Le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Micro, petites et moyennes entreprises (MPME) est au cœur de la stratégie présidentielle visant à faire de la République dominicaine un pôle d’innovation et de développement dans les Caraïbes. « Ito » Bisonó, à la tête du ministère (MICM), nous en dit plus.
Propos recueillis par Laurent Taieb
Depuis que vous êtes Ministre dans le gouvernement du Président Abinader, vous avez réussi à faire venir un grand nombre d’entreprises en République dominicaine. Quels sont les points forts et les attraits de votre économie, et pourquoi les industries choisissent-elles de s’installer dans votre pays ?
Depuis le début de l’administration du Président Abinader, une vision claire a été établie pour faire de la République dominicaine un centre régional d’innovation et de développement industriel. Notre pays, stratégiquement situé au cœur des Caraïbes, est un pont naturel entre les États-Unis, l’Europe et l’Amérique latine, qui facilite l’accès à des millions de consommateurs grâce à six accords de libre-échange.
Nous avons tiré parti de nos nombreux avantages concurrentiels pour nous positionner comme une destination fiable et attrayante pour les investissements mondiaux. Dans le contexte actuel de nearshoring, où les entreprises cherchent à s’installer à proximité de leurs principaux marchés pour réduire les temps et les coûts de transport, la République dominicaine se distingue par ses infrastructures avancées de ports, d’aéroports et de zones de libre-échange, qui garantissent l’efficacité et la sécurité de la chaîne d’approvisionnement.
Une étroite collaboration entre les secteurs public et privé a permis de créer un environnement favorable aux entreprises. Des initiatives telles que le label Made in Dominican Republic renforcent la qualité de nos produits sur les marchés internationaux, tandis qu’un solide cadre d’incitations fiscales dans nos zones de libre-échange attire de plus en plus d’investissements dans des secteurs stratégiques tels que l’industrie manufacturière de pointe, la technologie et les services modernes.
Notre capital humain, jeune et qualifié, est un autre de nos grands atouts, car il fournit aux entreprises les talents nécessaires pour se développer dans des secteurs à forte valeur ajoutée et à fort contenu technologique. Les résultats de cette stratégie sont parlants : entre 2020 et 2023, les exportations des secteurs relevant de la compétence du MICM ont augmenté de 40 %, atteignant une moyenne de 9,732 milliards de dollars américains, tandis que les investissements directs étrangers dans les secteurs clés sont passés de 678 millions de dollars à 1,133 milliard de dollars.
Grâce à cette stratégie globale, la République dominicaine est aujourd’hui consolidée en tant que plaque tournante du commerce et de l’innovation dans les Caraïbes et en Amérique latine, et en tant que destination compétitive et sûre répondant aux exigences d’un marché mondial en constante transformation.
Le tourisme, le tabac, l’agriculture et les zones franches constituent le cœur de votre économie. Comment travaillez-vous pour diversifier cette dernière et la rendre moins dépendante de l’extérieur, en particulier concernant le secteur de l’énergie ?
Nous poursuivons une série d’initiatives stratégiques visant à diversifier et à renforcer notre économie.
Pour réduire la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, nous avons mis en œuvre une stratégie ambitieuse de transition vers les énergies renouvelables, en mettant l’accent sur l’énergie solaire, l’énergie éolienne et l’énergie de la biomasse. Grâce à des investissements nationaux et étrangers, nous avons doublé notre capacité de production d’énergie renouvelable au cours des trois dernières années, pour atteindre 1 126 MW de capacité installée d’ici 2023, et nous avons plus de 1 300 MW de capacité supplémentaire en cours de développement. Cela renforce la position de la République dominicaine en tant que leader émergent dans le domaine des énergies renouvelables en Amérique latine et dans les Caraïbes, favorisant une économie plus résiliente et mieux préparée aux défis énergétiques de l’avenir.
Pour diversifier l’économie, nous encourageons le développement de secteurs de haute technologie et de fabrication avancée, tels que l’industrie des semi-conducteurs. Notre objectif est de positionner la République dominicaine comme une destination compétitive pour les investissements dans cette industrie, en promouvant le pays comme un centre logistique et technologique pour la production de micropuces, essentielles dans des applications telles que l’intelligence artificielle et les véhicules intelligents.
