Massad Boulos a été nommé en avril 2025 conseiller principal pour l’Afrique, au sein du département d’État des États-Unis (l’équivalent du ministère des Affaires étrangères). Cet Américain d’origine libanaise, rompu aux arcanes diplomatiques, incarne désormais la voie politique et commerciale de Donald Trump sur ce continent. Portrait et actions d’un homme pragmatique engagé dans le renforcement des relations entre les USA et le continent africain..
Par Marie Forest
Le nouveau conseiller principal pour l’Afrique de Donald Trump a des origines et un parcours éclectiques. Homme d’affaires et personnage politique, issu d’une famille libanaise influente, possédant des intérêts économiques au Nigéria, lié du côté de sa femme à de nombreuses entreprises en Afrique de l’Ouest, vivant aux États-Unis… Il possède une quadruple nationalité : américaine, libanaise, française et nigériane. Ces diverses influences lui permettent de faire le lien entre les continents, et entre diplomatie et politique économique.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Homme d’affaires et homme politique
Massad Boulos a commencé sa carrière professionnelle dans le monde des affaires, au Nigéria. P-DG de l’entreprise SCOA, qui opère dans le secteur automobile, il maintient cette activité quand il se lance en politique.
C’est d’abord au Liban, dont il est originaire, qu’il milite, au sein du Courant patriotique libre (CPL). Des tensions internes l’en éloignent, et le font se tourner vers les Forces libanaises (FL), mouvement lui aussi laïc mais à majorité chrétienne, puis soutenir Sleiman Frangié à l’élection présidentielle de 2022. Gardant cependant sa liberté de pensée, Massad Boulos se veut au-dessus des partis politiques libanais.
Aux États-Unis, où il étudie puis s’installe durablement, il se lance vraiment dans la politique. Il soutient George W. Bush pour le poste de gouverneur du Texas dès 1994. En 2019, il est aux côtés de Donald Trump, et s’implique plus activement lors de la campagne présidentielle de 2024.
Arrivé au pouvoir, le Président Trump le nomme haut conseiller pour le Moyen-Orient et les affaires arabes, le 1er décembre 2024. Massad Boulos avait, le mois précédent, participé à l’accord de cessez-le-feu israélo-libanais, sa nationalité et ses origines libanaises le rendant particulièrement légitime pour cette négociation. Le 2 avril 2025, il devient conseiller principal pour l’Afrique. En quelques mois, il réussit à s’imposer comme un interlocuteur de choix auprès des chefs d’État africains et à développer des relations cordiales et amicales avec plusieurs dirigeants africains, qui apprécient sa simplicité, son côté direct et son affection pour le continent.
Tournée africaine
Le nouveau « Monsieur Afrique » des États-Unis va devoir mettre en œuvre la politique américaine, dont le but est d’intensifier les échanges intercontinentaux diplomatiques et économiques. Sitôt nommé, il a entamé en avril une tournée qui l’a mené en Afrique subsaharienne.
Sa première destination a été la RDC, où la question sécuritaire reste prégnante dans la région de l’est, aux mains du groupe armé M23. Or, l’établissement d’entreprises américaines sur le sol congolais ne peut se faire sans une paix durable. Il est donc nécessaire d’arriver à une stabilité, notamment pour que les discussions en cours entre les États-Unis et la RDC pour des partenariats en vue de l’exploitation des minerais congolais — un domaine crucial pour les deux pays— se concrétisent. Pour tenter d’y parvenir, Massad Boulos et le Président Félix Tshisekedi se sont vus à Kinshasa afin de discuter de la situation.
L’étape suivante du conseiller principal pour l’Afrique a logiquement été le Rwanda, soupçonné de soutenir le M23. Une rencontre avec le Président Paul Kagame a permis d’évoquer l’instauration d’une paix durable dans la région des Grands Lacs, et les opportunités d’investissement au Rwanda. Pour Massad Boulos, une solution pacifique au conflit en cours est primordial, « qui permette aux pays de sécuriser leurs frontières et poser les bases d’une économie régionale florissante ».
