Le Burundi retrouve progressivement sa place dans le concert des nations, par le dialogue et la concertation. Son Ministre des Affaires étrangères nous précise les grands axes de la politique internationale burundaise.
Propos recueillis par Clément Airault
Le Burundi a été élu à la tête de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies, le 6 juin dernier. Comment interprétez-vous cette nomination historique ?
La présence du Burundi dans les organisations internationales et régionales en tant qu’État membre des Nations unies à titre national ou individuel est une des priorités de la diplomatie Burundaise. C’est dans ce cadre que nous avons mené une offensive diplomatique pour collecter le plus de soutiens à la candidature du Burundi à la Troisième Commission des Nations unies, qui traite des questions sociales, humanitaires et culturelles. Nous avons tout d’abord mené une campagne tous azimuts au sein de l’Union africaine pour avoir l’endossement de la candidature du Burundi au niveau continental, ce qui a été fait. La Troisième Commission traite aussi des droits de l’homme en général, et particulièrement les droits civils et politiques, les droits socioéconomiques et culturels, le droit au développement, la promotion et la protection des femmes et des enfants, le racisme et la discrimination raciale. Elle analyse également les questions sociales ayant trait à la santé, aux personnes âgées, aux personnes handicapées, aux populations autochtones et aux migrations.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Cette élection est un grand honneur pour le Burundi et contribue à redorer son image de marque dans le concert des nations. En effet, la brillante élection du Burundi à la présidence de la Troisième Commission de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies marque le recouvrement de la confiance de la communauté internationale, car le Burundi a été élu à la quasi-unanimité. Un autre avantage est que le Burundi sera consulté sur certains sujets traités au sein de la Commission, qui est une des six grandes commissions de l’Assemblée générale des Nations unies, qui comptent 193 États membres. Être parmi les 6 pays sur 193 qui président ces six commissions, c’est un grand honneur pour le Burundi et ses citoyens. Cette élection permettra au Burundi de jouer le rôle qui lui revient dans la promotion des droits humains, les questions sociales et humanitaires, aux côtés des autres pays, comme un acteur engagé, respecté et respectueux des autres. Pour mémoire, le Burundi siège au Conseil des droits de l’homme depuis janvier 2024 et fait partie des 47 pays qui composent cet organe.
Quel rôle joue le Burundi dans le renforcement de la stabilité régionale ? Quelles relations entretenez-vous avec vos proches voisins ? Comment collaborez-vous pour renforcer la paix dans la sous-région ?
Le Burundi est un acteur majeur dans les processus de paix et la lutte contre le terrorisme dans le monde. Nous sommes engagés avec des troupes sur le terrain en Somalie, RCA et récemment en RDC, pour aider ces pays frères à restaurer la paix, la sécurité, la stabilité et l’autorité de l’État sur l’ensemble de leurs territoires. Pour le cas spécifique de la RDC, le Burundi a d’abord déployé des troupes dans le cadre régional sous le parapluie de la communauté de l’Afrique de l’Est, puis dans le cadre bilatéral à l’expiration du mandat de la force régionale est-africaine dans l’Est de la RDC le 8 décembre 2023. Sous le leadership éclairé de SE le Président Évariste Ndayishimiye, le Burundi a joué et continue de jouer un rôle majeur dans le processus de Nairobi et de Luanda, ainsi qu’au sein des instances EAC, CEEAC, CIRGL et SADC, pour restaurer la paix et la stabilité dans la partie Est de la RDC. L’expérience du Burundi et du Président Ndayishimiye en matière de résolution des conflits et les processus de réconciliation ont fait du Burundi un acteur important des processus de paix dans la région et au-delà. Le Burundi est devenu un exportateur de paix dans d’autres pays qui en ont besoin, et reste déterminé à poursuivre cette diplomatie de paix, comme sa contribution à la paix et à la protection des valeurs universelles partagées.
Quels sont vos principaux partenaires internationaux, notamment en termes de coopération au développement ?
Dans le cadre de la coopération Nord-Sud, les principaux partenaires du Burundi sont la Chine, les États-Unis, l’UE et ses États membres, le Japon, la Corée du Sud, la Russie.
Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, le Burundi entretient des relations privilégiées avec plusieurs pays pour l’échange d’expérience, expertise, bonnes pratiques et leçons apprises. Ces relations sont formalisées par la signature de plusieurs accords et memoranda d’entente dans des domaines d’intérêt commun, comme les secteurs économiques, sociaux et culturels.
Au niveau de la diplomatie multilatérale, nous avons des partenaires importants qui appuient les efforts du Burundi dans le développement socioéconomique à travers la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Il s’agit notamment des Nations unies et ses agences spécialisées, de la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds monétaire international (FMI) et d’autres banques et fonds des secteurs public et privé dans certains pays comme la Chine, l’Inde, les pays arabes, etc.
Récemment, le Maroc a annoncé son intention d’ouvrir une ambassade à Bujumbura. En quoi cet évènement symbolise-t-il le renouveau des relations diplomatiques du Burundi ? Quels nouveaux partenariats tissez-vous avec les États d’Asie ou du Moyen-Orient ?
Le Maroc a pris la bonne décision d’ouvrir son ambassade avec résidence à Bujumbura. Cette décision est intervenue après l’ouverture de l’ambassade du Burundi à Rabat. Le principe de réciprocité étant un principe fondamental en diplomatie, les deux pays frères l’ont respecté. Ces deux actes ont formalisé la volonté partagée des deux parties de renforcer et diversifier davantage les liens d’amitié et de coopération, non seulement entre les deux gouvernements mais aussi entre les deux pays. Depuis lors, les relations entre le Burundi et le Maroc ne cessent de se réchauffer, dans l’intérêt partagé de nos peuples respectifs.
Les relations entre le Burundi et les pays asiatiques et du monde arabe sont au beau fixe. Plusieurs accords, MoU (Memorandum of Understanding) et traités de coopération ont été signés par divers pays de cette partie du monde. C’est notamment le cas de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud, du Royaume d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Qatar, d’Oman, de l’Indonésie, de Singapour, du Bahreïn, des Maldives et de la Turquie.
Récemment, le Ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a effectué une visite au Burundi. Quelle place occupe la Russie parmi vos partenaires, et quelle position tenez-vous concernant le conflit en Ukraine ?
La Russie et le Burundi entretiennent des relations d’amitié et de coopération étroites depuis plus de 60 ans. Ces relations se manifestent dans plusieurs domaines d’intérêt commun comme l’éducation, le secteur de défense, le secteur minier, l’énergie et les soutiens mutuels dans les organisations internationales comme les Nations unies et ses agences. Le soutien inconditionnel de la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies durant la période où le Burundi était sous agression politico-diplomatique de certains acteurs étrangers a été sans précédent. En effet, toutes les tentatives pour déstabiliser le Burundi et l’enfoncer dans le gouffre ont été étouffées dans l’œuf par la Fédération de Russie. Le Burundi lui en sera toujours reconnaissant.
S’agissant de la situation en Ukraine, le Burundi a opté pour une position neutre, abstentionniste et de non alignement, en encourageant les acteurs du conflit à trouver une solution durable à travers les outils de la diplomatie que sont le dialogue, la coopération, la concertation et la négociation. Le Burundi se place toujours du côté des solutions et non des problèmes.