Luis Abinader, Président de la République dominicaine depuis août 2020, a été réélu en 2024 pour un second mandat de 4 ans. Ses concitoyens lui ont renouvelé leur confiance, convaincus par sa triple compétence d’économiste, d’homme d’affaires et de politicien qui lui permet d’allier sens pratique et vision sur le long terme. Le Chef d’État compte poursuivre la voie qu’il a tracée pour son pays.
Par Marie Forest
L’élection en 2020 de Luis Abinader au premier tour de la présidentielle avait déjà été sans ambiguïté. Dans un pays pourtant habitué à de houleuses contestations des résultats électoraux, le passage du pouvoir, détenu depuis 16 ans par le PLD, au PRM n’avait donné lieu à aucune objection. Gonzalo Castillo, le principal adversaire du nouveau Président, parlant même de « victoire irréversible ». En 2024, alors que Luis Abinader partait largement favori, son succès a été encore plus éclatant : de 52,30 % des voix lors du précédent scrutin, il est passé à 59,24 % des suffrages. C’est donc conforté dans ses choix politiques qu’il entame ce nouveau mandat.
Ce contenu est réservé aux abonnés
LES PRIORITÉS : BONNE GOUVERNANCE ET SÉCURITÉ
Le premier mandat du Président Abinader s’est concentré, en termes de politique intérieure, sur les priorités régaliennes. Il a fait de l’amélioration de la gouvernance, via la transparence des institutions publiques et la lutte contre la corruption, l’un de ses chevaux de bataille. Des enquêtes ont été menées concernant des faits de corruption présumée impliquant d’anciens responsables gouvernementaux. Parallèlement, des mesures ont été prises pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cela a abouti à l’arrestation et la mise en examen de plus d’une dizaine d’ex-ministres. Ces résultats ont été accueillis très favorablement par l’opinion publique, exaspérée par la corruption endémique qui sévissait dans le pays. Le Président veut désormais aller encore plus loin, notamment en garantissant l’indépendance de l’organisme de gestion électorale par le biais d’une réforme constitutionnelle. Mais il l’assure, la règle de seulement deux mandats consécutifs autorisés pour un chef d’État ne sera pas modifiée : « Je ne serai plus candidat, c’est ma parole, c’est mon engagement et cela fera partie de mon héritage laissé à la République dominicaine. »
Son autre préoccupation majeure a été — et est toujours — la sécurité de ses concitoyens. Au cœur de cette thématique, la situation de crise institutionnelle en Haïti, responsable d’un afflux de migrants de l’autre côté de la frontière, représente un enjeu crucial. La politique du Président, qui a pris à bras-le-corps le problème que représente l’immigration clandestine, est sans ambivalence : dans le but de limiter drastiquement ce phénomène, il a initié la construction d’un mur de béton, courant sur 164 km — soit près de la moitié des 380 km de frontière — entre Haïti et la République dominicaine ; il a également fait expulser plusieurs dizaines de milliers d’immigrés haïtien. Cette politique de fermeté est massivement approuvée par les Dominicains.
LA QUESTION HAÏTIENNE
Mais la question sensible de l’immigration haïtienne ne saurait se résoudre sans prendre le problème à la racine. En proie à la violence des gangs depuis l’assassinat par un commando du Président Jovenel Moïse en juillet 2021, la partie occidentale de l’île s’enfonce dans une instabilité que les autorités étatiques échouent à juguler. En amont de cette détérioration de la situation, Luis Abinader avait été le seul, avec son parti le PRM, à se saisir de la question des relations haitiano-dominicaines et à élaborer, en s’appuyant sur des experts en géopolitique, des pistes sur les actions à mener.
Face à l’affaiblissement de l’État de droit en Haïti, la République dominicaine s’est engagée dans des actions régionales afin de venir en aide à son voisin. En octobre 2021, elle s’est unie avec le Costa Rica et le Panama pour appeler à la mobilisation de la communauté internationale. Au mois de décembre de la même année, elle s’est déclarée partie prenante du groupe de partenaires internationaux, initié sous l’impulsion de la France, des États-Unis et du Canada, visant à accompagner Haïti sur les plans sécuritaire, politique et humanitaire. Saint-Domingue est également intervenu pour durcir les sanctions contre les éléments factieux responsables des désordres, notamment en instaurant pour eux une interdiction de voyager ainsi que le gel de leurs avoirs, et en imposant un embargo sur les armes. Appelant à une solution internationale, il s’est félicité du déploiement en octobre 2023 de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS, ou Multinational Security Support [MSS]) de l’ONU, la voyant comme une réponse à ses sollicitations. Cette mission, initialement prévue sur un an, vient d’être prorogée jusqu’en octobre 2025.
