L’Indonésie est l’un des pays du monde présentant la plus grande diversité culturelle, un fait qui a acquis une nouvelle dimension sous la direction de son ministère de la Culture, devenu récemment indépendant. À une époque où la diplomatie culturelle joue un rôle de plus en plus vital dans les relations internationales, le Ministre indonésien de la Culture se présente en leader visionnaire, portant haut la « méga-diversité » du pays sur la scène mondiale.
Par Feliana Citradewi
Fadli Zon apporte à sa fonction de Ministre de la Culture une association exceptionnelle de profondeur intellectuelle, de défense de la culture et d’autorité politique en faveur de la reconnaissance de cette dernière. Écrivain prolifique, historien et poète, il a consacré sa carrière à la conservation du riche patrimoine de l’Indonésie, tout en se faisant le champion de sa place dans le paysage mondial. Avant d’assurer son poste ministériel, Fadli Zon était déjà connu pour ses contributions en tant que vice-président de la Chambre des représentants indonésienne (2014-2019), où il joua un rôle clé en diplomatie législative et dans l’élaboration des politiques nationales. En dehors de la politique, il est une figure culturelle emblématique, étant l’auteur de plus de 50 ouvrages traitant de littérature, d’histoire et de pensée politique.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Son profond engagement en faveur de la préservation de la culture est à l’origine de la Fadli Zon Library qu’il a fondée, et est reflété dans sa très riche collection de manuscrits et d’objets historiques indonésiens, faisant de lui le gardien de la mémoire nationale. Une formation en relations internationales à l’Université d’Indonésie, suivie par des études à la London School of Economics, est à l’origine de son approche de la culture comme étant à la fois un outil de soft power et un pilier de l’identité nationale.
Le Ministre Fadli Zon parle couramment de nombreuses langues et représente activement l’Indonésie dans les forums culturels internationaux, pour promouvoir le dialogue interculturel et renforcer la diplomatie globale du pays. Au travers de son leadership nouvelle manière, il redéfinit le récit culturel national, s’assurant que la diversité de son patrimoine inspire non seulement de la fierté à la population, mais également de l’admiration et du respect sur la scène mondiale.
Une nouvelle ère d’indépendance culturelle
« Nous avons à présent un ministère de la Culture indépendant pour la première fois, établi sous l’administration du président Prabowo Subianto », explique le Ministre avec une évidente fierté. Ce tournant historique représente bien plus qu’une restructuration administrative ; il indique l’engagement de l’Indonésie à faire de la culture la pierre angulaire de son développement national et de sa diplomatie internationale.
Le champ d’application du ministère englobe une gamme impressionnante d’expressions culturelles, allant de la préservation du patrimoine traditionnel à l’innovation artistique contemporaine. « Nos expressions culturelles s’étendent d’Aceh à la Papouasie, de Sabang à Merauke, de Nangka à l’île de Rote ; la diversité est extraordinaire », note Fadli Zon, soulignant l’incroyable étendue du paysage indonésien.
Une richesse inégalée
Les statistiques concernant la richesse culturelle de l’Indonésie sont impressionnantes. Actuellement, 2 213 articles apparaissent dans la base de données du Patrimoine culturel immatériel national, et 60 000 éléments supplémentaires ont été documentés dans l’archipel. Si seulement 16 articles sont inscrits sur la liste de l’Unesco en raison de limitations institutionnelles, cela ne représente que la partie émergée d’un énorme iceberg. « Nous l’appelons « Mega Diversity » », dit le Ministre — un terme qui résume parfaitement la pluralité de la culture, entre arts de la scène, danses traditionnelles, textiles, traditions culinaires et autres innombrables expressions de la créativité humaine qui ont prospéré à travers les milliers d’îles d’Indonésie (dont des centaines sont habitées).
Civilisations anciennes, héritage intemporel
L’importance culturelle de l’Indonésie s’étend bien au-delà de la diversité contemporaine, ayant hébergé l’une des plus anciennes civilisations de l’humanité. Des découvertes archéologiques ont révélé un trésor du patrimoine : 60 % des fossiles d’Homo erectus trouvés dans le monde l’ont été à l’intérieur des frontières indonésiennes, certains datant de 1,8 million d’années. Peut-être plus remarquable encore, des recherches récentes ont identifié les plus anciennes peintures rupestres connues dans le monde, vieilles de 51 200 ans, à Maros Pangkep. « Il y a là environ 702 peintures anciennes, révèle Fadli Zon, et 2 500 autres à Kalimantan, et d’autres découvertes encore en Papouasie, à Sumatra, et dans d’autres endroits. », qui font de l’Indonésie un centre essentiel de l’expression artistique humaine ancienne.
Diplomatie culturelle stratégique et écosystèmes
Considérant la culture comme un soft power essentiel, le ministère a établi trois départements clés pour maximiser l’impact de l’Indonésie dans le monde. Il s’agit du Département de la protection culturelle et de la tradition, qui couvre la préservation du patrimoine, les musées, l’histoire et les droits de propriété intellectuelle ; du Département général pour la promotion culturelle, la coopération et la diplomatie ; et du Département général pour le développement, l’exploitation et l’orientation, englobant la musique, le cinéma, les arts, la culture numérique et la gestion des talents. « Notre mandat constitutionnel est de promouvoir la culture nationale indonésienne dans la civilisation mondiale », souligne le Ministre, citant l’article 32, paragraphe 1 de la Constitution indonésienne. Cette base légale fournit à la fois une direction et une obligation à l’ambition d’influence internationale du ministère.
