C’est devenu un lieu commun que de dire que la RDC peine à amorcer son décollage socioéconomique. Pourtant, quantité de « thérapies » ont été proposées au « grand malade ». Sans succès. Tel Archimède avec son « Eurêka », le Président Tshisekedi vient donc de lancer le Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145T). Objectif : développer ce pays-continent par la base. Pour que décentralisation rime enfin avec projets de développement.
Par Mudang Nzam
Pour le 2e plus grand pays d’Afrique en termes de superficie, rapprocher le gouvernant du gouverné n’est pas une option. La décentralisation est donc un impératif existentiel. Une condition sine qua non pour développer ce géant encore aux pieds d’argile. La Constitution congolaise du 18 février 2006 a institué le régionalisme constitutionnel comme forme de l’État. En somme, un système à califourchon entre l’unitarisme fortement décentralisé et le fédéralisme. Le souci du constituant a été de rendre les provinces suffisamment autonomes dans nombre de domaines (éducation, santé, agriculture…), tout en veillant à ce qu’elles concourent au renforcement de l’unité nationale.
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Dans ce cadre, le nombre de provinces est passé de 11 à 26 et elles disposent, chacune, d’un parlement et d’un gouvernement. Sous des provinces, des Entités territoriales décentralisées (ETD) ont vu leur pouvoir renforcé, histoire de tordre le cou au jacobinisme hérité des années Mobutu qui faisait de la capitale Kinshasa l’alpha et l’oméga de ce pays aux dimensions d’un sous-continent.
Débarrassé des pesanteurs du début de son quinquennat, Félix Tshisekedi vient d’entreprendre une vraie décentralisation avec l’espoir d’un transfert réel des compétences et surtout des ressources aux régions et, in fine, aux ETD. Même s’il est vrai que toutes les provinces ne sont pas logées à la même enseigne en termes de capacités productives. Sur 26, à peine quatre sont financièrement fiables ― en l’occurrence le Kongo central avec ses deux ports (Matadi et Banana), Kinshasa, ainsi que les deux provinces minières du Katanga (le Haut-Katanga et le Lualaba). Et aussi, dans une moindre mesure, le Nord-Kivu.
Le reste des provinces, issues du démembrement des anciennes provinces, sont, comme le reconnaît le Gouvernement, encore d’essence rurale. Et affichent des niveaux de pauvreté supérieurs à la moyenne nationale qui est, selon le PNUD, de 64,5 %.
Le PDL-145T
Dans ces conditions, décentralisation et grands travaux dans les provinces riment forcément avec satisfaction des besoins sociaux de base. C’est pourquoi le Gouvernement a initié le PDL-145T. Selon le Président Tshisekedi, ce programme vise « à promouvoir l’émergence des économies des territoires et à améliorer les conditions et cadres de vie des populations rurales à travers des investissements publics massifs ».
Changement de paradigme de développement
Il s’agit donc pour le Chef de l’État de changer de paradigme en mettant le curseur sur le développement par la base, la particularité de cette approche étant que les priorités d’actions à mener sont « définies par les bénéficiaires eux-mêmes dans le cadre d’un processus consultatif et participatif des acteurs de ces 145 territoires », précise Félix Tshisekedi. Ces actions touchent principalement cinq secteurs de base : l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation et les routes de dessertes agricoles.
Trois territoires pilotes
De la parole à l’acte : le Premier ministre Sama Lukonde Kyenge a effectivement lancé ce programme le 9 octobre 2021 à Lonzo, un territoire situé à 40 km de Kenge, chef-lieu de la province, encore rurale, du Kwango, et à 300 km à l’est de Kinshasa. Il a donné le la de la construction d’un centre d’adduction d’eau motorisée. Il a aussi procédé au démarrage des travaux de réhabilitation et d’entretien de 95 km de pistes de dessertes agricoles. Le Chef du Gouvernement a également posé la première pierre d’un bâtiment devant abriter les bureaux de l’administrateur du territoire de Kenge 2. Pour ce qui est du volet sanitaire, l’hôpital de référence de Kenge et l’Institut supérieur des techniques médicales (ISTM) figurent parmi les projets retenus sur le front de la réhabilitation des infrastructures de base.
