La RDC est un pays aux potentialités immenses. Elle est l’un des territoires les plus riches du continent africain en termes de ressources naturelles. Son économie a été durement frappée dans les années 1980 et 2000 du fait des guerres civiles, et a subi de plein fouet la crise de 2008-2009. Mais depuis une décennie, le pays a repris le cap de la croissance. Le géant africain se réveille.
Par Marie Forest
Située au cœur de l’Afrique, partageant ses frontières avec neuf pays et ouverte sur l’océan Atlantique, la RDC a un rôle clé à jouer dans les échanges interétatiques. Sa position géostratégique lui assure une place de choix sur le continent. Son développement économique doit être soutenu par des infrastructures de transport solides, permettant le désenclavement du territoire et l’exportation des produits nationaux. L’ouverture du pays est appuyée par une politique régionale et internationale volontariste, qui met aujourd’hui la RDC au centre des enjeux.
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Une dynamique économique relancée
L’économie congolaise a fait preuve d’une certaine résilience en 2019, en affichant une croissance de 4,4 % en dépit de la dépréciation des cours des matières premières, l’une des principales richesses du pays et qui représente 95 % de ses exportations. En 2020, les effets délétères de la pandémie de Covid-19 ont été partiellement conjurés par la remontée rapide des cours internationaux, ce qui a permis d’afficher une croissance positive de +1,7 %, contre -1,7 % attendu. Ce résultat tient aussi à l’aide apportée par le FMI, le Président Félix Tshisekedi ayant réussi à normaliser les relations avec l’institution après une décennie de coupure.
Cette dernière a également approuvé en juillet 2021 un programme de trois ans en faveur de Kinshasa, appuyé par une Facilité élargie de crédit (FEC), pour un montant d’environ 1,5 milliard de dollars. Les trois axes identifiés dans ce programme sont l’intensification de la mobilisation des recettes intérieures, le renforcement de la gouvernance et le renforcement du cadre de la politique monétaire et de l’indépendance de la Banque centrale. De plus, la RDC bénéficiera du même montant en Droits de tirage spéciaux (DTS), instrument monétaire international servant à compléter les réserves officielles des États membres, afin de faire face à la crise sanitaire. Moyennant quoi, la croissance a connu un rebond en 2021 pour monter à 5 %, et les perspectives pour 2022 sont un retour au niveau d’avant-crise, au-dessus de 6 %. Ces bonnes performances sont dues à une situation économique saine, la dette nationale restant modérée par rapport à celles des autres nations de la sous-région. Le pays est aujourd’hui éligible à l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20.
Le Gouvernement n’entend pas se reposer sur ses acquis en matière de développement économique, et mise pour le futur sur l’industrialisation. En août 2021, un Plan directeur d’industrialisation (PDI) a été établi en vue de l’émergence de la RDC à l’horizon 2030-2040. Il vise à réduire la dépendance de la nation vis-à-vis de l’extérieur concernant les produits agro-industriels, pharmaceutiques et textiles. L’objectif est d’atteindre 100 milliards de dollars de PIB et 25 milliards de recettes fiscales. Il reste à mobiliser les fonds nécessaires à la mise en place de ce plan, soit 58,3 milliards de dollars, qui seront répartis entre infrastructures énergétiques (22 milliards) et infrastructures de transport (21 milliards pour les routes, 9 milliards pour les chemins de fer, 6,3 milliards pour les ports et les aéroports), vitales pour l’acheminement des matières premières et biens manufacturés.
Les transports en appui de la croissance
Le Ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement Chérubin Okende Senga a donc un rôle important à jouer pour huiler les rouages de l’économie. Sur le plan interne, il a annoncé en novembre 2021 être en train de finaliser un programme stratégique pour le désenclavement du territoire national, qu’il souhaite faire approuver par les représentants du peuple congolais. Sur le plan international, sa vision rencontre celle de la CEEAC concernant la connectivité entre villes des différents États membres. Chérubin Okende Senga a échangé en juin 2021 avec le représentant de cette organisation, Théodore Njikam, sur les projets initiés se rapportant au développement des infrastructures routières, fluviales et aériennes.
