Né à Carcassonne, au cœur des remparts médiévaux du sud de la France, Marius Moragues a quitté son univers familier en 2015 avec pour seuls compagnons un appareil photo, un sac à dos et une curiosité insatiable. Ce qui devait être un simple voyage à travers l’Asie du Sud-Est s’est mué, au fil des rencontres et des paysages, en un véritable appel.
Ce contenu est réservé aux abonnés
L’Indonésie n’était pas prévue sur l’itinéraire. Elle s’est imposée comme une évidence, une force subtile qui l’a retenu et ne l’a jamais laissé repartir. Dans ses villages, ses rizières et ses îles éparpillées comme des rêves sur la mer, Marius a trouvé quelque chose qu’il ne pouvait nommer mais seulement ressentir : la chaleur des inconnus, la profondeur des traditions, la poésie du quotidien. Dix ans plus tard, il y est toujours.
Photographe autodidacte, il a façonné sa vision au rythme des routes empruntées, des mains serrées et des regards croisés. Ses portraits parlent à voix basse, mais avec gravité : visages marqués par la dignité, la fragilité et la vérité. Sous son objectif, l’oublié devient lumineux, l’ordinaire devient sacré.
En 2017, il donne un nom à ce voyage : « Imperfect Frame ». Plus qu’un projet, c’est un hommage vivant à l’âme culturelle de l’Indonésie. Soutenu par le ministère du Tourisme depuis 2018, « Imperfect Frame » célèbre et préserve à la fois, en archivant avec émotion le patrimoine vivant de l’archipel. Plus de 50 000 km parcourus à moto, plus de 100 000 clichés réalisés, d’innombrables sourires et silences partagés autour d’un café.
En 2022, Marius ouvre sa première galerie d’art au cœur d’Ubud, à Bali : « Ode à l’Indonésie ». Un lieu né de la gratitude, dédié à honorer le pays qui a transformé sa vie. Aujourd’hui, la galerie accueille voyageurs, collectionneurs et personnalités publiques, dont l’ancien gouverneur de Java occidental, Ridwan Kamil.
Ses œuvres ont trouvé place dans les pages de National Geographic Indonesia, Kompas, The Jakarta Post, IDN Times, MetroTV et bien d’autres médias. Mais pour Marius, la reconnaissance n’est pas une finalité. Ce qui le fait avancer, ce sont les routes encore inconnues, les rencontres, et cette quête inlassable de beauté — celle qui se cache dans les gestes simples, les rides, les éclats de rire et les rituels transmis de génération en génération.
Aujourd’hui installé à Bali, il partage son temps entre sa galerie et la route, à l’écoute du pays qui l’a adopté. En 2026, il poursuivra son expédition photographique à travers les Nusa Tenggara, ajoutant un nouveau chapitre à l’histoire en cours d’« Imperfect Frame ».
PROJET
« Imperfect Frame » n’est pas un simple projet photographique. C’est l’odyssée de toute une vie à travers le plus grand archipel du monde. Un pèlerinage artistique et spirituel mené par le photographe artiste français Marius Moragues, qui a choisi de documenter l’Indonésie, non pas à travers le prisme de la perfection, mais à travers le brut, le réel, et le profondément humain.
Né en 2017 et soutenu par le ministère indonésien du Tourisme, ce documentaire artistique parcourt, à moto, les huit régions principales du plus grand archipel au monde, à savoir : Java, Bali, les Petites Îles de la Sonde, Kalimantan, Sumatra, Célèbes, les Moluques et la Papouasie. Mais il ne s’agit pas d’un simple voyage sur la route. C’est une quête de sens, qui n’est pas guidée par des cartes, mais par les rencontres. Par les visages. Par la vérité.
Au cœur d’« Imperfect Frame », il y a la profonde volonté de rendre hommage au peuple indonésien, non comme de simples sujets photographiés, mais comme porteurs d’un héritage que le monde moderne est en train d’oublier. Leurs vies, ancrées dans la tradition et la simplicité, contiennent des fragments de sagesse que notre société matérialiste, hyperconnectée et obsédée par la performance a depuis longtemps enfouis.
Ce projet pose des questions que l’on évite souvent : « Et si les véritables trésors de notre monde ne se trouvaient pas dans les grandes villes, mais dans des villages introuvables sur GPS ? Et si ceux que l’on ignore détenaient en réalité les clés de notre humanité ? Et si la beauté n’avait jamais été affaire de symétrie, mais d’âme ? »
Chaque image d’« Imperfect Frame » est plus qu’une photographie : c’est un moment de présence, un dialogue entre deux mondes, un témoignage que l’imperfection n’est pas un défaut, mais une forme de grâce. Le visage marqué d’un ancien Papou. La joie résiliente d’un enfant de Sumba. Les éclats de rire résonnant dans une maison en bois à Sulawesi. Ce ne sont pas de simples visuels, mais des fenêtres ouvertes sur des vérités profondes.
Ce projet remet en question le culte de la perfection, l’obsession des chiffres et la froideur distante de la modernité. Il nous invite à réapprendre à voir, à ressentir, à croire que les histoires les plus extraordinaires se tissent souvent dans le silence, la boue, les rides, la bienveillance. Que le bonheur n’est pas le fruit de ce que nous possédons, mais de la façon dont nous vivons.
« Imperfect Frame » ose ouvrir une nouvelle esthétique, où chaque prétendu défaut devient la signature de l’authenticité. Il ne cherche pas les applaudissements, mais la transformation. Il veut secouer les âmes, éveiller les cœurs et rallumer l’étincelle de la connexion : aux autres, et à soi-même.
Car au fond, il ne s’agit pas seulement d’un hommage à l’Indonésie. C’est un miroir tendu à chacun d’entre nous. Et peut-être — juste peut-être — que l’avenir de notre monde réside dans les vérités oubliées de ceux qui n’ont jamais demandé à être connus.
« Un jour, quelque part sur la route, l’Indonésie a cessé d’être une destination. Elle est devenue mon chez-moi. »