Au mois de juin, il va, avec l’aide du Qatar, faire office de médiateur entre la RDC et le Rwanda, amenant les deux États à signer à Washington un cessez-le-feu décrétant « le respect de l’intégrité territoriale et l’arrêt des hostilités » en RDC, ainsi que le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais dans les trois mois. Le déplacement de Massad Boulos s’est poursuivi au Kenya et en Ouganda.
Diplomatie subsaharienne
Le « Monsieur Afrique » américain a poursuivi ses actions diplomatiques en direction de l’Afrique subsaharienne en se rendant au mois de mai au Gabon, où il a été reçu par le Président Brice Oligui Nguema. Les échanges ont porté sur la relance des relations bilatérales, une proposition d’aide de Washington d’accompagner les efforts du Gabon sur le sujet du développement durable, et les grands principes à suivre pour le bon déroulement des affaires : stabilité règlementaire, innovation et ouverture.
Donald Trump a organisé du 9 au 11 juillet à Washington le 1er sommet africain, réunissant les Chefs d’État du Gabon, du Sénégal, de la Mauritanie, du Libéria et de la Guinée-Bissau. Un sommet qui est « une opportunité d’approfondir notre engagement dans le paysage économique africain », a déclaré Massad Boulos. Le virage politique pris mène à une diminution de l’aide publique au développement au profit de partenariats commerciaux gagnant-gagnant. Le secteur des minerais critiques, très présents sur le sol africain, sont au cœur des enjeux.
Échanges avec le Maghreb
Après l’Afrique subsaharienne, c’est vers l’Afrique du Nord que s’est tourné Massad Boulos. En effet, le Maghreb représente une opportunité stratégique pour Washington. Le conseiller principal pour l’Afrique s’est rendu le 22 juillet en Tunisie, et a rencontré le Président Kaïs Saïed. Ce dernier a tenu à parler de la situation dramatique en Palestine, avant d’échanger sur la coopération bilatérale et la nécessité de « relancer un commerce juste et réciproque ».
Le lendemain, le « Monsieur Afrique » américain s’est envolé pour la Libye, où il a appelé les deux camps rivaux à entrer en négociation pour mettre fin à la paralysie politique du pays. Il a pu s’entretenir avec le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah. Un accord d’infrastructures de 235 millions de dollars entre la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) et la firme américaine Hill International a été conclu. Les discussions ont également porté sur un partenariat évalué à 70 milliards de dollars dans les domaines de l’énergie, des mines, des infrastructures, des télécommunications et de la santé.
En Algérie, les thèmes abordés avec le Président Abdelmadjid Tebboune ont aussi été sécuritaires (au niveau global de la région) et commerciaux (principalement dans le secteur de l’énergie). Les hydrocarbures représentent en effet plus de 80 % des exportations algériennes vers les États-Unis, et restent exonérés de taxes. Des exemptions de taxes pourraient également porter sur d’autres produits, en échange d’un meilleur accès au marché algérien pour les sociétés américaines. De plus, Alger demande un transfert de technologie dans des secteurs comme l’hydrogène vert et l’électromobilité.
Dernière étape de la tournée maghrébine de Massad Boulos, le Maroc. La crise diplomatique algéro-marocaine sur le Sahara occidental est au cœur des préoccupations américaines dans la région. Alors que Donald Trump a reconnu fin 2020 la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, son conseiller Afrique a insisté pour que soit trouvée une solution rapide, « qui soit acceptable pour les deux parties ». Le même jour, le Roi du Maroc Mohammed VI a prononcé un discours dans lequel il appelle à « une solution consensuelle […] où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu ». Cette similitude dans les propos des deux hommes laisse présager une possible résolution du conflit.
Bio express
Massad Fares Boulos est né à Kfaraakka, au Liban, en 1971, dans une famille chrétienne grecque orthodoxe. Il s’installe dès l’adolescence aux États-Unis, où il obtient un BBA à l’université de Houston et un Juris Doctor à la Texas Southern University. Il parle l’arabe, le français et l’anglais.
Homme d’affaires au Nigéria, il s’implique politiquement au Liban, puis aux États-Unis où il vit.
Il est marié à Sarah Fadoul Boulos, philanthrope et entrepreneuse, fille d’un magnat des affaires. Ils ont quatre enfants. Leur fils Michael a épousé Tiffany Trump, fille de Donald Trump.