En outre, la République dominicaine a participé en février 2024, en tant que pays observateur, à une réunion dirigée par le secrétaire d’État américain Antony Blinken, sur une mission de paix pour Haïti, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20. Luis Abinader en a profité pour rappeler la coopération entre son pays et les États-Unis dans le cadre de l’Initiative de sécurité du bassin des Caraïbes (CBSI), visant à renforcer la sécurité régionale. À terme, le Président dominicain espère normaliser ses relations avec Haïti, et développer la coopération bilatérale.
OUVERTURE DIPLOMATIQUE ET LEADERSHIP INTERNATIONAL
Les États-Unis sont un partenaire stratégique de la République dominicaine, sur les plans énergétique, éducatif, sécuritaire, mais aussi militaire depuis l’accession au pouvoir de Luis Abinader. Devant la montée de l’instabilité dans la région, les deux pays ont en effet exercé conjointement des manœuvres en 2021, et des formations militaires ont été dispensées. Un ambassadeur américain a été nommé en République dominicaine en 2023, symbole du renforcement des relations bilatérales. D’autres pays du monde sont également entrés dans la sphère d’action de la diplomatie dominicaine, avec l’ouverture de représentations diplomatiques en Inde, en Égypte, au Qatar, en Russie, en Afrique du Sud et en Turquie. La France est aussi un partenaire d’importance, notamment sur le plan économique.
Mais le Chef de l’État est surtout préoccupé d’intégration régionale, instrument de stabilité dans la région des Caraïbes. Sa politique étrangère est donc particulièrement active en la matière. Ainsi, le pays est membre de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (Celac), de l’Association des États de la Caraïbe (AEC) ou encore de l’Organisation des États américains (OEA). En 2023, Saint-Domingue a accueilli une conférence régionale entre les États des Caraïbes et l’Union européenne sur le fléau des sargasses. Et le pays soutient diverses initiatives, telle l’Union des nations sud-américaines (Unasur). Preuve du leadership de Luis Abinader, il a été le premier Chef d’État dominicain à recevoir, en mai 2024 à Washington lors de la 54e Conférence sur les Amériques, le « Prix du président pour le leadership dans les Amériques », décerné par le Conseil des Amériques (ONG pour promouvoir le libre-échange, l’ouverture des marchés et la démocratie). En 2025, Punta Cana accueillera le Sommet des Amériques.
Hormis la région caribéenne, la place de la République dominicaine sur la scène internationale prend de l’importance de par la volonté du pays à jouer un rôle plus dynamique sur la marche du monde. Il a été membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies sur la période 2019-2020, s’est impliqué dans des forums internationaux tels que le Groupe des 77, et été élu en octobre 2023, pour la première fois, membre du Comité des droits de l’Homme des Nations unies. Ces avancées démontrent que le pays sait être crédible dans ses ambitions.
UNE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE RENFORCÉE
Au-delà des instances régionales, la République dominicaine a renforcé des coopérations bilatérales avec des pays influents proches comme le Brésil et le Mexique, ou encore la Colombie et le Guyana, dans le but de renforcer les liens économiques. Par exemple, le Président Abinader s’est déplacé à deux reprises en 2023 au Guyana, visites qui ont abouti à la signature d’un accord sur l’exploitation d’un site pétrolier guyanien.
Le partenariat commercial est aussi très fort avec les États-Unis. Les liens historiques entre les deux nations favorisent les rapprochements, tout comme leur proximité géographique. Les flux économiques et commerciaux sont considérables, les États-Unis étant en même temps le plus important fournisseur et le plus important client de la République dominicaine.
Luis Abinader s’est félicité, à l’issue de son premier mandat, des bons indicateurs économiques, de la croissance élevée, d’une inflation maîtrisée et d’un faible taux de chômage, en baisse. Christian Girault, directeur de recherche au CNRS et au Centre de recherche et de documentation sur les Amériques (Creda), interrogé par RFI, accrédite cette vision : « L’économie [dominicaine] fonctionne assez bien. Il y a une croissance de l’ordre de 4 à 5 % pratiquement tous les ans depuis une vingtaine d’années. » Le bilan économique actuel de Luis Abinader est donc globalement positif, même s’il reste beaucoup à faire.