Neuf grands projets ont été annoncés le 13 décembre 2021 par Félix Tshisekedi pour l’année à venir, lors d’une allocution devant les deux chambres du Parlement. Il s’agit principalement de la densification du réseau routier, afin de désenclaver la RDC et que les pays limitrophes soient plus aisément accessibles pour stimuler le commerce transfrontalier. Dans ce cadre, sont prévus notamment la réhabilitation de près de 9 000 km de routes et l’entretien de 30 000 km de dessertes agricoles. Concernant les voies ferrées, la société Congo Railway projette la construction de 10 000 km de voies qui s’étireraient dans l’ouest, le sud et l’est de la RDC, ce qui triplerait le réseau existant. Il est aussi question d’interconnecter les chemins de fer actuels. Des échanges ont également eu lieu entre le Vice-Ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement, Marc Ekila Likombio, et le consortium C. Steinweg Global, dans la perspective, entre autres, de construire une école de chemin de fer et d’assurer la formation du personnel enseignant.
Au niveau des transports maritimes, des accords de coopération ont été signés fin 2021, après l’expiration de précédents accords conclus en 2018, avec la société émiratie DP World pour la construction du port en eau profonde de Banana, afin d’accroître les volumes de ses échanges commerciaux. Les travaux, prévus pour démarrer au 1er trimestre 2022, doivent courir sur 2 ans. Cet ouvrage permettra de ne plus faire transiter les productions des industries minières par les ports de Dar es Salam (Tanzanie) ou de Lobito (Angola).
Mais c’est surtout sur le transport aérien que mise Chérubin Okende Senga : « Nous envisageons au moins deux aéroports convenables dans chaque province », a-t-il annoncé en décembre 2021. Les structures aéroportuaires sont aujourd’hui en grande partie désaffectées. Pour y remédier, le Gouvernement cherche des partenariats public-privé. Il s’agit aussi de relever les standards de l’aviation congolaise. Le Ministre des Transports est bien décidé à relancer le secteur de l’aviation civile, afin de faire sortir la RDC de la « liste noire » de l’Union européenne qui empêche le pays d’exploiter certains droits de trafic dont il dispose. La libéralisation en cours du transport aérien en Afrique est une véritable opportunité à saisir.
L’activisme diplomatique
La coopération régionale est essentielle pour créer un environnement commercial solide. Elle permet de nouer plus facilement des accords bilatéraux et multilatéraux, qui procurent un avantage en termes d’ouverture de marchés. C’est pourquoi le Président congolais use de tout son entregent pour intégrer les organismes régionaux, afin de développer les échanges avec le reste du continent. « Je souhaite impulser une meilleure présence de notre pays dans les instances internationales, à la hauteur de notre vocation naturelle », a-t-il déclaré. Le jour de son investiture, le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi avait en effet promis le retour du pays dans le concert des nations. Cette volonté d’ouverture a déjà porté ses fruits : aujourd’hui, la RDC est l’État le plus intégré dans les organisations régionales.
Kinshasa a toujours été aux avant-postes lors de la création de structures interétatiques. En 1963, le pays est l’un des membres fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) ― qui deviendra l’Union Africaine (UA) en 2002 ―, chargée d’œuvrer à la promotion de la paix, la démocratie, les droits humains, préalables indispensables au développement durable. Ce dernier sujet concerne au premier chef la RDC, le bassin du Congo étant, après l’Amazonie, le deuxième poumon de la planète, qu’il convient donc de protéger. Les eaux du fleuve Congo sont de plus une ressource au cœur des enjeux climatiques africains. Félix Tshisekedi a exercé la présidence de l’UA en 2021.
En 1976, le pays participe à la naissance de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), dont l’objectif principal est l’intégration économique régionale, avec une libre circulation des biens, personnes et capitaux. En 1981, il signe les accords de libre-échange et d’union douanière regroupant 21 États, accords renforcés en 1994 par la mise en place du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Common Market for Eastern and Southern Africa, Comesa). 1983 est l’année de création de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), pour le développement économique, social et culturel de la région en vue là aussi de parvenir à l’établissement d’un marché commun. Kinshasa y participe dès son origine.
La RDC intègre la Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC) (cf. encadré) en 1997. Cet organisme, qui rassemble 16 pays de l’Afrique australe et de l’océan Indien, vise à promouvoir le développement économique de la région. La construction d’infrastructures d’envergure au bénéfice de différents États entre dans cette approche plurinationale, et la RDC s’implique en ce sens. À titre d’exemple, on peut citer l’emblématique projet intégrateur énergétique du barrage d’Inga, qui pourra potentiellement électrifier le continent et alimenter 500 millions de personnes en développant une puissance de 40 000 à 45 000 MW. Situé dans l’ouest du pays, le complexe possède déjà deux centrales, Inga I et Inga II ; deux autres sont en projet, Inga III et Grand Inga, qui pourraient être édifiés avec l’appui notamment d’États membres de la SADC, à savoir la Zambie et le Zimbabwe, lesquels reçoivent déjà de l’électricité produite à Inga, ainsi que l’Afrique du Sud.
