Le Burundi, pays enclavé de l’Afrique de l’Est, se positionne de plus en plus comme un hub géostratégique pour les infrastructures de transport dans la sous-région. En particulier, le projet de construction d’une ligne ferroviaire reliant le pays à la RDC et à la Tanzanie est perçu comme une initiative cruciale pour stimuler l’économie régionale. Ce projet ambitieux permettra de concrétiser le potentiel de développement du secteur minier et des échanges commerciaux inter-pays.
Par Rafik Ammar
Le projet de ligne ferroviaire
L’idée de créer un réseau ferroviaire pour relier le Burundi à ses voisins est née de la nécessité pressante de désenclaver le pays et de faciliter l’exportation de ses ressources naturelles. Les discussions formelles sur ce projet ont débuté dans les années 2010, avec la signature de plusieurs accords de coopération entre les nations de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE). La Tanzanie, avec son accès direct à l’océan Indien, a été identifiée comme un partenaire clé, offrant une route maritime essentielle pour les exportations burundaises. En 2013, une étude de faisabilité a été commanditée pour évaluer la viabilité technique et économique du projet. Elle a mis en lumière ses avantages potentiels mais aussi ses défis, notamment en termes de financement et de coordination interétatique.
Le Plan national de développement (PND) 2018-2027 du Burundi, révisé en 2024, identifie la modernisation des infrastructures de transport comme un axe stratégique majeur pour atteindre les objectifs de développement durable. Dans ce contexte, la construction d’une ligne ferroviaire transfrontalière est envisagée non seulement comme une solution pour réduire les coûts de transport, mais aussi comme un moyen de faciliter les échanges commerciaux et d’intégrer davantage le Burundi dans les circuits économiques régionaux et mondiaux.
La ligne ferroviaire proposée reliera le Burundi à la République démocratique du Congo (RDC) et à la Tanzanie, créant un corridor de transport efficace pour les exportations et importations. Ce projet est particulièrement pertinent pour le développement du secteur minier burundais, constitué de ressources naturelles telles que l’or, les terres rares, le nickel et le coltan. En facilitant l’accès aux marchés internationaux, le chemin de fer pourrait transformer ce secteur en une source majeure de revenus pour le pays, tout en attirant des investissements étrangers. Le projet comprend également la construction de stations de fret modernes et de points de connexion aux ports tanzaniens, permettant une logistique fluide pour les exportations.
Faire face aux enjeux géopolitiques et aux défis techniques
Le projet de ligne ferroviaire s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe. De plus, il faut tenir compte de la complexité des aspects techniques concernant la construction d’une telle infrastructure dans une région aux terrains variés et souvent accidentés. Le financement du projet, estimé à plusieurs milliards de dollars, nécessite également une coordination efficace entre les gouvernements, les investisseurs privés et les institutions financières internationales.
Défis techniques et bénéfices du projet ferroviaire
Le projet ferroviaire visant à relier le Burundi à la RDC et à la Tanzanie présente plusieurs défis techniques. Les conditions géographiques, avec des terrains accidentés et des zones sujettes aux glissements de terrain, compliquent sa réalisation. De plus, la nécessité de construire des infrastructures résilientes aux aléas climatiques, notamment les inondations, est une priorité. Le financement, estimé à environ 3,5 milliards de dollars, est un autre défi majeur, nécessitant une mobilisation significative de ressources nationales et internationales, c’est pourquoi la coordination entre les trois pays concernés pour harmoniser leurs normes et leurs politiques de transport représente également un point central de l’opération.
Cependant, ce projet pourrait stimuler l’économie régionale de manière significative. La mise en place de cette ligne ferroviaire permettrait de réduire les coûts de transport de 30 %, rendant les exportations et importations plus compétitives. Il est estimé que le secteur minier pourrait voir sa production augmenter de 20 % grâce à un accès amélioré aux marchés internationaux. En outre, le projet est susceptible de créer plus de 10 000 emplois directs et indirects, contribuant ainsi à la réduction du chômage. L’amélioration des infrastructures de transport facilitera également les échanges commerciaux, augmentant les recettes fiscales de l’État d’environ 5 % par an. Enfin, la diminution des délais de transport pourrait encourager l’intégration économique régionale, renforçant les liens commerciaux et politiques entre pays voisins.
Ces projections montrent que le projet ferroviaire a le potentiel de transformer le Burundi en un hub logistique essentiel pour désenclaver la sous-région, tout en améliorant les conditions de vie des populations locales et en renforçant la stabilité économique du pays.
Perspectives de développement et impact économique
Le PND vise à transformer le pays en un acteur économique majeur de la région Afrique de l’Est à l’horizon 2030. Ce plan ambitieux s’articule autour de plusieurs axes stratégiques, dont l’amélioration des infrastructures, la diversification économique, la promotion de la bonne gouvernance et de la paix, ainsi que le développement des ressources humaines. Le projet ferroviaire est l’un des piliers essentiels de ce plan.
En plus du développement des infrastructures de transport, le PND met un accent particulier sur l’éducation et la formation professionnelle, visant à créer une main-d’œuvre qualifiée capable de répondre aux exigences d’une économie moderne. Il inclut également des initiatives pour renforcer les institutions publiques, promouvoir l’égalité des genres et protéger l’environnement.
L’Agenda 2030 prévoit une série de réformes économiques et sociales pour améliorer la qualité de vie des Burundais. Parmi les objectifs figurent l’augmentation du taux de scolarisation, l’amélioration des services de santé, ou encore la réduction de la pauvreté grâce à des initiatives de développement rural et urbain. La réalisation de ces objectifs dépendra en grande partie de la capacité du Gouvernement à mobiliser les ressources financières et humaines nécessaires, ainsi qu’à maintenir la stabilité politique et sociale.
Le projet de ligne ferroviaire aura certainement un impact significatif sur le Burundi, et au-delà. Cette initiative ambitieuse pourrait définitivement transformer le paysage économique de la région. Cependant, sa réalisation dépendra de la capacité des États à surmonter les défis géopolitiques et techniques qui s’annoncent, ainsi qu’à mobiliser les ressources financières nécessaires. Si ces obstacles sont franchis, le Burundi pourrait devenir un véritable hub géostratégique.
En somme, le projet ferroviaire ne se limite pas à une simple infrastructure de transport ; il représente une opportunité pour le Burundi et ses voisins de se positionner comme des acteurs économiques dynamiques en Afrique de l’Est. Les retombées potentielles, tant économiques que sociales, font de ce projet un élément central des stratégies de développement à long terme des pays concernés.




