Il ambitionne de réduire la pauvreté, de tripler le revenu par habitant d’ici à 2050, et d’atteindre une croissance économique annuelle moyenne de 6 à 7 %. L’un des objectifs est de former 700 000 jeunes au cours des cinq prochaines années afin de résorber le chômage, un véritable fléau pour eux qui représentent la majeure partie de la population. Le Gouvernement cherche également à réduire le coût de l’électricité, par le biais de l’exploitation du gaz et du pétrole. Le Sénégal pourrait être autosuffisant au niveau énergétique à court terme.
S’inscrivant dans une mouvance globale en Afrique de l’Ouest, le Pastef a développé un programme souverainiste et panafricaniste, et entend revoir les relations du Sénégal avec ses partenaires traditionnels. Juste avant son élection, Bassirou Diomaye Faye a rappelé qu’il n’était pas question de rompre avec la France mais de modifier les liens entre les deux pays : « La rupture, c’est par rapport à nous-mêmes, à nos pratiques de gouvernance, à nos relations avec les partenaires, quels qu’ils soient. La France n’est pas sortie du Sénégal, elle est au Sénégal. Le partenariat entre la France et le Sénégal, jusqu’au moment où je vous parle, est un partenariat correct mais qui doit être revisité. Il doit être plus gagnant pour nous. »
Le 30 juin dernier, le Chef de l’État sénégalais a rencontré son homologue français, Emmanuel Macron, pour la première fois, à Paris. Dans un communiqué conjoint, les deux hommes ont fait part de « leur volonté commune de donner une nouvelle impulsion au partenariat » entre leurs pays. Un nouveau chapitre s’ouvre pour le Sénégal et pour de nombreux spécialistes de la politique sénégalaise, le président Faye, a toutes les qualités requises notamment son sens aigu de l’écoute et sa sagesse, pour consolider les relations du Sénégal avec ses partenaires classiques dans un intérêt gagnant-gagnant tout en ouvrant la voie à de nouveaux partenariats.