Dans le domaine de l’innovation et de la durabilité, nous travaillons sur des projets d’économie circulaire et sur l’amélioration des normes de qualité dans la production nationale, afin que nos industries soient plus compétitives à la fois localement et sur les marchés internationaux.
Votre pays se partage l’île avec Haïti. À la suite de la déstabilisation politique de Port-au-Prince, comment la République dominicaine fait-elle face, sur le plan commercial, à cette crise ?
Nous savons que la stabilité et la prospérité de notre région dépendent d’un environnement de paix et de collaboration mutuelle, et la situation actuelle en Haïti pose des défis importants.
Sur le plan commercial, nous avons mis en œuvre plusieurs mesures visant à protéger nos marchés et à garantir la sécurité de la circulation des biens et des services. Nous nous sommes concentrés sur le renforcement de nos frontières, en établissant des contrôles pour garantir un transit sûr et règlementé des marchandises.
Parallèlement, nous nous attachons à renforcer le marché intérieur, à offrir des incitations aux secteurs productifs nationaux et à promouvoir les investissements dans des domaines stratégiques. Cela nous permet de réduire les effets négatifs de la situation en Haïti et de maintenir une croissance durable de notre économie.
En outre, nous travaillons avec des organisations internationales et des partenaires commerciaux pour intégrer nos actions dans un cadre de coopération régionale afin de faciliter l’émergence d’une solution structurelle et durable à la situation en Haïti.
Nous pensons que la stabilité dans notre région est un pilier fondamental pour la croissance économique et la sécurité des deux peuples qui partagent cette île.
Vous avez lancé le programme « Route camérale », dans le but de renforcer le lien avec les chambres de commerce et de production du pays. Quel concept sous-tend cette initiative ?
La « Route camérale » est une initiative du MICM qui vise à renforcer le lien avec les chambres de commerce et de production du pays, en les reconnaissant comme le premier maillon des activités commerciales dans leurs localités. Ce programme vise à décentraliser les services d’appui, en permettant aux entrepreneurs locaux d’accéder à la formation, au financement et aux ressources stratégiques. Grâce à des visites dans chaque région et à une approche d’écoute active, nous veillons à ce que les politiques et les services du ministère répondent efficacement aux besoins de chaque communauté d’affaires.
Le programme permet de comprendre en profondeur la production, les défis et les opportunités des chambres, ce qui nous aide à identifier les domaines à améliorer et à développer des politiques publiques spécifiques à la région. Ce parcours représente un engagement à travailler avec les chambres pour en faire des moteurs de croissance, d’innovation et d’intégration pour le développement régional et national.
Dans un contexte de profondes transformations de l’économie mondiale, le secteur privé, en particulier via les chambres de commerce, a joué un rôle clé dans l’adaptation à ces changements. Les chambres ont évolué, devenant des plateformes d’innovation, connectant les marchés internationaux et intégrant les MPME dans les chaînes de valeur mondiales.
L’une des réalisations les plus importantes de cette administration, sous la direction du Président Abinader, a été de consolider la République dominicaine en tant que centre logistique régional. Les chambres ont joué un rôle essentiel dans ce processus, en ouvrant les portes aux entreprises locales et en attirant les investissements étrangers, qui apprécient notre situation stratégique, notre capital humain et l’infrastructure du pays.
Votre principal partenaire commercial est les États-Unis. Comment travaillez-vous à une diversification ? Quel est le rôle de l’Europe dans votre commerce et quelles sont vos recommandations pour renforcer ces liens ?
Les États-Unis sont le principal partenaire commercial de la République dominicaine, même si le pays développe activement ses relations commerciales avec l’Europe et l’Asie. Grâce aux Accords de partenariat économique, les produits dominicains tels que le cacao, les bananes et le tabac entrent sur le marché européen sans droits de douane, ce qui a permis d’augmenter les exportations vers l’Europe de 30 % au cours de la dernière décennie.