À ces appartenances déjà actées de la RDC à des instances sous-régionales, devraient s’ajouter dans les mois ou années à venir d’autres adhésions, du fait de l’activisme du Président congolais sur la scène diplomatique. Le pays vient d’ailleurs de rejoindre la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), qui œuvre au respect de la bonne gouvernance, au maintien de la paix et à l’intégration financière et monétaire. C’est une bascule stratégique de la part de Kinshasa que de se tourner vers l’Afrique anglophone, un désir motivé par l’intensification de ses échanges commerciaux avec les États de l’est du continent. C’était une promesse de campagne de Félix Tshisekedi en 2018, suivie d’une requête officielle déposée en 2019, qui se concrétise en ce début d’année 2022. L’adhésion a été acceptée par le Conseil des ministres de la CAE, la RDC ayant satisfait aux critères d’admission qui portent notamment sur le respect des droits de l’homme et de la justice sociale, et sur la volonté de renforcer l’intégration dans la sous-région. À ce titre, des coopérations sont déjà effectives, comme par exemple, au niveau sécuritaire, le fait que plusieurs pays de la CAE ― la Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda ― soient présents au Congo dans le cadre de missions de maintien de la paix.
Concernant le futur, la RDC se tourne vers le Conseil de sécurité des Nations unies, qui a comme principal enjeu le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elle a posé sa candidature au titre de membre non permanent. Le pays parie également sur la future Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Toutes ces dispositions de renforcement de la présence de Kinshasa au sein des organisations continentales et internationales ont pour finalité de conforter la position centrale du pays sur le continent, et de lui ouvrir les portes de collaborations économiques fructueuses qui lui permettront de valoriser au mieux ses richesses intrinsèques.
Félix Tshisekedi
Premier Vice-Président de la SADC
Félix Tshisekedi a été désigné par ses pairs Premier Vice-Président de la SADC pour l’exercice 2021-2022, lors du 41e Sommet qui s’est déroulé à Lilongwe, au Malawi. Comme il est de coutume, il assurera la présidence tournante de l’organisation l’année suivante.
L’objectif de l’institution est de dynamiser l’intégration socioéconomique, ce qui nécessite au préalable que les contextes politiques et sécuritaires des États soient apaisés. L’un des problèmes le plus prégnants actuellement est la situation au Mozambique. C’est pourquoi le Sommet extraordinaire du 12 janvier 2022 a porté sur la meilleure manière d’aider Maputo à lutter contre le terrorisme et les violences extrêmes, afin de restaurer la paix et la stabilité. Les États membres de la SADC ont décidé de poursuivre les opérations militaires conjointes entreprises dans le cadre de la mission de la SADC au Mozambique (Samim).
En marge de cette rencontre, le Président congolais s’est entretenu avec ses homologues sud-africain, Cyril Ramaphosa, et zambien, Hakainde Hichilema. Nul doute qu’il mettra à profit sa position pour faire avancer la cause du panafricanisme.
La diaspora
Vecteur d’ouverture
L’ouverture économique se prête à toutes sortes de partenariats, intra ou internationaux. Entre ces deux filières se trouve une voie médiane, constituée par les actions sur le sol congolais de la diaspora.
Félix Tshisekedi a lancé le 17 novembre 2021 à Kinshasa le Forum sur l’engagement de la diaspora congolaise pour le développement et la lutte contre la pauvreté en RDC. Le but de cet évènement est d’inciter les Congolais de l’étranger à prendre part au développement du pays, en contribuant financièrement mais aussi par leurs idées au bien commun.
À cette occasion, le Chef de l’État a mis l’accent sur le fait que, même s’ils ont changé de nationalité, les Congolais dispersés de par le monde n’en restaient pas moins congolais « de cœur et de sang ». Et s’il demande l’aide de la diaspora, il estime en retour qu’il est du devoir du pays d’aider et accompagner les démarches de ses membres sur le territoire.
Le Gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, lui-même issu de la diaspora (il a fait ses études supérieures et débuté sa carrière en France), a indiqué que la diaspora congolaise était un atout, et a appuyé l’idée de l’élaboration d’un annuaire des Congolais de l’étranger pour qu’ils puissent « garder un cordon ombilical » avec le pays.