Pour Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, l’heure des comptes n’a pas encore sonné. Mais, 3 ans presque jour pour jour après son installation au Palais de la Nation – siège de la présidence de la RDC –, une évaluation s’impose pour apprécier la distance parcourue. Et surtout appréhender le chemin qui reste à faire. Ce n’est pas une sinécure pour ce pays-continent (4 fois la France et 80 fois la Belgique), où la frontière entre urgences et priorités est ténue. Gros plan sur les défis qui se dressent encore devant le Président Tshisekedi à 2 ans de la fin de son quinquennat.
Par Mudang Nzam
Quel que soit son président, la RDC se résumera longtemps à l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Face à l’énormité des défis à relever – faiblesse de l’autorité de l’État avec l’insécurité comme corollaire, extrême pauvreté, délabrement avancé et insuffisance du réseau routier… –, des indicateurs macroéconomiques flatteurs attestent bel et bien d’un « léger mieux » à mettre au crédit de la gouvernance de celui que les Congolais appellent affectueusement « Fatshi béton ».
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Des chiffres flatteurs
D’après la Banque mondiale, l’Indice de développement humain s’est amélioré de 2 %. Le PIB réel a enregistré une progression de 4,1 % en 2021, contre 1,7 % en 2020. Le FMI table sur une croissance économique de 6,4 % en 2022, alors que la moyenne en Afrique subsaharienne sera de 3,9 %. L’inflation a été ramenée de 15,7 % en 2020 à 5, 2 % en 2021. Longtemps abonné à des budgets en dessous de 5 milliards de dollars en ressources propres, le pays a présenté une loi de finances de 10 milliards, dont 6 milliards en moyens propres. Au cas où cette prévision budgétaire se réaliserait, cela constituerait à la fois une première et un exploit en termes absolus. Même si, proportionnellement à la taille du pays et à sa démographie (environ 100 millions d’habitants), ce budget est très loin d’être à la hauteur des défis à relever. Comme pour couronner cette embellie, Kinshasa a renoué avec le FMI, via le Programme économique triennal, appuyé par la Facilité de crédit rapide (FCR) à hauteur de 1,52 milliard de dollars. Il s’agit, en fait, d’un nouveau programme formel après 10 ans d’interruption.
À l’origine de ce début de success story, la peur du gendarme consécutive à la patrouille financière menée notamment par l’Inspection générale des finances (IGF), sous l’impulsion du Président Tshisekedi, sur le front de la lutte contre la corruption. Les arrestations spectaculaires de certains hauts dirigeants ― dont l’ancien directeur de cabinet du Chef de l’État, Vital Kamerhe, en libération conditionnelle depuis ― ont eu pour effet d’atténuer le pillage des recettes publiques, fiscales comme non fiscales. Les mandataires publics (directeurs généraux des entreprises d’État) confient à l’unisson que les temps ont changé. À savoir que l’impunité n’a plus cours… légal.
Conscient des défis himalayens qui se dressent devant lui, le Président congolais vient de s’attaquer aux principaux goulots d’étranglement qui depuis longtemps bloquent le décollage du pays.
Le préalable sécuritaire
Le rétablissement de la sécurité dans l’est de la RDC constitue l’un des axes majeurs de la politique du Gouvernement. Pour éradiquer les groupes armés, dont les tristement célèbres Forces démocratiques alliées (ADF), le Président a institué, en mai 2021, l’état de siège. Ce régime d’exception a permis de réduire le périmètre d’influence mortifère des rebelles ougandais. Plusieurs de leurs gourous locaux ont été capturés.
Pour mettre toutes les chances du côté congolais, Kinshasa a résolu de mener des opérations militaires conjointes avec Kampala. Ce qui est logique. Face à une terreur commune, les deux armées (Forces armées de la République démocratique du Congo [FARDC] et Forces de défense du peuple ougandais [UPDF]) se devaient de mutualiser leurs moyens. Les opérations en cours incitent à l’optimisme.
« I » comme infrastructures
On pourrait reprendre à notre compte la célèbre phrase-constat de l’explorateur britannique Henry Morton Stanley et estimer que le Congo ne vaut pas un penny sans les routes, l’eau et l’électricité. Assurer le maillage du pays en vue de sa nécessaire articulation socioéconomique demeure le principal défi du Président Tshisekedi. En visite fin décembre – début janvier dans le Grand Kasaï ― région dont il est originaire ―, le Chef de l’État a pu constater personnellement la prégnance du déficit d’infrastructures. Il a mis par exemple près de 10 heures pour parcourir les 150 km qui séparent Mbuji-Mayi, capitale provinciale du Kasaï oriental, de Kabinda, chef-lieu de la province voisine de Lomami.
Autre défi que Félix Tshisekedi a expérimenté dans sa chair, la double carence en eau et en électricité. Partout où il est passé, le Président a entendu le même refrain : mayi et nzembwa (eau et électricité, dans la langue locale, le tshiluba). L’absence d’énergie fait que les investisseurs ne se bousculent pas au portillon d’une région pourtant riche pour le génie de son peuple, pour son sol et pour son sous-sol qui recèle des diamants, pierres précieuses dont Mbuji-Mayi fut la capitale mondiale avec la légendaire entreprise Miba.
Pour boucler la boucle des défis touchés du doigt par le numéro 1 congolais, il faut mentionner la santé et l’éducation.
Au Kasaï comme partout ailleurs
Même si c’est à des degrés divers, le problème du manque d’infrastructures se pose et s’impose comme le principal défi à relever par le Gouvernement dans la quasi-totalité des provinces. Loin de le décourager, ces difficultés structurelles et conjoncturelles constituent autant de stimuli pour le Président Tshisekedi, qui a entrepris d’y répondre avec notamment le projet Tshilejelu pour les infrastructures à Kinshasa et au Kasaï, ainsi qu’avec le Programme de développement des 145 territoires.
Le réveil du géant africain n’est plus une vue de l’esprit. Panafricaniste, le Président en exercice de l’Union africaine, Félix Tshisekedi, a la métaphore de Frantz Fanon chevillée au cœur : « L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo. »