Mbok Jamu
DKI Jakarta | 2016
L’histoire commence dans les ruelles animées de Jakarta, où l’artiste, passionné de paysages et de photographie de rue, croise cette vendeuse de jamu (élixirs traditionnels à base de plantes, réputés pour leurs vertus médicinales). L’harmonie des couleurs est saisissante : le payung (ombrelle) turquoise faisant écho à la façade, le sarong (pièce de tissu qui s’enroule autour du corps) aux teintes chaudes s’accordant aux portes en bois. Cette image, capturée au détour d’une marche, deviendra la toute première photographie que Marius vendra à la mère d’un de ses élèves, alors qu’il était encore professeur d’anglais. Un moment fondateur, un tremplin qui allait tracer la voie de sa carrière artistique.

Aisha
DKI Jakarta | 2017
Bien avant de maîtriser la langue indonésienne, l’artiste s’aventure dans le nord de Jakarta pour ses tout premiers portraits. Là, au cœur des ruelles et terrains vagues, il rencontre les enfants de la capitale, où l’énergie et la joie sont palpables. C’est en jouant au football avec eux, au milieu des quartiers précaires, qu’il apprend peu à peu la langue. Aisha, l’une de ses premières modèles, réalisait des tatouages au henné pour ses amies. Ce jour-là, elle en portait un elle-même. Son regard pétillant, mêlant joie et timidité, et sa main ornée d’un motif délicat incarnent ces beautés simples qui vont marquer durablement le style du photographe.

Escape
Java occidental | 2018
Peu à peu, l’artiste affine son art du portrait en allant à la rencontre des habitants. Dans un village traditionnel près de Tasikmalaya, à l’ouest de Java, il capture Risna, un instant de tendresse pure entre l’enfant et un poussin blotti contre sa joue. Cette image deviendra finaliste d’un concours en ligne organisé par National Geographic Asia sur le thème « Escape ». C’est dans ces terres javanaises que Marius ancre davantage sa pratique, donnant naissance à de plus en plus de portraits centrés sur l’enfance et les anciens, porteurs d’histoires et de mémoire.

Young Hero
Banten | 2018
Attiré par les rythmes et les atmosphères de la vie quotidienne, Marius développe un regard attentif aux détails et aux caractères propres à chaque village. Parmi ses approches favorites : capturer ses sujets de dos, dans un geste ou une marche qui raconte plus qu’un visage. Ici, « le garçon aux bananes », vêtu de noir et marchant pieds nus, incarne la simplicité et la force tranquille des Baduy, une communauté vivant à l’écart du monde moderne. Cette scène, figée lors de son plus long périple de 2018 à travers Java, demeure l’une de ses images emblématiques.

Mbah Warsinah
Java central | 2018
Au cours de ce même périple, Marius rencontre Mbah Warsinah, une femme de 93 ans dont la prestance et la dignité vont marquer son œuvre à jamais. Drapée dans une kebaya (blouse traditionnelle) et un sarong aux motifs éclatants, elle incarne à elle seule la force et la résilience de l’Indonésie, avec une grâce saisissante. Ce portrait, devenu l’un des plus emblématiques de l’artiste, ornera la couverture de son premier livre photos, Beyond Java. Depuis, il a été repris dans la majorité des articles et reportages où Marius bénéficie d’une couverture médiatique — presque choisi « par défaut » comme l’image-signature de son travail.

