À la tête du groupe français Vicat, implanté de longue date au Kazakhstan, Guy Sidos nous livre son ressenti sur le Kazakhstan et sur l’évolution des relations d’affaires avec la France.
Depuis plus de quinze ans, j’ai appris à découvrir et à aimer le Kazakhstan où le groupe Vicat est présent avec sa filiale Jambyl Cement et sa cimenterie de Mynaral, au bord du lac Balkhach, entrée en service en 2010. J’ai pu mesurer tout au long de ces années le potentiel de ce magnifique pays, et les attentes de sa population en matière de développement économique.
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J’ai pris tout récemment la coprésidence du Conseil des affaires franco-kazakhstanais (CAFK), aux côtés d’Aïdan Karibjanov, aujourd’hui président de Visor Holding. Notre mission est simple : développer les relations économiques et les partenariats entre nos deux pays. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des relations diplomatiques fortes et anciennes : François Mitterrand fut le premier Chef d’État européen à se rendre au Kazakhstan en septembre 1993, un an exactement après avoir reçu le nouveau Président de la République indépendante du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev, et son épouse, à Paris. Lors du dîner d’État donné à l’Élysée, le 23 septembre 1992, le Président Mitterrand affirmait : « Nous ouvrirons à notre coopération tous les champs possibles, celui de l’agriculture, de l’énergie, des ressources minières, de l’industrie, de la sûreté nucléaire civile, de l’environnement, de la recherche et de l’espace. » Le lendemain, le Président kazakhstanais rencontrait le tout nouveau Comité France-Kazakhstan du CNPF International (aujourd’hui Medef International) rassemblant les premières entreprises françaises explorant l’Asie centrale, dont Elf Aquitaine qui venait de signer le premier accord énergétique bilatéral.
Quinze ans plus tard, en 2008, pour renforcer nos échanges, un partenariat stratégique est signé, qui voit notamment la création du Conseil des affaires franco-kazakhstanais de Medef International, placé sous l’égide des deux Chefs d’État. Le CAFK répond au besoin d’un instrument économique bilatéral pour donner un nouvel élan aux relations dans la sphère économique. Yves-Louis Darricarrère, alors président de Total Exploration et Production, est nommé coprésident du CAFK, avec Aïdan Karibjanov, président du fonds souverain kazakhstanais Samrouk-Kazyna.
Nous sommes alors à la veille d’une crise financière et économique mondiale. Pour autant, le CAFK reste très actif et les entreprises françaises n’abandonnent pas le Kazakhstan. Dès 2010, une délégation d’entreprises se rend à nouveau à Astana et est reçue au plus haut niveau de l’État. S’ensuivent des missions annuelles et, en décembre 2014, le Président François Hollande se rend en visite d’État à Astana. Le CAFK mobilise près de 80 entreprises à cette occasion !
Le rythme soutenu de ces rendez-vous permet d’élargir progressivement les partenariats économiques aux transports, à l’aéronautique, à l’industrie, grâce à des investissements majeurs d’entreprises françaises telles qu’Air Liquide, Alstom, CIS, Lactalis, Orano, TotalEnergies, Saint-Gobain ou Vicat.
Tout cela n’aurait pas été possible sans l’implication de nos Chefs d’État respectifs, relayés par l’action efficace de nos ambassadeurs tant français que kazakhstanais. Je pense très sincèrement que le Président Kassym-Jomart Tokayev donne actuellement une nouvelle impulsion politique à la relation franco-kazakhstanaise, qu’il nous faut accompagner économiquement. Le Kazakhstan s’impose comme la porte d’accès des entreprises françaises à l’Asie centrale.
Aujourd’hui la France figure parmi les cinq premiers investisseurs étrangers au Kazakhstan, et le Kazakhstan est notre premier partenaire commercial en Asie centrale. Nous pouvons faire plus et élargir notre partenariat à d’autres secteurs clés où l’expertise française est attendue. En ce sens, le forum d’affaires organisé à Astana le 1er novembre dernier à l’occasion de la visite du Président de la République, Emmanuel Macron — accompagné de Roland Lescure, Ministre délégué chargé de l’industrie, et d’Olivier Becht, Ministre délégué auprès de la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger —, et auquel ont participé plus de 400 représentants français et kazakhstanais du monde économique, est extrêmement encourageant. Ce forum a en effet donné la part belle aux questions industrielles et minières, mais aussi aux entreprises des secteurs de la santé humaine ou animale et de l’agroalimentaire.
Alors que le XXIe siècle voit de nouveaux défis se profiler, tels que le changement climatique ou les enjeux de sécurité alimentaire, sur fond de conflits régionaux, le Kazakhstan est un partenaire stratégique pour la France. Dans la nouvelle géopolitique des matériaux critiques, le pays dispose d’une position cruciale entre l’Europe et la Chine. Son importante superficie est également un atout pour contribuer à la sécurité alimentaire mondiale. Dans ces secteurs, les entreprises françaises peuvent apporter leur savoir-faire et leur expertise sur toutes leurs chaînes de valeur. Ce positionnement est renforcé par leur profonde connaissance du terrain et par des coopérations durables et inclusives, dans le respect des normes sociales et environnementales les plus exigeantes.
Dans ce contexte, le CAFK contribue à entretenir et à développer la confiance bâtie au fil des décennies. Il est nécessaire d’échanger régulièrement avec les décideurs kazakhstanais (membres du Gouvernement ou dirigeants de grands groupes publics et privés). Ces interactions régulières permettent aux entreprises françaises de faire avancer concrètement leurs projets. Le soutien du réseau diplomatique français et la confiance de nos partenaires, comme Atameken ou Kazakh Invest, sont à cet égard très précieux. Nous pouvons compter sur eux pour approfondir certains champs de coopération et en ouvrir d’autres. Nous venons, à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron à Astana, de signer un MoU (Memorandum of Understanding) entre la « Task force matériaux critiques » de Medef International et la Chambre de commerce Atameken. L’objectif est d’informer les entreprises françaises de la nouvelle stratégie du Kazakhstan dans les matériaux critiques et de créer des ponts entre les acteurs français et les donneurs d’ordre ou prescripteurs kazakhstanais dans ce domaine.
Ce panorama ne serait complet sans évoquer le travail effectué avec les différentes institutions financières internationales : la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), le groupe Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, mais aussi l’Agence française de développement ou la KfW. Les interactions régulières que nous avons avec ces banques de développement multilatérales ou bilatérales permettent de positionner les solutions françaises sur les grands projets structurants qu’elles financent au Kazakhstan.
Nous échangeons également avec elles sur les réformes économiques nécessaires pour que l’environnement des affaires au Kazakhstan reste attrayant pour les investisseurs étrangers. À cet égard, le CAFK est partie prenante de la Commission mixte franco-kazakhstanaise, aux côtés des ministres qui en ont la charge dans les deux pays. Pour chaque session, le conseil réalise un rapport sur l’environnement des affaires dans le pays. En tant que représentant du secteur privé français, le Conseil fait remonter les projets et les éventuelles difficultés des entreprises françaises, et leurs propositions pour améliorer le climat des affaires au Kazakhstan.
Le déplacement du 1er novembre du Président de la République française au Kazakhstan est emblématique d’une relation économique franco-kazakhstanaise extrêmement dense, un an après la visite du Président Kassym-Jomart Tokayev à Paris. Il est également prometteur pour l’avenir. Avec Aïdan Karibjanov, nous avons la volonté de creuser les nouveaux sillons de notre relation économique pour que nos successeurs à la tête du CAFK soient aussi fiers des efforts accomplis et confiants dans l’avenir que nous le sommes aujourd’hui !