Après plusieurs années de difficultés, l’économie catalane renoue avec la croissance et met en place de nouvelles stratégies destinées à penser l’après-pandémie, dans une logique de développement durable et d’intégration européenne.
Par Clément Airault
La Catalogne, comme le reste de l’Europe, n’a pas échappé à la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. « En 2020, le PIB de la Catalogne a fortement chuté, aux alentours de 15 % », se souvient Jaume Giró, Ministre de l’Économie et des Finances de la Généralité. Son économie est globale, ouverte sur le monde. Il est aussi vrai que la Catalogne est de très loin la première région exportatrice d’Espagne, principalement via son port d’ampleur internationale. La crise a cependant fortement affecté le volume de ses exportations.
Les restrictions de déplacements ont touché de plein fouet le tourisme, car « sans avions ni bateaux de croisière, pas de visiteurs », précise Jaume Giró. Ce secteur, qui contribue pour 12 à 13 % au PIB de la Catalogne, est celui ayant le plus souffert de la crise économique. Tous ses acteurs, notamment ceux du tourisme de luxe, s’accordent à dire qu’aujourd’hui l’embellie est visible, mais avec la hausse du prix de l’énergie et la guerre en Ukraine (qui entraîne l’absence de touristes russes), il faudra sans doute attendre 2023 pour retrouver les niveaux d’avant pandémie.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Renforcer le secteur industriel
« La Catalogne a souffert, mais elle a aussi un plus fort pouvoir de résilience que d’autres économies », considère le Ministre de l’Économie de la Généralité. C’est sans doute ce qui lui a permis de retrouver « son niveau d’avant Covid-19 », explique Toni Fitó, vice-président de la Chambre de commerce de Barcelone (cf. encadré). En 2021, le PIB de la Catalogne a augmenté de 5,8 %, contre 5 % en Espagne, et alors que la moyenne européenne était de 5,2 %.
La force de la Généralité réside sans doute dans les spécificités de son modèle économique, très diversifié, hybride. L’industrie (18 % du PIB), le tourisme et les services y sont les secteurs les plus importants. Le Gouvernement s’attache aujourd’hui au renforcement de ses industries, afin qu’elles représentent « de nouveau 25 % de l’économie, ce qui était le cas auparavant », précise Jaume Giró. L’accent est notamment mis sur l’industrie agroalimentaire, qui génère un chiffre d’affaires de 38 milliards d’euros et emploie directement près de 165 000 personnes en Catalogne. La plupart des grandes entreprises alimentaires mondiales, telles que Nestlé, Danone, Unilever, Kellogg’s, Haribo ou Griffith Foods, ont mis en place des centres de production, des départements et laboratoires de recherche et développement, ainsi que des activités logistiques, dans la Généralité.
L’industrie est intéressante en ce sens qu’elle constitue le gros des exportations, et fait appel à une main-d’œuvre importante. « Le taux de chômage est aujourd’hui plus faible qu’avant pandémie », se félicite Toni Fitó. Sur l’année 2021, le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 142 500, en partie grâce aux dispositifs d’aides publiques destinés à limiter les dégâts dans le tourisme et l’hôtellerie. Le 10 septembre dernier, l’Espagne a versé 1,5 milliard d’euros à la Catalogne dans le cadre d’un fonds extraordinaire annoncé à l’automne 2020.
Une multitude de PME
De grandes entreprises, d’envergure internationale, ont leur siège dans la capitale catalane, à l’image du groupe textile Mango, de CaixaBank (3e banque espagnole), du géant gazier Gas Natural, du groupe autoroutier Abertis (propriétaire des autoroutes françaises Sanef), du parfumeur Puig (propriétaire de Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier), ou encore de la compagnie Vueling Airlines, installée dans la commune d’El Prat de Llobregat, non loin de Barcelone. Par ailleurs, le groupe Volkswagen (propriétaire des marques Seat et Cupra) a annoncé fin mars un tournant électrique en Espagne. L’usine de Martorell, près de Barcelone, va ainsi être adaptée à la fabrication de voitures 100 % électriques.
La Catalogne reste attractive pour les grands groupes, mais ce sont les petites et moyennes entreprises qui font battre son cœur économique. Elles seraient environ 600 000, dont beaucoup familiales. Au pic de la pandémie, environ 20 000 ont disparu. Celles qui ont réussi à surmonter la crise ont fait le choix de s’adapter, et d’évoluer vers plus de numérique, notamment dans les secteurs du commerce et des technologies.
Penser l’avenir
La Catalogne est la région la plus riche d’Espagne, mais aussi la plus endettée. Elle conserve néanmoins une économie saine qui regarde vers l’avenir. Et ce dernier semble européen. Les autorités catalanes sont particulièrement attentives au plan de relance européen de 750 milliards d’euros intitulé « Next Generation EU ». Dans la Généralité, 27 projets ont émergé de ce processus, dans le cadre d’une vision baptisée « Next Generation Catalunya ». En 2022, la région devrait bénéficier de plus de 2,7 milliards d’euros au titre des fonds « Next Generation EU ». Ces sommes visent à promouvoir « la transition écologique et la transformation numérique ». Des projets sont en cours de développement pour produire de l’hydrogène vert ou créer un hub mondial de la protéine alternative (substitut à la viande). Des entreprises catalanes comme Heura Foods, Flax & Kale, Zyrcular Foods ou Nova Meat sont toutes des références dans le secteur alimentaire européen.
Pour Roger Torrent, Ministre des Entreprises et du Travail, il s’agit « de devenir plus vert, plus numérique et plus résilient », afin de permettre à la Catalogne « de devenir à l’échelle mondiale un acteur pertinent ».
Chambre de commerce de Barcelone : Première représentante des entreprises catalanes
La Chambre de commerce de Barcelone est une organisation créée originellement en 1986. Elle est la seule institution représentant les entreprises dans la ville de Barcelone et la province du même nom. S’il existe un Conseil général des Chambres de commerce, créé en 2002, qui rassemble l’ensemble des 13 Chambres de la Généralité de Catalogne, celle de Barcelone est de loin la plus importante. En effet, elle « inclut les deux tiers de l’ensemble des entreprises de Catalogne » (63,4 %, ndlr), précise Toni Fitó, son vice-président.
Ce corps consultatif, qui est une entité publique, collabore étroitement avec l’administration « pour l’ensemble des sujets touchant aux activités économiques ». La Chambre de commerce de Barcelone travaille aujourd’hui à étendre ses activités à l’international, dans le cadre du projet Catalunya 2030-2040. Des 15 axes qui le composent, l’international en est le principal. « En 2020, 14 accords commerciaux ont été signés, dans 13 pays différents, et 10 nouveaux accords sont à venir », explique Elisabeth Camprubí, la directrice du développement international de la Chambre. Tout est mis en œuvre pour soutenir les entreprises catalanes souhaitant étendre leurs activités à l’international, et attirer de nouveaux membres en Catalogne, notamment via la plateforme Landing 360, principalement destinée aux startups et aux grandes entreprises à haute valeur ajoutée.