Le Président Kassym-Jomart Tokayev a été réélu à la tête de l’Etat le 20 novembre dernier avec plus de 80% des voix. Ce nouveau mandat doit lui permettre de poursuivre le processus démocratique entamé et de répondre aux attentes des Kazakhstanais.
Par Louis Dubois
Les Kazakhstanais n’auront pas attendu 2024 pour élire le Chef de l’État. Le Président Kassym-Jomart Tokayev a, jeudi 1er septembre dernier, déclaré devant le Parlement : « Je propose la tenue d’une élection présidentielle anticipée à l’automne 2022. » Cette décision était, selon lui, nécessaire pour « renforcer la structure de l’État » et appuyer « le cours des réformes ». L’élection, qui a eu lieu le 20 novembre 2022, ouvre « une nouvelle ère politique ».
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Un scrutin gage de stabilité
Cette élection présidentielle survient 3 ans après la précédente, qui elle aussi a eu lieu de manière anticipée. En effet, le 19 mars 2019, l’ancien Chef de l’État, Noursoultan Nazarbaïev, annonçait qu’il se retirait de la vie politique, et transmettait sa charge et sa confiance à Kassym-Jomart Tokayev, alors président du Sénat. Pour la première fois, un dirigeant d’Asie centrale quittait volontairement le pouvoir. Kassym-Jomart Tokayev devenait alors Président de plein exercice, puisque n’étant pas contraint, selon la Constitution kazakhstanaise, à une période d’intérim. Alors qu’il pouvait exercer son mandat jusqu’à l’élection prévue en avril 2020, il annonçait, le 9 avril 2019, la tenue d’une élection présidentielle anticipée, une façon pour lui d’asseoir sa légitimité. Il remportait l’élection avec un peu plus de 70 % des suffrages (pour un taux de participation de 77 %), suivi par Amirjan Kossanov, qui obtenait 16,2 % des voix, et cinq autres candidats, dont une femme, aux scores allant de 5 à 0,9 %.
Très rapidement, le Chef de l’État a imprimé sa marque, voulant insuffler un vent de modernité sur le pays. Lors de son premier discours à la Nation, il indiqua vouloir mettre les citoyens à égalité avec les structures de l’État, pour plus de justice. Aujourd’hui encore, le fer de lance de la politique de Kassym-Jomart Tokayev est un État « juste et équitable », à l’écoute de tous, dans lequel la société civile joue un rôle majeur. Cette notion prend tout son sens, alors que le pays a traversé en début d’année la plus grave crise politique et sociale de son histoire.
Le Kazakhstan a en effet connu plusieurs jours de révolte populaire, du 2 au 11 janvier 2022. Une brusque augmentation du prix du gaz, survenue dans un contexte de mécontentement, a déclenché des manifestations spontanées qui se sont transformées en émeutes armées, avec destruction et incendie de bâtiments publics et pillage de commerces. À l’issue de ces journées sanglantes, on comptait 232 morts, dont 19 policiers. Plus de 5 000 personnes ont été bléssées, parmi lesquelles près de 4 000 agents des forces de l’ordre. Selon le Parquet général de la République, les groupes enquêteurs ont enregistré 5 300 affaires pénales, dont 46 actes de terrorisme, 131 émeutes, 210 meurtres, etc.
Cela ne doit plus jamais se reproduire, et c’est pourquoi le Président a proposé en juin dernier des réformes constitutionnelles, adoptées lors d’un référendum. L’élection présidentielle de novembre a eu pour but de tourner la page. « Un nouveau mandat de confiance du peuple est nécessaire pour la mise en œuvre réussie de réformes fondamentales et globales »,a déclaré le Président Tokayev. Lui et son Administration étaient « déterminés à assurer toutes les conditions pour la tenue d’une élection présidentielle ouverte et juste ».
Un Kazakhstan juste et équitable
Pour le Chef de l’État, l’élection présidentielle est une étape supplémentaire vers la construction d’un Kazakhstan juste et équitable. Le nombre d’actes engagés depuis son élection en 2019 s’est considérablement accru depuis le début de l’année. Les réformes constitutionnelles, qui ont été proposées par le Président Tokayev en mars dernier et mises en œuvre à la suite du référendum de juin, sont les éléments constitutifs d’un Kazakhstan renouvelé. Elles comprennent la transformation du modèle d’État et de la forme de gouvernement du pays, en limitant les pouvoirs du Président, en confortant le rôle du Parlement, en encourageant l’engagement des citoyens dans les processus politiques et en renforçant encore la protection des droits de l’Homme.
À cet égard, Kassym-Jomart Tokayev a intitulé son programme de campagne électorale « Un Kazakhstan juste : pour tous et pour chacun ». Il repose sur trois principes interconnectés : un État juste, une économie juste et une société juste. Le principe de l’État juste aura une incidence sur la réforme constitutionnelle et les changements institutionnels, est-il écrit dans le programme.
Le Chef de l’État vise à mettre en place dans le pays une économie plus résiliente, plus diversifiée et plus équitable, offrant des possibilités d’initiative privée à tous les citoyens. Il s’agit également d’instaurer une société plus juste et un système politique plus vivant, plus dynamique et plus compétitif. Un Kazakhstan juste vise aussi à freiner le népotisme, le paternalisme et la corruption. L’une des tâches essentielles à cet égard consiste à se débarrasser de l’implication excessive de l’État, et à éliminer les monopoles partout où cela est nécessaire.
Sur le plan politique, un Kazakhstan juste amène de nouvelles possibilités de participation de tous les citoyens aux processus électoraux. La limite d’un seul mandat de 7 ans a été introduite pour le Président de la République. Cette initiative permettra d’éliminer les risques de monopolisation du pouvoir et de renforcer les principes fondamentaux de la démocratie. Pour favoriser le multipartisme, les procédures d’enregistrement des partis ont été simplifiées, notamment en divisant par quatre le nombre de signatures requises pour former un parti. Un quota de 30 % a été introduit pour les femmes et les jeunes dans les listes préélectorales des partis et dans la répartition des mandats des membres du Parlement. Cela ouvre la voie à une participation active des représentants de ces groupes à la vie politique du pays.
Quel mode de scrutin ?
Le Président de la République du Kazakhstan est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de 7 ans non renouvelable — un projet présidentiel validé par le Conseil constitutionnel le 13 septembre dernier. Auparavant, le mandat présidentiel était de 5 ans, et pouvait être renouvelé deux fois. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue au premier tour, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui recueillant le plus de voix l’emporte.
La loi électorale amendée en 2021 réintroduit la possibilité pour les électeurs de ne voter pour aucun d’entre eux. S’il est par conséquent possible pour le candidat élu au second tour de l’emporter sans réunir la majorité absolue des suffrages exprimés, son élection n’est pas pour autant invalidée, car seule la majorité relative est requise.