Au-delà de la conservation des traditions, l’approche de la promotion culturelle s’étend au développement des écosystèmes. Dans le domaine du cinéma, par exemple, le ministère soutient activement les cinéastes indonésiens dans les festivals internationaux, dont Cannes, Berlin, Rotterdam, Toronto et Busan. « Nous construisons des écosystèmes pour le cinéma, la musique et la littérature pour augmenter leur visibilité sur la scène internationale », explique Fadli Zon. Cette approche englobe toutes formes d’expression culturelle, des traditionnels arts de la scène et danses à la culture numérique contemporaine. Le ministère gère 469 musées dans tout le pays, allant des institutions nationales aux collections privées, tous contribuant au récit culturel de l’Indonésie.
Encadré – Fin
Le partenariat France-Indonésie
Le récent 75e anniversaire de l’amitié Indonésie-France a ouvert de nouvelles voies de collaboration culturelle. Pendant la visite du président Macron à Jakarta et Borobudur, six accords ont été signés, couvrant différentes formes de coopérations incluant des partenariats en coproduction de films, en collaboration muséale et en mode.
« Le cinéma est une plateforme qui contient de nombreuses expressions culturelles : le théâtre, la danse, la musique, la littérature, les traditions orales, et même les arts culinaires et la mode, observe le Ministre. Il est l’un des moyens les plus rapides pour présenter notre culture au reste du monde. » Le partenariat avec le Centre national du cinéma et de l’image animée français (CNC) est un exemple de cette approche stratégique, car il crée des opportunités pour le cinéma indonésien de toucher des publics européens, tout en favorisant les échanges créatifs entre les deux nations.
Reconnaissance mondiale et succès viral
La diplomatie culturelle indonésienne a déjà remporté un succès remarquable, à en juger par le phénomène viral du Pacu Jalur, une course traditionnelle de bateaux qui a captivé des publics internationaux. « Des clubs de football et des célébrités internationales se sont mis à imiter les mouvements de danse des participants au Pacu Jalur, rappelle Fadli Zon avec satisfaction. Ce petit exemple montre à quel point nos expressions culturelles ont un énorme potentiel pour participer à notre contribution à la civilisation mondiale. » Une influence naturelle qui reflète la vision plus large du ministère de « globaliser [la] culture » indonésienne et de créer des « vagues » indonésiennes, en prenant exemple sur le phénomène coréen. L’émergence de la « I-pop », à côté de la « K-pop », montre l’influence culturelle grandissante du pays et le succès du ministère dans la promotion de la créativité indonésienne contemporaine.
Vision d’avenir
Pour l’avenir, le Ministre envisage de faire en sorte que les contributions culturelles de l’Indonésie deviennent de plus en plus visibles : « Nous voulons faire de la culture un élément de notre force diplomatique sur la scène internationale. À travers le cinéma, la musique, les arts traditionnels et contemporains, nous voulons que nos artistes et professionnels de la culture, ainsi que leurs œuvres, soient reconnus par le monde. » Les plans ambitieux du ministère incluent des projets de documentation historique exhaustive, couvrant d’importants royaumes comme ceux de Majapahit et Sriwijaya, pour « réinventer l’identité indonésienne » et « réécrire [son] histoire ». Le but de ces initiatives est de montrer que l’Indonésie est le berceau de l’une des plus anciennes civilisations de l’humanité, et de donner à celle-ci la place qu’elle mérite dans la conscience culturelle mondiale.
Développement culturel collaboratif
Fadli Zon estime que « la promotion de la culture ne se limite pas au travail du Gouvernement, elle doit impliquer toutes les parties, y compris les professionnels de la culture, les activistes culturels et les défenseurs de la culture, à travers tous les secteurs culturels existants ». Cette vision inclusive souligne le fait que le ministère reconnaît que le développement culturel prospère dans les partenariats et l’engagement commun, alors que la création d’un ministère dédié indépendant marque un changement radical en ce que la culture est désormais considérée comme essentielle au développement durable national.
Sous la direction ambitieuse du Ministre Fadli Zon, l’Indonésie utilise son extraordinaire « méga-diversité », couvrant des millénaires de civilisation, comme un puissant outil diplomatique pour contribuer au discours culturel mondial. Son approche exhaustive, combinant la préservation du patrimoine et l’innovation contemporaine, les arts traditionnels et le numérique, la fierté nationale et la collaboration internationale, offre un modèle pour la diplomatie culturelle du XXIe siècle. Tandis que l’Indonésie continue de construire son écosystème et de renforcer ses partenariats, l’on peut s’attendre à ce que sa renaissance culturelle captive des publics de tous horizons. Sa diplomatie stratégique garantit au pays non seulement de préserver son passé, mais aussi de façonner activement son futur rôle dans la civilisation mondiale, ajoutant sa richesse au patrimoine culturel partagé de l’humanité.