En 30 années d’existence, l’Institut d’études stratégiques du Kazakhstan auprès du Président de la République s’est affirmé comme le premier think tank du pays, et se veut une force de proposition majeure.
Propos recueillis par Clément Airault
Qu’est-ce que l’Institut d’études stratégiques du Kazakhstan ?
L’Institut d’études stratégiques du Kazakhstan (IESK) est aujourd’hui le principal groupe de réflexion du pays. Selon le classement annuel des think tanks dans le monde, établi par l’Université de Pennsylvanie, l’IESK est devenu en 2020 le premier think tank d’Asie centrale.
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Aujourd’hui, il existe une demande importante dans le monde entier pour une expertise publique ouverte et de haute qualité. À cet égard, nous nous efforçons de publier des informations objectives, y compris de la sociologie et des analyses sur des sujets brûlants et pertinents, tant à l’intérieur du pays qu’au-delà de ses frontières. Cet été, en l’honneur de son anniversaire, l’IESK, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan, a mis en place une nouvelle plateforme de dialogue appelée Forum pour la sécurité et la coopération en Asie centrale. Pour notre institut, il s’agit d’un évènement important, car nous prévoyons d’organiser ce forum régulièrement, sur une base annuelle. L’évènement de cette année a rassemblé des experts des principaux centres de recherche du monde entier.
Quelles sont les spécificités de l’IESK ?
Sans analyses, prévisions et calculs de la politique de l’État, il est impossible de formuler des plans de développement pour le pays, d’identifier les opportunités, de comprendre les risques et les menaces peu évidents qui nécessitent une attention particulière. La demande d’analyses ne cesse de croître chaque année. Sans les groupes de réflexion, le processus de gestion de la politique de l’État dans tous les domaines se détériore sérieusement. L’analyse est le fondement d’une prise de décision éclairée. Le rôle le plus important de l’IESK est de préparer des documents analytiques opérationnels et stratégiques.
Une valeur importante de l’IESK est son personnel. C’est la politique de ressources humaines de l’institut, caractérisée par des normes élevées pour son personnel et la recherche d’analystes et d’universitaires talentueux, qui a distingué l’institution tout au long de ces 30 dernières années. Grâce à une équipe composée d’experts et d’employés compétents, l’institut s’est continuellement adapté à des conditions changeantes et a toujours trouvé son créneau unique.
Pendant la pandémie mondiale de Covid-19, comment l’IESK a-t-il permis une prise de décision efficace ?
L’IESK n’a pas suspendu ses activités pendant la pandémie de Covid-19. Après le début de la pandémie, il a mené une série d’études sur l’impact du coronavirus sur le secteur des services au Kazakhstan en 2020. Il y a également eu des études sociologiques sur la façon dont la pandémie a été perçue par la société kazakhstanaise, etc. Il est important de noter que parmi les groupes de réflexion mondiaux, l’IESK a remporté le prix de la « Meilleure réponse politique et institutionnelle au Covid-19 » en 2020.
Quels liens entretenez-vous avec les institutions européennes ? Comment ces relations se manifestent-elles ?
L’IESK collabore régulièrement avec des groupes de réflexion et des organismes de recherche européens. L’année dernière, à la veille de la visite du Président de la République du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev, à Paris, une réunion d’experts a été organisée entre la direction de l’IESK et l’Institut français des relations internationales (IFRI). Il a été intéressant de constater l’intérêt accru des experts français pour l’étude des processus politiques en cours au Kazakhstan et en Asie centrale.
Il est important pour nous, au Kazakhstan, d’organiser régulièrement des réunions d’experts avec des groupes de réflexion européens afin de comprendre comment ils envisagent l’avenir de la région d’Asie centrale, en particulier dans le contexte de la concurrence actuelle entre les grandes puissances.
Par ailleurs, le Kazakhstan manque d’études par pays. Nous avons besoin de plus d’expertises de haute qualité sur la France, l’Allemagne, les pays baltes, etc. Cela nous permettra de mieux comprendre les processus politiques dans ces pays et de renforcer la coopération au niveau politique.
Quel rôle joue l’IESK dans le développement de la coopération avec les nations européennes ?
Les relations entre le Kazakhstan et l’Union européenne n’ont cessé d’évoluer au cours des 30 dernières années. Des relations de partenariat efficaces ont été établies durant cette période.
Cependant, la situation est en train de changer. Nous nous trouvons actuellement dans une période de turbulence géopolitique. Il est important pour nous de rester à l’écoute, d’explorer de nouvelles formes de coopération et de développer des domaines prometteurs, tels que la logistique, l’énergie verte et l’intelligence artificielle.
Compte tenu des bouleversements géopolitiques, il est important de mener une recherche prospective globale dans le cadre de nos activités de recherche, y compris des collaborations avec des institutions étrangères, afin de contribuer au développement du domaine de la coopération humaine.
L’année dernière, lors de la conférence internationale « Modernisation de l’économie du Kazakhstan — Coopération avec l’Union européenne et priorités », en collaboration avec des experts européens, nous avons discuté de questions liées aux conséquences du conflit en Ukraine, aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, à la sécurité alimentaire et énergétique. Le Kazakhstan doit développer activement des itinéraires logistiques alternatifs avec la participation de partenaires européens.
Quelles actions communes menez-vous avec la France, et dans quels domaines ?
Les relations entre le Kazakhstan et la France durent depuis plus de 30 ans. À ce jour, la France a investi plus de 18 milliards de dollars au Kazakhstan. En 2022, le chiffre d’affaires des échanges commerciaux entre les deux pays a augmenté de 30 %, pour atteindre 4 milliards de dollars. Dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’industrie, les entreprises kazakhstanaises et françaises ont établi des relations de partenariat fortes et évolutives, qui continuent de se développer.
Si l’on parle de l’importance de la transition vers une économie innovante, on ne peut ignorer l’expérience de la France dans le domaine des énergies vertes, de la décarbonisation, du développement des services, etc. Récemment, le premier Sommet « Asie centrale – Allemagne » a eu lieu à Berlin. Les dirigeants des pays de la région ont soutenu la proposition de l’Allemagne d’établir un partenariat stratégique régional avec Berlin, et de tenir des consultations régulières sous cette forme. Je pense qu’il y aurait d’excellentes perspectives pour créer aujourd’hui un format C5+France (les cinq républiques d’Asie centrale plus la France, ndlr), qui stimulerait le développement de la coopération entre les pays de la région et Paris.