Si l’attractivité de l’Arabie saoudite a longtemps souffert d’une politique intérieure jugée trop restrictive par la communauté internationale, Mohammed ben Salmane entend faire du Royaume un pays d’influence à portée mondiale. Les projets se multiplient autour du plan Vision 2030 pour donner à l’Arabie saoudite une place centrale au Moyen-Orient.
Alice De Graeve
L’Arabie saoudite s’est longtemps reposée sur sa production pétrolière pour assurer sa santé économique. Pourtant, conscient de l’incertitude et l’instabilité qu’engendrent les variations du cours du pétrole, le Roi Mohammed ben Salmane, surnommé MBS, a fait le pari de la diversification économique et de l’émergence du pays sur la scène internationale.
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Un pari réussi : le FMI prévoit une croissance de 3,5 % en 2025, dépassant la moyenne mondiale prévue à 2,8 %. Le développement des activités non pétrolières, la maîtrise de l’inflation et les réformes sociales et sociétales permettent au Royaume de projeter des perspectives positives. Au regard des projets menés par le Gouvernement, le FMI anticipe une accélération de la croissance à hauteur de 3,9 % en 2026, avant une stabilisation à 3,3 % à moyen terme.
Dès 2016, le Gouvernement a mis en place la stratégie Vision 2030, un plan ambitieux et audacieux visant à réformer le modèle économique de l’Arabie saoudite. Ce plan poursuit trois objectifs principaux : la diversification de l’économie pour réduire la dépendance du pays au pétrole, l’amélioration de la qualité de vie des Saoudiens, et le renforcement de la position du pays à l’échelle mondiale. Le Royaume ambitionne, à terme, de surpasser le Qatar et les Émirats arabes unis, pour devenir la principale puissance économique et culturelle du Moyen-Orient.
Diversifier l’économie
Depuis la découverte de gisements de pétrole dans le sous-sol saoudien au début des années 1930, le Royaume a compté sur ses exportations pétrolières pour dynamiser son économie, devenant le principal producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Mais face à la montée des énergies renouvelables et à la hausse de la production de l’OPEP, le cours du pétrole connaît ces dernières années une baisse importante, qui devrait se prolonger. Le pays a réduit, en juin 2023, sa propre production, passant de 12 millions à 9 millions de barils par jour. Au regard de l’instabilité actuelle, une économie reposant majoritairement sur le pétrole n’est pas soutenable.
Cette mouvance perpétuelle des cours a motivé l’objectif de diversification de l’économie saoudienne. Dans le plan Vision 2030, MBS prévoit d’importants investissements dans les secteurs de l’extraction minière, du tourisme, de la culture, de la technologie et de l’innovation pour atténuer l’impact de la baisse du prix du pétrole. Au total, 600 chantiers ont été initiés dans le cadre de cette stratégie.
L’extraction minière est l’un des principaux piliers industriels du pays (après l’industrie pétrolière), selon le plan Vision 2030. Avec 5 % des réserves minières mondiales et 48 minéraux identifiés, le sous-sol saoudien est un trésor encore sous-exploité, dans lequel le Gouvernement compte bien investir dans les années à venir. En 2030, le secteur minier devrait participer au PIB du Royaume à hauteur de 70 milliards de dollars.
Dans le même temps, MBS souhaite que le pays s’impose comme leader de l’innovation au Moyen-Orient. De nombreux projets de centrales solaires et d’usines d’hydrogène, d’armement, d’automobiles ou encore de microprocesseurs ont été lancés. La ville nouvelle de Neom reste à ce jour la meilleure vitrine de cette volonté. C’est un projet de ville futuriste « linéaire » (qui s’étendra sur 170 km) qui devrait devenir un centre technologique et culturel alimenté exclusivement par des énergies renouvelables. Neom représente un défi colossal.
De plus, souhaitant faire du pays la destination touristique incontournable du Moyen-Orient, le Gouvernement a introduit, en 2019, un visa touristique facilitant l’accueil des visiteurs internationaux. Parallèlement, plus de 50 hôtels de luxe ont été imaginés sur le littoral de la mer Rouge. Le Royaume ambitionne notamment de devenir un haut lieu du tourisme sportif, comme en témoigne l’organisation d’évènements internationaux tels que le Grand Prix de Formule 1 de Djeddah, les Jeux asiatiques d’hiver qui se tiendront en 2029, ou encore la Coupe du monde de football en 2034. Pour devenir un territoire d’accueil de ces rencontres, l’Arabie saoudite a investi dans des infrastructures innovantes et coûteuses. Un lac d’eau douce et une station de ski artificiels sont en cours de construction au milieu du désert, et 11 nouveaux stades de football seront construits d’ici 2034.
Si le Gouvernement prévoit que la diversification économique permettra de garantir au Royaume une croissance stable, les nombreux projets menés dans le cadre de la Vision 2030 nécessitent d’importants investissements publics et étrangers.
Devenir un hub culturel
L’un des enjeux majeurs du plan Vision 2030 est l’essor du secteur culturel. Le Roi ben Salmane conçoit la culture comme un puissant moteur de l’innovation et du développement économique durable. La création d’un ministère de la Culture en 2019 atteste d’une volonté forte de développer ce secteur, qui fait partie des priorités du Gouvernement pour que l’Arabie saoudite devienne un centre régional d’influence.
L’année 2024 a marqué un tournant dans la poursuite des objectifs du plan Vision 2030. Le site archéologique de Al-Faw, situé dans la province de Riyad, est entré au Patrimoine mondial de l’Unesco, devenant le huitième site saoudien à rejoindre cette liste.
Au cours des dernières années, le Royaume a également développé des évènements culturels internationaux. La Biennale des arts islamiques et le Festival international du film de la mer Rouge commencent à attirer des amateurs d’art venus du monde entier. De plus, la Semaine de l’art de Riyad (Art Week Riyadh), organisée par la Commission des arts visuels et lancée en avril 2025, a réuni de nombreux artistes internationaux. Déployé sur 13 sites culturels de la capitale, cet évènement a permis de mettre en lumière la ville.
Pour accentuer l’essor du secteur culturel en Arabie saoudite, le Cultural Assets Group a été lancé en mai 2025. Réunissant 7 entreprises et plus de 20 marques saoudiennes, ce groupe vise à accélérer le développement des sociétés du secteur privé qui opèrent dans ce domaine. Ce sont plus de 250 professionnels qui se réunissent pour concevoir et construire des édifices culturels, imaginer et organiser des évènements, ou développer le secteur de la communication et du marketing. Basé à Riyad, le Groupe possède aussi des bureaux à Londres et à Paris, capitales culturelles mondiales, témoignant de sa vocation à participer au rayonnement international de l’Arabie saoudite.
Si le Royaume poursuit ses efforts sur cette voie, le secteur saoudien de la culture devrait, d’ici 2030, contribuer au PIB à hauteur de 3 % (soit 47,9 milliards de dollars), contre moins de 1 % à l’heure actuelle. Pour le pays, la croissance économique devrait donc en partie passer par le secteur culturel.