La France et l’Indonésie célèbrent 75 ans de relations diplomatiques. Dans un monde en pleine mutation numérique, les deux pays font de l’intelligence artificielle un levier majeur de coopération. Startups et universités s’allient pour former les talents de demain et bâtir une économie digitale durable.
Par Thomas Pompon
La France fut l’un des premiers pays européens à reconnaître l’Indonésie indépendante en 1949. Depuis, la coopération bilatérale n’a cessé de s’élargir : ouverture d’ambassades, création de l’Institut français d’Indonésie et implantation d’Alliances françaises à Jakarta, Bandung ou Yogyakarta. Ces institutions ont longtemps été les piliers d’un dialogue culturel, linguistique et académique, favorisant la mobilité des étudiants et chercheurs.
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Au fil des décennies, des milliers d’Indonésiens ont bénéficié de bourses françaises, comme celles des programmes Eiffel ou LPDP, qui ont contribué à former une élite scientifique et technologique. Aujourd’hui, à l’occasion du 75ᵉ anniversaire des relations franco-indonésiennes, cette coopération historique prend un nouveau visage : celui de la diplomatie numérique et de l’Intelligence artificielle (IA).
Avec plus de 210 millions d’internautes, l’Indonésie est l’un des plus grands marchés numériques du monde. La France, moteur de l’Union européenne dans la régulation technologique et la recherche en IA, offre une expertise précieuse. Ensemble, les deux pays veulent construire un partenariat tourné vers la jeunesse, l’innovation et la souveraineté numérique.
En mai 2025, les gouvernements ont confirmé cette orientation en annonçant un approfondissement des échanges dans l’enseignement supérieur, la science et la technologie, avec un accent particulier sur l’IA et les semi-conducteurs. Ces priorités reflètent une vision partagée : faire de l’éducation numérique un pilier du développement et de la coopération internationale.
Former les talents de demain
L’IA ne sera pas réservée aux chercheurs ou aux ingénieurs. Dès l’année scolaire 2025-2026, l’Indonésie intégrera son enseignement dans le cursus, du primaire au lycée, ainsi que dans la formation professionnelle. Cette réforme pionnière vise à familiariser toute une génération à l’usage des algorithmes, et à lui permettre de développer un esprit critique face aux nouvelles technologies.
Le Gouvernement indonésien s’est fixé un objectif ambitieux : former 9 millions de talents numériques d’ici 2030, dont une grande partie spécialisés dans l’IA. La France soutient cet élan par des partenariats universitaires et des programmes de doubles diplômes dans les sciences de l’ingénieur et l’informatique. Plusieurs universités indonésiennes, comme l’Universitas Indonesia ou l’Institut Teknologi Bandung, collaborent déjà avec l’Université Paris-Saclay, Sorbonne Université ou l’INSA Lyon pour des cursus conjoints et des recherches appliquées.
Au-delà des échanges académiques, l’apprentissage du français joue un rôle stratégique. Présente dans cinq villes indonésiennes, l’Alliance française attire chaque année de nombreux étudiants qui voient dans la langue un atout pour accéder aux meilleures formations européennes en IA, cybersécurité et sciences des données. Cette dimension culturelle et linguistique complète utilement la coopération technologique.
Startups et économie numérique
La coopération se renforce aussi dans le monde entrepreneurial. L’écosystème indonésien des startups connaît une croissance fulgurante, porté par une jeunesse créative et connectée. Jakarta et Bandung s’imposent comme des pôles régionaux de l’innovation. La French Tech Indonesia, lancée en 2023, facilite les échanges entre entrepreneurs, incubateurs et investisseurs français et indonésiens, notamment dans les secteurs de l’IA, de la fintech, de l’edtech et de l’agritech.
De grandes initiatives voient le jour. En 2025, le Ministère indonésien de la Communication et des Affaires numériques (Komdigi) et Google Cloud ont lancé un programme destiné à faire émerger 100 startups spécialisées en IA dans les cinq prochaines années. Le premier groupe d’entrepreneurs sera accompagné dès septembre 2025, marquant une étape décisive pour l’écosystème numérique du pays.
La France, forte de son expérience dans l’accompagnement des jeunes pousses et la régulation technologique via l’IA Act, apporte une expertise complémentaire. Ce dialogue croisé favorise l’émergence d’un modèle commun : encourager l’innovation sans renoncer à l’éthique et à la protection des citoyens, en particulier des plus jeunes.
L’infrastructure suit ce mouvement. Le Centre national de données de Cikarang, financé en partie par la France, illustre la volonté des deux pays de garantir une souveraineté numérique et de sécuriser l’hébergement des projets liés à l’IA. Ce socle technologique est essentiel pour soutenir les ambitions de milliers de startups et favoriser une économie numérique durable.
Enfin, plusieurs réussites locales incarnent déjà ce dynamisme. La scale-up (entreprise en très forte croissance) Ruangguru, leader de l’edtech, illustre l’intégration du numérique dans l’éducation. Aux côtés de cette pionnière, d’autres jeunes entreprises indonésiennes ont franchi un cap international en rejoignant le plus grand campus de startups au monde, Station F, à Paris : AssistX (healthtech), Eratani (agritech), Zi.Care (santé numérique), Assemblr (réalité augmentée), Nisclab (biotech), FishLog (supply chain halieutique) et Jejakin (climate tech), ainsi qu’une startup fondée par une entrepreneuse indonésienne, basée à Station F, LiVert. Leur présence à Paris illustre concrètement la capacité des écosystèmes français et indonésien à travailler main dans la main pour transformer les innovations locales en solutions globales.
L’IA au cœur de l’avenir
Alors que la diplomatie s’élargit aux enjeux numériques, la coopération franco-indonésienne en matière d’éducation et de startups reflète une conviction partagée : l’IA doit être mise au service des citoyens, de l’innovation et du développement durable.
En célébrant 75 ans de relations, la France et l’Indonésie ne se contentent pas de rendre hommage à leur histoire commune. Elles croisent leurs forces académiques et entrepreneuriales, et font de l’IA un moteur de coopération au service des sociétés et des générations futures. Un nouveau chapitre s’écrit, où l’IA devient un vecteur d’amitié, d’opportunités et de progrès partagé.
Jeunesse et innovation
« L’intelligence artificielle ne doit pas seulement être un outil économique, mais aussi un pont entre nos jeunesses », rappelait récemment un diplomate français à Jakarta.
Cette vision s’incarne dans des projets concrets :
– Plus de 2 000 étudiants indonésiens poursuivent leurs études en France chaque année, notamment dans les filières scientifiques.
– L’Indonésie ambitionne de former 9 millions de talents numériques d’ici 2030.
– La French Tech Indonesia fédère déjà plusieurs dizaines de startups binationales dans l’IA et le numérique.