En trois ans, les mesures favorables aux investisseurs, et destinées à améliorer le climat des affaires, ont été plus nombreuses qu’au cours des dix années précédentes. Désormais, le Burundi montre tous les signes d’une ouverture en faveur des investissements privés, locaux et internationaux.
Par Clément Airault
Le Gouvernement, conscient que l’environnement des affaires a longtemps été un obstacle au développement de l’économie burundaise, a mis en place d’un climat des affaires propice aux investissements, ce qui est actuellement au cœur de la philosophie et des priorités présidentielles, dans le but de renforcer « l’État responsable et laborieux » (Reta Mvyeyi, Reta Nkozi). Le premier acte du Gouvernement en ce sens fut de multiplier, à partir de 2021, les réformes institutionnelles et légales indispensables à l’amélioration du climat des affaires, et, de fait, au développement économique durable du pays.
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Des avantages fiscaux
Un nouveau Code des investissements a été mis en place, qui prévoit l’octroi de multiples avantages aux investisseurs. Parmi les mesures favorables, il convient de mentionner l’exonération des droits de mutation immobilière en cas d’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble. Les investisseurs se voient également exonérés de la TVA, des droits de douanes à l’importation des matériaux de construction, équipements et intrants de production, dans une certaine mesure, selon les projets d’investissements. Ils bénéficient également d’une réduction du taux d’imposition sur les sociétés durant les cinq premières années. Ce dernier, normalement fixé à 30 %, est de 5 % la première année, puis il augmente de 5 % tous les ans pour trouver son niveau normal au début de la 6e année. Les investisseurs peuvent aussi, selon les cas, être exonérés de la TVA sur les matières premières et les équipements achetés localement, ainsi que des droits de douanes sur les importations de véhicules utilitaires.
En plus de ces mesures fiscales, le Code des investissements octroie des avantages non fiscaux aux investisseurs, notamment des facilités dans l’obtention des documents de voyage pour les investisseurs étrangers et l’accompagnement des investisseurs dans la recherche de licences ou autres autorisations requises pour l’exercice de leurs activités.
Pour être éligibles aux nombreux avantages disponibles dans le cadre du Code des investissements, les projets d’investissement doivent être d’au moins 500 000 dollars pour les investisseurs étrangers, l’équivalent en francs burundais pour les investissements des Burundais en mairie de Bujumbura, et la moitié de ce montant est requis pour les investissements dans d’autres localités.
Des garanties pour les investisseurs
Selon le Code des investissements, ceux qui choisissent d’investir au Burundi se voient assurer du :
– droit de rapatrier les bénéfices et revenus tirés de leur investissement après acquittement des impôts et taxes dus ;
– droit de propriété à toute personne physique ou morale ;
– droit à la concession ;
– droit de participation aux marchés publics ;
– droit d’acquisition ou de location immobilière ;
– droit à la non-expropriation et la non-nationalisation de leur investissement réalisé sur le territoire national.
Créer et gérer son entreprise facilement
Force est de constater que les procédures liées à l’enregistrement des entreprises ont été, ces dernières années, facilitées de manière radicale. Un guichet unique de création d’entreprises, rassemblant tous les services étatiques impliqués dans l’enregistrement des entreprises en un seul lieu, a été créé en 2013. Mais c’est surtout depuis octobre 2022 que le changement s’est opéré. Les procédures d’enregistrement des entreprises ont été informatisées en vue d’être allégées et simplifiées encore plus, afin de faciliter les choses pour les investisseurs en n’exigeant plus leur présence physique au moment de cet enregistrement. Ce dernier se fait en ligne (via la plateforme www.easybusiness.bi). En moins de deux jours, il est désormais possible de disposer des statuts de son entreprise. Les démarches sont grandement facilitées par la mise en place de plusieurs « guichets uniques », pour le transfert de propriété (qui est digitalisé), le raccordement à l’électricité ou l’octroi d’unpermis de construire (en cours de digitalisation).
Les technologies numériques contribuent à l’amélioration du climat des affaires en s’insinuant dans toutes les strates de l’administration, notamment sur les questions relatives à la politique fiscale. Il convient également de mentionner la mise en place d’un système de télédéclaration et de télépaiement des impôts, la possibilité d’effectuer le paiement électronique des droits et taxes douaniers, la facturation électronique, le paiement via les services de monnaie électronique Lumicash.
