Malgré une présidence émaillée d’une accumulation de crises majeures comme celles des gilets jaunes, de la pandémie de Covid-19 ou bien plus récemment du conflit russo-ukrainien, Emmanuel Macron a, contrairement à son prédécesseur, choisi de briguer un second quinquennat. État des lieux.
Par Philippe Gortych
Emmanuel Macron ou l’art du faux suspense. Si son intention de se succéder à lui-même ne faisait nul doute au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique, le Chef de l’État a pourtant attendu jusqu’à la veille de la date limite du dépôt des candidatures pour officialiser son choix. Et lorsque, fin 2021, les médias l’interrogeaient sur ses motivations pour un second mandat, le Président jupitérien prenait soin de botter en touche en rétorquant qu’il travaillerait « jusqu’au dernier quart d’heure ».
Une manière en soi assez habile pour ne pas entrer trop tôt dans l’arène politique, et ainsi rester au-dessus de la mêlée, en étant largement mobilisé sur la gestion de la guerre en Ukraine mais aussi sur la présidence française tournante de l’Union européenne, dont Emmanuel Macron a pris les rênes en janvier. C’est ainsi que finalement, à moins de 40 jours du premier tour, il a présenté ses ambitions pour le pays par le biais d’une « Lettre aux Français » qui a été diffusée sur Internet et publiée dans quelques titres de la presse régionale.
Dans sa quête de réélection, le Président-candidat a décidé de faire campagne sous le slogan « Avec vous ». Cette devise électorale semble traduire sa volonté d’associer plus étroitement le peuple français à son action politique. Quelques jours à peine après son entrée en campagne, Emmanuel Macron a promis un « nouveau grand débat permanent » autour des réformes. Son projet pour la période 2022-2027, qui s’articule autour de trois pactes majeurs et dont le coût annuel a été estimé à 50 milliards d’euros, devrait permettre de parachever certaines réformes et d’en réaliser de nouvelles.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Chantiers éducation et santé
Baptisé « pacte entre les générations », le premier pilier du programme du leader de LREM englobe une série de chantiers de première importance car concernant toutes les tranches d’âge de la population française. À l’école tout d’abord, où Emmanuel Macron souhaite renforcer les heures d’enseignement du français et des mathématiques dès le primaire afin de lutter contre le déclin du niveau des écoliers français. Pour mieux préparer l’avenir professionnel des élèves, il veut renforcer le travail autour de l’orientation des jeunes, ainsi que faire des lycées professionnels une voie d’excellence. De plus, il est prévu d’avoir une meilleure reconnaissance pour les enseignants et d’augmenter les revenus de ceux qui accepteront de nouvelles missions. Toujours sur le plan éducatif, ce pacte doit permettre de donner plus de libertés aux équipes pédagogiques, de rendre publics les résultats des écoles et de renforcer l’autonomie des universités.
Autre secteur majeur : la santé, et en particulier l’hôpital qui a été mis à mal lors de la dernière pandémie. C’est pourquoi il est prévu de poursuivre le plan de sauvetage de l’hôpital par le biais d’un recrutement continu d’infirmiers et d’aides-soignants, et aussi de rendre cet endroit plus humain dans sa gestion quotidienne. En outre, le projet prévoit d’articuler médecine de ville et hôpital et de poursuivre la lutte contre les déserts médicaux, notamment avec des permanences ponctuelles et de téléconsultations. Enfin, concernant la question des aînés, Emmanuel Macron a prévu d’augmenter la pension minimale à taux plein à 1 100 euros, de recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants supplémentaires en EHPAD d’ici 2027 (soit une augmentation de 25 %), et de mener une convention citoyenne sur une fin de vie plus humaine qui pourrait donner lieu à un référendum.
POUR PLUS DE COMPÉTITIVITÉ
Second pilier du programme d’Emmanuel Macron, le « pacte pour la production », au sein duquel l’objectif numéro un est le plein emploi. Dans ce domaine, parmi les mesures phares, il y a le relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, la transformation de Pôle Emploi en un guichet unique baptisé « France Travail », et le conditionnement du RSA à une activité de 15 à 20 heures par semaine en vue d’une insertion professionnelle.
Sur le plan économique, le pacte annonce 15 milliards d’euros de baisses d’impôts et 15 milliards d’euros d’économies sur le fonctionnement des collectivités locales, l’allègement du montant des droits de succession en lignes directe et indirecte, ainsi que la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) adoptée en 2009.
Quant au thème de l’écologie, aujourd’hui omniprésent dans nos vies, le programme macronien prévoit la poursuite de la construction de six premières centrales nucléaires nouvelle génération, la multiplication par dix de la puissance solaire française et l’implantation de cinquante parcs éoliens en mer à l’horizon 2050. Par ailleurs, est planifiée l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe pour éviter la concurrence déloyale. Enfin, pour soutenir la transition verte, le projet du Président-candidat est de mettre en place un mécanisme de leasing de voitures électriques à 100 euros par mois pour les Français les plus modestes.
RENFORCER LA SÉCURITÉ
Troisième et dernier pilier de la vision macronienne pour les cinq années à venir, le « pacte pour la République ». Dans le souci d’assurer une meilleure gestion de l’immigration et un renforcement des frontières européennes, la feuille de route de LREM est de mener à terme la réforme de l’espace Schengen. Sur le plan de la défense, Emmanuel Macron souhaite poursuivre l’objectif de 2 % du PIB national pour les dépenses militaires et le doublement du nombre de réservistes opérationnels dans les armées d’ici 2027. Enfin, en ce qui concerne la sécurité du pays au sens large, son plan consiste à achever le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique ainsi que le déploiement de 200 nouvelles brigades pour disposer de plus de gendarmes en zones rurales.
Les recrutements pour combattre l’insécurité se feront à grande échelle puisque ce troisième pacte prévoit aussi le doublement des effectifs des forces de l’ordre dans les transports aux moments sensibles, ainsi que la création d’une force d’action républicaine destinée aux quartiers en crise. À noter enfin que le candidat Macron s’est aussi engagé à recruter 8 500 magistrats et personnels de justice d’ici 2027, ainsi que 1 500 cyberpatrouilleurs pour faire face à la criminalité en ligne.
Au-delà de ses nombreuses promesses de campagne, en restant locataire de l’Élysée pour cinq nouvelles années Emmanuel Macron sera confronté au défi d’un plus grand devoir d’union nationale. Arrivé à la tête de l’État en 2017 en tant qu’artisan fondateur de son propre mouvement et quasi novice sur l’échiquier politique, son premier mandat lui aura permis à maintes reprises d’endurcir sa carapace, mais aussi d’affirmer sa stature de chef d’État. Toutefois, depuis le début de sa présidence il a déjà connu quelques déconvenues, au premier rang desquelles le mouvement des gilets jaunes qui, sans la rupture créée par la crise de la Covid-19, aurait pu prendre des proportions bien plus importantes. En ce sens, le Président jupitérien aura fort intérêt à prêter une attention toute particulière à la qualité du dialogue social, sous peine de voir le volcan de la grogne se réveiller. Ses électeurs en formulent certainement le souhait pour le nouveau quinquennat.