Depuis son accession à la présidence de la Guinée-Bissao, Umaro Sissoco Embaló est actif au niveau international pour renforcer la place de son pays dans le concert des nations. À la tête de la Cedeao, il encourage ses pairs à faire preuve de fermeté vis-à-vis des gouvernements de transition politique.
Par Stanislas Gaissudens
Le Chef de l’État français Emmanuel Macron était en visite en Guinée-Bissao le 28 juillet (cf. encadré). Ce n’est pas un hasard si ce pays figurait au planning de sa tournée diplomatique africaine, puisque le Président Umaro Sissoco Embaló, élu président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) le 3 juillet, est désormais un interlocuteur de premier ordre pour le continent.
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Reconnaissance internationale
Umaro Sissoco Embaló est à la tête de la Guinée-Bissao depuis le 27 février 2020. Auparavant, il a été le Premier ministre de ce petit État lusophone, frontalier du Sénégal et de la Guinée, entre 2016 et 2018.
Moins d’un mois après son accession à la magistrature suprême, Umaro Sissoco Embaló, connu pour son franc-parler, a entamé une tournée des « pays amis », tel le Sénégal, ou encore le Kenya avec lequel la coopération s’est fortement renforcée mi-juillet, à l’occasion d’une visite d’État de trois jours du Président bissao-guinéen à Nairobi (cf. encadré). Cette dernière avait pour but de renforcer sa stature de Chef d’État et de lui assurer une reconnaissance internationale, mais aussi de consolider ses appuis diplomatiques. Depuis cette date, il a multiplié les actions et prises de parole à l’échelle internationale.
Umaro Sissoco Embaló entretient des relations privilégiées avec bon nombre de dirigeants internationaux, tels que Recep Tayyip Erdogan en Turquie ou encore Marcelo Rebelo de Sousa au Portugal, et son amitié sur le continent est forte pour Denis Sassou-Nguesso au Congo, Muhammadu Buhari au Nigéria, ou son homologue sénégalais Macky Sall. Ce dernier et lui-même sont d’ailleurs fortement engagés dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Lors du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, qui s’est tenu en décembre 2021, le Président bissao-guinéen s’est déclaré favorable à plus d’interventionnisme et de solidarité avec les pays du G5 Sahel sur les questions de sécurité. Dans une interview accordée à La Tribune en décembre dernier, il estimait important de « mobiliser une force sous-régionale de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, à laquelle la Guinée-Bissao pourrait participer, avec des militaires engagés sur le terrain ».
Assurer les transitions en Afrique de l’Ouest
Désormais à la tête de la Cedeao, Umaro Sissoco Embaló veut continuer à en faire une force de décision, réactive et efficace, et ne ménage pas ses efforts pour sillonner les pays ouest-africains et renforcer ses échanges avec ses homologues, comme lors de ses derniers déplacements en Guinée, au Togo, ou le 26 juillet au Libéria. Partisan de l’action, il entend accélérer le rythme des transitions politiques. À Accra (Ghana), le 3 juillet, premier jour de sa présidence au sein de l’organisation panafricaine sous-régionale, les chefs d’État et de gouvernement ont pris des décisions majeures.
Des médiateurs ont été nommés pour le Burkina Faso, la Guinée et le Mali. Les sanctions commerciales et financières qui pesaient sur Bamako ont été levées à la suite de l’annonce par les autorités maliennes d’un calendrier électoral fixant le référendum constitutionnel à mars 2023, les élections législatives entre octobre et novembre 2023 et l’élection présidentielle en février 2024. Un accord a également été trouvé avec le Burkina Faso : il a été convenu de réduire la durée de la transition à 24 mois, à compter du 1er juillet 2022. Le Président de la Cedeao était d’ailleurs en mission dans le pays quelques jours avant sa rencontre avec Emmanuel Macron. À Ouagadougou, il a été reçu par Paul-Henri Sandaogo Damiba, le Président de transition. En revanche, les échanges sont plus complexes avec la junte guinéenne au pouvoir, qui refuse la médiation de la Cedeao, laquelle a rejeté les 36 mois de transition proposés. La Cedeao pourrait accentuer les sanctions.
Umaro Sissoco Embaló a aussi émis le vœu de voir un rapprochement entre le président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall, et les autorités de transition desdits pays.
Visite du Président Macron en Afrique
Quels enjeux ?
Le Président Emmanuel Macron, trois mois après sa réélection à la tête de l’État français, a effectué un voyage en Afrique, du 25 au 28 juillet. Après avoir visité le Cameroun et le Bénin, il a conclu sa tournée par la Guinée-Bissao. Par ce déplacement, Emmanuel Macron a voulu « adresser un signal de priorité politique accordée au continent africain », selon l’Élysée.
Parmi les dossiers sur la table, figurait notamment la question agroalimentaire. Les navires russes et ukrainiens n’accostent plus dans les ports du continent, alors que le blé est essentiel pour l’Afrique. Quinze États achètent la majorité de leur blé à ces deux pays. Quant au Bénin et à la Somalie, ils en importent 100 % de leur consommation. Aujourd’hui, le continent craint une envolée des prix.
Autre sujet de discussion, la présence militaire en Afrique, alors que les troupes françaises de la force Barkhane achèvent de quitter le Mali. La menace djihadiste est un sujet d’inquiétude, notamment en Afrique de l’Ouest. Le dossier sahélien a été au cœur des échanges avec le Président Umaro Sissoco Embaló, premier interlocuteur des autorités burkinabè et maliennes.
Guinée-Bissao – Kenya
Des liens qui se resserrent
La Guinée-Bissao et le Kenya ont signé trois accords en vue de renforcer leurs relations économiques et sociales, à l’occasion d’une visite d’État de trois jours du Président bissao-guinéen Umaro Sissoco Embaló au Kenya, mi-juillet. Un comité consultatif mixte doit être mis en place, comme l’a précisé la présidence kényane le 15 juillet, visant à établir un cadre de consultations et de coopération bilatérales entre les deux pays dans divers domaines, notamment concernant les questions politiques, économiques, commerciales, culturelles, techniques ou d’éducation scientifique.
L’Académie du service extérieur du Kenya et le ministère des Affaires étrangères de la Guinée-Bissao ont également signé un protocole d’accord. L’objectif, selon le Président kényan Uhuru Kenyatta, est de créer « l’élan nécessaire » qui permettra « d’accélérer la croissance et de réaliser une coopération gagnant-gagnant ». Le Chef de l’État bissao-guinéen a quant à lui exprimé le vœu que les deux pays renforcent leurs liens économiques via l’agriculture et le tourisme.