Agence de développement du Burundi (ADB)
L’interlocuteur unique pour les investisseurs
En 2009, le Burundi a mis en place une Agence de promotion des investissements, dans le but d’accompagner au mieux le développement du secteur privé dans le pays. En 2021, cette entité est devenue l’Agence de développement du Burundi (ADB). Ses missions ont été élargies afin d’aider davantage les investisseurs dans l’ensemble de leurs démarches.
L’ADB est la seule agence de promotion des investissements et des exportations. À ce titre, elle mène des études, prospecte et cherche à identifier les meilleures opportunités d’investissement dans le pays. Elle informe les investisseurs nationaux et internationaux sur les opportunités d’investissement et d’exportation au Burundi, les accompagne dans toutes les démarches nécessaires à leur bonne installation et à la conduite de leurs affaires. C’est également elle qui reçoit et instruit les dossiers de demande d’éligibilité aux avantages et différents régimes prévus par le Code des investissements, et en assure le suivi-évaluation. L’ADB est chargée d’immatriculer toute personne physique ayant la qualité de commerçant, toute société commerciale, ainsi que toute succursale de société étrangère, et d’en assurer le suivi. Au niveau national, elle cherche à développer les capacités professionnelles et entrepreneuriales des Burundais, et en particulier des Burundaises et des jeunes.
L’ADB œuvre également, aux côtés du Gouvernement, à concevoir les réformes destinées à améliorer le climat des affaires. L’Agence est partie prenante dans les négociations des accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux sur la promotion et la protection des investissements et des investisseurs. Elle appuie par ailleurs le Gouvernement dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale d’investissement ainsi que de la planification du développement économique et industriel. En cas de non-application ou de mauvaise application des lois ou règlementations en rapport avec la promotion des investissements, des exportations et du développement économique, c’est elle qui intervient auprès des administrations. Au regard de ses multiples actions, l’ADB est un maillon indispensable du renouveau de l’économie burundaise.
Pour plus d’informations et d’opportunités disponibles au Burundi, consulter le site web de l’ADB : www.investburundi.bi
Renouer avec la stabilité monétaire
Le Burundi est confronté depuis plusieurs années à une instabilité des prix et un taux de change fluctuant qui freinent son développement. Pour les investisseurs, la question des devises est primordiale, et la Banque de la République du Burundi (BRB) a engagé des réformes visant à moderniser le cadre de la politique monétaire et de la politique de change, à assurer la stabilité des prix, un taux de change flexible et compétitif (conditions importantes pour une croissance forte et soutenable), la stabilité financière, et la restauration de la soutenabilité de la dette extérieure (cf. entretien avec le gouverneur de la BRB).
La BRB a adopté de nouveaux instruments en perspective de la migration vers un cadre de politique monétaire de ciblage d’inflation, tout en adoptant les mesures de politique monétaire restrictives suivantes :
- La suspension du refinancement spécial des secteurs porteurs de croissance, à l’exception du secteur agropastoral (en date du 9 décembre 2022).
- La hausse du coefficient des réserves obligatoires, qui est passé de 3 à 5 %.
- L’augmentation des taux applicables sur les apports de liquidités à 7 jours à 10 % et ceux sur la facilité de prêt marginal à 10 %, majorés de 2 points de pourcentage.
- La reprise de la déclaration trimestrielle de politique monétaire en décembre 2023.
- L’adoption, en décembre 2023, du taux directeur comme nouvel instrument de politique monétaire. Ce taux a été fixé à 10 % (nouvel instrument).
- L’alignement du taux de facilité de prêt marginal au taux directeur (majoration de 2 points de pourcentage au taux directeur).
- Le relèvement du taux directeur de 200 points de base, passant de 10 à 12 %.
- La fixation de la période de constitution des réserves obligatoires à une fréquence de 15 jours.
- La mise en place des titres de la Banque centrale comme nouvel instrument de politique monétaire. L’opérationnalisation de l’instrument est en cours de préparation (nouvel instrument).
- Au niveau de la politique de change, les mesures prises visent la libéralisation du marché. Elles ont consisté en :
- La réouverture des bureaux de change (7 octobre 2022).
- La suspension des restrictions sur les transferts instantanés (7 octobre 2022).
- La suppression de toutes les marges de change multiples appliquées sur les opérations de change (via les transferts) en les remplaçant par une marge unique de 2 % à partir du taux de change officiel publié par la BRB (en date du 9 décembre 2022).