En 2023, les exportations de la République dominicaine ont atteint 11,5 milliards de dollars, avec une participation importante de l’Europe. Pour renforcer cette relation, le pays encourage les investissements européens dans les secteurs des technologies vertes et de l’économie circulaire, en tirant parti de son infrastructure logistique avancée et des incitations pour les zones de libre-échange.
Pour renforcer les échanges avec l’Europe, il est préférable d’explorer de nouveaux accords de coopération technique et commerciale, ainsi que d’encourager les investissements européens dans des projets durables. La stabilité juridique et les avantages liés aux investissements verts font de la République dominicaine un partenaire stratégique et attrayant pour l’Europe.
Selon votre vision, la République dominicaine deviendra le principal bénéficiaire des investissements étrangers de la région. Qu’est-ce qui la différencie des autres pays des Caraïbes et d’Amérique latine ?
Nous sommes en train de construire un pays leader dans l’attraction des investissements étrangers, avec des fondations solides qui nous différencient du reste de la région.
La République dominicaine se distingue tout d’abord par sa stabilité politique et économique, soutenue par un environnement juridique fiable et transparent, qui garantit la sécurité des investisseurs. Nous disposons d’une infrastructure logistique de premier ordre, avec des ports, des aéroports et des zones franches stratégiquement situés, qui font de nous le principal centre logistique des Caraïbes et un point de connexion efficace avec l’Amérique latine, l’Amérique du Nord et l’Europe. En outre, nous donnons la priorité au développement de secteurs innovants tels que les technologies vertes et l’économie circulaire, en accord avec les normes mondiales de durabilité et l’engagement contre le changement climatique. Notre pays dispose également d’une main-d’œuvre qualifiée et d’un système éducatif de plus en plus adapté aux exigences du marché mondial. Tout cela, associé à un effort déterminé pour mettre en œuvre des politiques de numérisation et de modernisation des processus, fait de la République dominicaine la destination idéale pour les investissements étrangers dans la région.
Quelles sont les entreprises et les industries que vous souhaiteriez encourager à venir en République dominicaine, et qui pourraient apporter une réelle valeur ajoutée à votre économie ?
Nous voulons attirer en République dominicaine des entreprises et des industries qui génèrent des emplois, mais aussi rehaussent notre profil de valeur ajoutée dans des secteurs stratégiques. Notre priorité va aux industries de technologie avancée, en particulier celles qui se concentrent sur l’innovation numérique, l’intelligence artificielle et la fabrication de haute précision. Nous pensons que les entreprises technologiques peuvent contribuer de manière significative à notre développement dans des domaines tels que la numérisation et l’automatisation des processus.
Nous nous attachons également à encourager l’arrivée d’entreprises dans les secteurs des énergies renouvelables et des technologies vertes. Ces industries offrent une forte valeur ajoutée économique et s’inscrivent également dans notre engagement en faveur de la durabilité et de la lutte contre le changement climatique, avec le potentiel de renforcer notre infrastructure énergétique et de la rendre plus propre et plus efficace.
En outre, nous cherchons à stimuler l’économie circulaire et la biotechnologie, en tirant parti des richesses naturelles du pays. Grâce aux talents dominicains, à nos zones de libre-échange ultramodernes et à notre soutien à la recherche, nous sommes prêts à accueillir des entreprises qui apportent des technologies de pointe et des connaissances spécialisées, contribuant ainsi à notre vision d’une économie moderne, diversifiée et durable.
Aller plus loin…
Desde adentro — Hacia el país que queremos (De l’intérieur — Vers le pays que nous voulons)
Dans cet ouvrage, non traduit en français, le Ministre de l’Industrie, du Commerce et des MPME dresse le bilan de ce qu’il estime avoir été l’un des plus grands défis de sa carrière politique. Ce mémoire est un témoignage des réalisations accomplies entre 2020 et 2024, dans un contexte exceptionnellement difficile, marqué d’abord par la pandémie de Covid-19 puis par les répercussions mondiales de la guerre en Ukraine. « Chaque chapitre est imprégné de la passion et des efforts que nous déployons pour transformer le MICM et contribuer, en même temps, à la réactivation économique de notre nation », précise l’auteur.
Par Ito Bisonó – Jucarq – 320 p.