La République dominicaine a connu l’une des plus fortes croissances économiques de la sphère latino-américaine au cours des deux dernières décennies, avec un taux trois fois supérieur à la moyenne régionale, et son PIB par habitant est l’un des plus élevés. Cette bonne santé solidement établie, grâce notamment aux améliorations opérationnelles et de sécurité impulsées par la Direction générale des douanes (DGA), lui permet aujourd’hui de se positionner comme un hub logistique incontesté des Caraïbes.
Par Marie Forest
Depuis quelques années, la République dominicaine a pris d’importantes mesures pour consolider son statut de centre logistique international. Son objectif est double : attirer les investissements directs étrangers, et surtout saisir l’opportunité de s’affirmer comme une nation incontournable de la scène internationale en tirant parti de son plus grand avantage comparatif, à savoir sa position clé au carrefour des grands espaces géoéconomiques que sont l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe.
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Des chiffres parlants
En 2024 s’est tenu sur le territoire national un évènement axé sur le développement du secteur logistique, intitulé : « Hub République dominicaine : la grande opportunité d’un pays qui se transforme ». De fait, la transformation est déjà plus qu’amorcée. Les flux transfrontaliers sont en augmentation constante, le phénomène s’accentuant ces dernières années. Entre 2019 et 2023, le poids global du commerce extérieur est passé de 30,7 à 41 milliards de dollars, soit une majoration de 33 %. Sur la même période, les investissements directs étrangers, provenant pour 92 % des pays occidentaux, ont connu une croissance de 45 % pour s’établir à 4 390 millions de dollars.
Ces bons résultats sont à mettre au compte d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels la position géographique stratégique de la République dominicaine, l’importante connectivité de ses routes, ports et aéroports, et la forte expansion de ses zones douanières spéciales, ou « zones franches », qui ont atteint un record d’exportations en juin 2024, selon une publication de la DGA. Il s’agit aujourd’hui d’établir des liens solides avec les acteurs clés de la chaîne d’approvisionnement et les propriétaires de fret, afin de les inciter à choisir la République dominicaine comme centre de distribution par défaut et obtenir ainsi une augmentation significative des investissements étrangers. Cela permettrait également d’en faire un nœud vital dans le réseau commercial et logistique mondial.
États-Unis, Panama… des opportunités à saisir
La République dominicaine est le 3e partenaire commercial des États-Unis. Selon Global Commercial Real Estate Services (CBRE), 64 % des opérateurs logistiques 3PL (Third-Party Logistics) américains, qui fournissent des services d’entreposage en matière d’infrastructures, d’équipements et de ressources humaines, prévoient d’étendre leurs activités, 33 % d’entre eux se concentrant sur la côte est. Le cabinet de conseil JLL estime que le marché américain aura donc besoin de 1 000 milliards de pieds carrés (93 millions de mètres carrés) d’entrepôts logistiques supplémentaires en 2025.
C’est une opportunité de taille à saisir pour la République dominicaine, où le salaire minimum est six fois moins élevé que le salaire moyen des opérateurs d’entrepôts aux États-Unis, et le coût moyen de location d’un entrepôt deux fois et demie plus bas. Des avantages comparatifs en termes de coûts qui sont particulièrement attractifs pour les entreprises américaines qui cherchent à s’étendre. La Direction des études économiques et de l’analyse des données de la DGA a estimé que profiter de seulement 0,5 % de cette demande d’entrepôts permettrait de doubler la capacité actuelle des centres logistiques du pays (cf. encadré). Saint-Domingue peut donc se positionner comme un centre régional essentiel pour répondre aux besoins exprimés.
Les États-Unis soutiennent par ailleurs l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD), une initiative de coopération entre la République dominicaine, le Panama, le Costa Rica et l’Équateur. Lors de son 3e Sommet, qui s’est tenu à Panama en décembre 2024, il a été question des chaînes d’approvisionnement régionales. Le Ministre dominicain de l’Industrie, du Commerce et des Micro, petites et moyennes entreprises Víctor (Ito) Bisonó s’est à cette occasion entretenu avec le Ministre des Affaires du canal de Panama, Jose Ramón Icaza Clément, et l’Administrateur de l’Autorité du canal de Panama, le Dr Ricaurte Vásquez Morales, sur le renforcement de la connectivité entre les deux pays, un enjeu majeur pour Saint-Domingue, 5 % de la production mondiale transitant par le Panama.
L’impact sur le secteur des dispositifs médicaux
Être un centre logistique d’importance peut également favoriser certains pans de l’économie, notamment dans le secteur industriel. C’est ce que révèle l’étude conjointe de la DGA dominicaine et de la Chambre de commerce américaine de la République dominicaine (AmChamDR) intitulée « Étude du segment des hubs ». Il en ressort que le pays, après avoir défini les domaines à prioriser et à renforcer, a affiné ses capacités logistiques et de fabrication, se spécialisant dans la production d’instruments médicaux. Ces derniers constituent des produits phares des exportations nationales, la République dominicaine en étant le principal fournisseur en Amérique centrale et dans les Caraïbes (ils représentent 70 % des échanges dans la région, selon Daniel Peña, directeur adjoint de la Technologie de la DGA).
Un cercle vertueux
Les efforts fournis par la DGA en direction de l’écosystème logistique au travers de l’optimisation des processus douaniers profite aux acteurs directs — infrastructures de transport, opérateurs, industriels, entreprises d’import-export… —, mais aussi à la population dans son ensemble par l’augmentation des recettes perçues et la création d’emplois que cela génère.
La République dominicaine est aujourd’hui une plaque tournante logistique consolidée. Ce secteur pourrait bien être le nouveau moteur de la croissance économique nationale, le Chef de l’État Luis Abinader ambitionnant d’aller encore plus loin et de transformer le pays en « nation logistique ». Les orientations récemment prises par la DGA, fer de lance de cette vision politico-économique, en sont la meilleure illustration.
Le formidable potentiel de l’immologistique
Avec l’essor extraordinaire du commerce en ligne depuis une douzaine d’années, un nouveau champ d’investissement s’est ouvert. En effet, pour répondre à la demande des consommateurs le e-commerce nécessite des infrastructures d’envergure, notamment en termes de centres de distribution, d’entrepôts et d’implantations logistiques pour stocker, traiter et expédier les produits. Le secteur immobilier consacré au domaine logistique, appelé l’« immologistique », est en pleine expansion : entre 2018 et 2023, les placements sur ce marché porteur ont crû de 65 %.
Sa proximité géographique avec les États-Unis fait de la République dominicaine un partenaire stratégique, idéal pour optimiser la planification des stocks et minimiser les risques de la chaîne d’approvisionnement. L’attrait du pays caribéen tient aussi à la modicité de ses coûts logistiques par rapport à ceux de son puissant voisin. La réalisation du potentiel du secteur de l’immologistique en République dominicaine pourrait faire doubler les investissements étrangers sur son sol.