The Kretek Smoker
Banten | 2018
Marius se passionne rapidement pour un sujet récurrent à travers l’archipel : les fumeurs de kretek, ces cigarettes parfumées au clou de girofle. Chacun fume à sa manière, et l’artiste s’amuse à capter la danse unique de la fumée, reflet de la personnalité de son sujet. Parmi ses images les plus marquantes, The Kretek Smoker immortalise un vétéran de 92 ans rencontré dans les contrées isolées de la province de Banten. Ce portrait puissant, baigné de volutes blanches, est devenu l’une des pièces-phares de son portfolio.

Evi
Java occidental | 2022
En 2022, à l’issue d’un projet de livre photos commandé par le gouverneur de Java Ouest, Marius rencontre Evi, une jeune fille aux yeux d’un bleu saisissant : une rareté absolue dans l’archipel. Il décrit cette rencontre comme un heureux mélange de destin et de hasard. La photographie d’Evi, accompagnée d’une vidéo des coulisses, devient virale sur les réseaux sociaux et est rapidement reprise par la plupart des plus grands médias indonésiens. Un portrait unique qui restera comme l’un des instants les plus marquants de la récente carrière de l’artiste.

The Four Sisters
Java occidental | 2018
Toujours fasciné par les paysages et la beauté naturelle de l’archipel, Marius se laisse souvent guider vers les rizières, un sujet qu’il explore sans relâche, encore aujourd’hui. Ce matin-là, il croise quatre sœurs se rendant au travail, panier sur la tête, prêtes à commencer leur journée dans les champs. Pris sur l’instant, ce cliché marie une harmonie rare et réunit les symboles forts de l’Indonésie rurale : les palmiers et bananiers, le volcan en arrière-plan, et la petite cabane où les travailleurs font halte pour une pause bien méritée.

Takdir
Java oriental | 2018
Takdir, qui signifie « destin » en indonésien, est l’un des clichés emblématiques de l’artiste. Fidèle à son approche minimaliste, Marius compose ici une image où la force du sujet et sa posture se fondent dans un décor rural baigné d’une lumière atmosphérique. Cette femme, debout dans la rosée du matin et regardant droit devant elle, incarne la résilience du peuple indonésien et la détermination des communautés rurales à prendre soin de leur terre, saison après saison.

Arcadia
Bali | 2023
Toujours en quête de nouvelles perspectives, Marius s’attache à préserver et à sublimer la beauté de l’archipel. Ses travaux récents intègrent des vues panoramiques réalisées au drone, où chaque composition mêle symboles et éléments naturels pour inspirer son public. Arcadia, l’une de ses premières images aériennes, dévoile la nature dans toute sa splendeur, baignée d’une lumière exceptionnelle qui confère au panorama une dimension presque surréelle, épique.

Balinism
Bali | 2023
Lorsque Marius s’installe à Bali, il est immédiatement captivé par l’énergie et le mysticisme de l’île. Dans cette image, il joue avec les ombres et la lumière, enveloppant la scène dans une douce teinte dorée du matin. Capturée à l’aube de Kuningan, l’une des cérémonies balinaises les plus importantes, célébrée seulement tous les 210 jours, Balinism incarne cette énergie unique, à la fois spirituelle et profondément enracinée dans la vie quotidienne de Bali.

Berlima
Lombok septentrional | 2024
Parmi les œuvres issues de ses dernières expéditions, Berlima capture la force et la solidarité de cinq femmes dans une petite île de la Sonde. À l’aube, elles avancent d’un pas sûr pour défricher des champs de pastèques, incarnant l’assiduité et la résilience du monde rural. En arrière-plan, la silhouette majestueuse du mont Rinjani, deuxième plus haut volcan du pays, se dresse comme un gardien silencieux, conférant à la scène une dimension cinématographique.

Somnium
Lombok occidental | 2025
Dans cette vue aérienne, Marius révèle un canevas de couleurs et de formes d’une rare harmonie. Capturée dans les baies occidentales de Lombok, la scène déploie toute la beauté naturelle de la région : collines ondulantes, palmiers dansants et brume matinale se mêlent autour d’une maison rouge isolée. L’ensemble compose une image presque onirique, où la nature et l’architecture semblent se répondre en silence.