UN NOUVEAU MANDAT POUR DE NOUVEAUX OBJECTIFS
Après un premier mandat focalisé sur l’amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption, le second mandat sera en continuité de ces objectifs, le Président s’engageant à renforcer la transparence et l’efficacité des dépenses publiques, ainsi que la sécurité (il a promis par exemple former 20 000 policiers supplémentaires au cours des quatre prochaines années). Mais il souhaite également explorer de nouveaux axes et se focaliser sur la croissance économique, qui permettra de dégager des moyens en faveur de réformes sociales d’envergure. Et il se montre confiant : « Il n’y a pas de solution magique pour réussir, mais nous avons une recette simple pour y parvenir », a-t-il déclaré, faisant référence aux mesures qu’il envisage de prendre.
Ces dernières années, des réformes ont été menées pour encourager l’investissement privé et les investissements étrangers, en simplifiant les procédures administratives pour réduire la bureaucratie. Malgré une conjoncture internationale difficile, le pays a réussi à tirer son épingle du jeu et à se rendre attractif, maintenant une croissance relativement stable. Le Chef de l’État mise désormais notamment sur l’entrepreneuriat et les petites et moyennes entreprises, et sur la régularisation du travail afin de combattre l’emploi informel, qui obère les finances publiques. La nouvelle feuille de route est orientée vers la consolidation des acquis économiques et la poursuite d’une politique propice à la croissance.
La République dominicaine est un pays qui compte économiquement dans la région. Et elle est bien décidée à peser encore davantage dans les années à venir. L’ambition du Président est de doubler le PIB, qui s’élève aujourd’hui à 113 milliards de dollars, d’ici 2036. Il veut aussi entreprendre un train de réformes sociales visant à améliorer le droit du travail et la protection sociale. Les dernières élections de mai 2024 ont donné la majorité absolue des sièges parlementaires et sénatoriaux au PRM, parti du Président Luis Abinader, ce qui lui donne les coudées franches pour faire passer les lois qu’il souhaite et poursuivre sa politique. Il lui reste 4 ans pour cela.
Élections en 2024
Les dernières élections présidentielles, sénatoriales et législatives ont eu lieu le 19 mai 2024. Le Président sortant, Luis Abinader, a été réélu dès le premier tour, à une large majorité. Son parti, le PRM, de gauche modérée, a également remporté les élections législatives avec 142 sièges sur 190, et les sénatoriales avec 29 sièges sur 32.
Cette victoire électorale fait suite à celle obtenue lors des municipales, qui se sont tenues en février 2024 et ont été un succès sans précédent pour le PRM. Le parti est arrivé en tête dans 30 provinces sur 32, et a obtenu 70 % des municipalités.
Résultats du suffrage présidentiel :
– Luis Abinader, Parti révolutionnaire moderne (PRM) : 57,44 %
– Leonel Fernández, Force du peuple (FP) : 28,85 %
– Gonzalo Castillo, Parti de la libération dominicaine (PLD) : 10,39 %
Portrait
Le père de Luis Abinader, José Rafael Abinader Wasaf, d’origine libanaise, est un homme d’affaires et politicien. Fondateur de l’Université O&M (Organisation et méthodes) et du groupe Abicor, il a mené parallèlement une intense activité politique, occupant les fonctions de vice-président du PRD, numéro deux du PRM, ministre des Finances et sénateur.
Son fils, Luis Rodolfo Abinader Corona, naît le 12 juillet 1967. Il étudie au lycée Loyola, puis entre à l’Institut technologique de Saint-Domingue (Intec) où il obtient un diplôme en économie. Il poursuit des études supérieures en gestion de projet au cabinet de conseil en stratégie Arthur D. Little Institute, à Cambridge, dans le Massachusetts, aux États-Unis, qu’il complète par de la finance d’entreprise et de l’ingénierie financière à l’Université Harvard. Il termine son cursus par des cours de gestion avancée au Dartmouth College, dans le New Hampshire.
Sur les traces de son père, Luis Abinader a un parcours d’entrepreneur et d’homme politique. Il reprend la direction de l’entreprise familiale, le groupe Abicor (qui possède une université, plusieurs hôtels et une des principales cimenteries du pays), et devient membre, puis vice-président du PRD, avant de fonder le PRM. Il se présente à la vice-présidence du pays en 2012, puis à la présidence en 2016, sans succès. Le vent tourne en 2020. Alors qu’il n’a encore jamais exercé de mandat d’élu, le « candidat du changement » tire bénéfice de la volonté du peuple dominicain de se débarrasser d’une classe politique corrompue, et il accède à la présidence de la République dominicaine le 5 juillet. Il est réélu le 19 mai 2024, à une large majorité.
Luis Abinader est marié à Raquel Arbaje, elle aussi d’origine libanaise, et il est père de trois filles.