- Le rapatriement dans les banques commerciales des comptes des missions diplomatiques et des organismes internationaux (le 31 mars 2023).
- L’autorisation aux exportateurs de minerais d’ouvrir les licences d’exportation dans les banques commerciales.
- Le lancement du cadre règlementaire du Marché interbancaire des devises (MID) (le 28 avril 2023).
- L’opérationnalisation du MID où toutes les banques commerciales s’échangent les devises à des taux librement négociés, et l’adoption d’un nouveau taux de change se référant au taux dégagé sur le MID (le 04/05/2023).
- L’adoption, le 28 décembre 2023, de la règlementation de change révisée, qui a notamment permis de :
– lever l’obligation de domiciliation à la BRB des comptes en devises des ONG locales et étrangères et des entités privées recevant des appuis extérieurs ;
– lever l’obligation de cession à la BRB des devises issues de l’exportation, sauf pour les entités étatiques et paraétatiques exportatrices de café et de thé ; les exportateurs sont tenus de rapatrier les recettes d’exportation, dans les délais règlementaires, via leurs banques commerciales qui ont validé leurs déclarations d’exportation ;
– obliger chaque banque à nommer en son sein un négociant en devises disposant d’une certification professionnelle (ACI Dealing Certificate), comme exigence minimale pour effectuer les opérations en devises (transferts, arbitrages, achats, ventes, etc.) afin d’améliorer la qualité des services rendus par les banques ;
– obliger l’agrément des gérants des bureaux de change ;
– lever les restrictions et les pratiques de taux multiples, conformément à l’article VIII du FMI.
Faciliter le commerce
De son côté, le ministère du Commerce a mis en œuvre les différentes réformes relatives à la facilitation du commerce, notamment concernant le cadre de dialogue public-privé, la digitalisation des services ou le secteur minier.
En 2010, a été promulguée la loi n° 1/09 du 25 mars 2010 portant régime juridique de la concurrence. Pour sa mise en application, d’autres mesures ont été prises, notamment la mise en place de la Commission nationale de concurrence par le décret n° 100/212 du 30 octobre 2023 portant organisation et fonctionnement de la Commission de concurrence, et la nomination de ses membres par le décret n° 100/065 du 18 avril 2024 portant nomination des membres de la Commission nationale de la concurrence.
Le Burundi a adhéré à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et mis en place des réformes relatives au cadre du dialogue public-privé. Chaque année, dans le cadre de l’« Umuzinga Day », le Chef de l’État rencontre les représentants du secteur privé et les structures gouvernementales, pour initier un dialogue public-privé visant à soutenir la croissance du secteur privé au Burundi, en levant tous les blocages à son développement. Des échanges mensuels ont lieu entre le Ministre du Commerce et le secteur privé, et des rencontres trimestrielles se tiennent entre le Premier Ministre et le secteur privé. Un cadre d’échanges a également été mis en place entre l’Office burundais des recettes (OBR) et la Chambre fédérale de commerce et d’industrie du Burundi (CFCIB) pour discuter de cas précis sur des problèmes particuliers en matière de fiscalité.
Concernant les efforts engagés sur le secteur minier, il convient de mentionner la promulgation de la loi n° 1/19 du 4 août 2023 portant modification de la loi n° 1/21 du 15 octobre 2013 portant Code minier du Burundi et certains de ses textes d’application, notamment, mais aussi le décret n° 100/224 du 23 novembre 2023 portant modalités d’application de la loi n° 1/19 du 4 août 2023 portant Code minier du Burundi en rapport avec la mine artisanale, la mine semi-mécanisée, la carrière artisanale et la carrière mécanisée, ainsi que l’ordonnance conjointe n° 760/540/1443 du 11 décembre 2023 portant régime fiscal applicable au nouveau Code minier.
Le Burundi fait partie du Territoire douanier unique (TDU) au niveau de la Communauté est-africaine (CEA). C’est un immense avantage. Afin de développer le commerce international et transfrontalier, une convention a été signée avec la Chine pour la facilitation du commerce, des scanners ont été installés à Kibero et Bujumbura, plus un scanner à bagages à l’Aéroport international Melchior-Ndadaye. Par ailleurs, le suivi électronique des cargos mis en place permet de limiter les fraudes. Un portail d’informations commerciales existe, de même qu’un guichet unique électronique avec deux modules fonctionnels (santé et agriculture). Un autre module est en cours de finalisation (module ADB).