Après le Kwango, cap sur l’hinterland ouest de la capitale avec la virée du Premier ministre sur Kimpese, territoire de Songololo, dans la province du Kongo central. Dans cette cité située à 217 km de Kinshasa, quatre projets d’intérêt communautaire ont été initiés.
Un milliard de dollars pour changer le visage des territoires
Par cette sortie dans deux provinces de la RDC, le Gouvernement entend, sous l’autorité du Président Tshisekedi, démarrer son vaste programme de développement à la base. À la Primature, on déclare disposer d’un chronogramme pour l’ensemble des actions retenues pour chacun de 145 territoires. Leur coût global estimatif est de 1 660 101 312 dollars. Ce sont les entreprises chinoises déjà à l’œuvre dans quantité de grands travaux d’infrastructures en RDC qui vont se charger, de concert avec l’expertise et la main-d’œuvre congolaises, de la réalisation de ce vaste chantier.
Projet Tshilejelu : construction et/ou réhabilitation des routes, écoles et hôpitaux
Bien avant le PDL-145T, les Congolais ont assisté au début de la matérialisation des travaux de construction et/ou de restauration des infrastructures routières, scolaires et sanitaires du projet Tshilejelu. Ce dernier, qui concerne dans un premier temps la ville de Kinshasa et les provinces du « Grand Kasaï », s’étend sur une durée de 12 mois avec un budget de 138 millions de dollars, dont 20 millions venant de l’entreprise chinoise CREC-7.
Pour ce qui est de la région du Kasaï, des sources officielles font état d’un taux de réalisation oscillant entre 40 et 50 % pour chaque projet en 3 mois de travaux. Il s’agit, pour la ville de Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï oriental à environ 1 000 km de Kinshasa, de réhabiliter deux hôpitaux de référence (de la Muya et Saint-Jean-Baptiste de Kansele) et la banque de sang locale. Une école a été retenue à Mbuji-Mayi et une autre dans le territoire de Kabeya-Kamwanga, à une soixantaine de kilomètres de la capitale provinciale, pour des travaux. Ces différentes infrastructures seront dotées d’équipements modernes et alimentées en eau potable par des forages, des châteaux d’eau et des bornes-fontaines. Le financement se faisant graduellement, 3 millions de dollars ont été débloqués jusqu’ici en faveur des entreprises locales.
Capitale mondiale du diamant, Mbuji-Mayi bientôt électrifiée !
En paraphrasant l’explorateur britannique Henry Morton Stanley, on pourrait dire que sans électricité, Mbuji-Mayi ne vaut pas un penny. Le Président Tshisekedi entend mettre un terme à ce qui avait tout l’air d’être une « malédiction du diamant ». C’est ainsi que des travaux se multiplient pour résoudre une fois pour toutes la sempiternelle question du courant électrique. La principale ville du Kasaï oriental sera dotée dans les prochains mois de la centrale photovoltaïque de Tshipuka, de 10 MW. Le consortium égyptien Hassan Allam, chargé de la construction de l’ouvrage, a commencé les travaux préliminaires.
Au Fonds de promotion de l’industrie (FPI), le directeur général ad intérim de cet établissement public financier congolais est à la fois volontariste et déterminé : « Nous voulons l’électrification de la ville de Mbuji-Mayi le plus rapidement possible et cette équipe qui a déjà commencé le travail sur le terrain a fait le balisage sur là où on doit installer les centrales solaires. Ils sont déjà à Mbuji-Mayi depuis bientôt un mois. Les autres équipes viennent d’arriver ici. Elles ont déjà commencé. Le travail de fondation prend toujours du temps, mais l’élévation des murs va très vite. »
Au Katanga, le barrage de Busanga fin prêt
Si au Kasaï l’espoir renaît avec la construction en cours de la centrale de Tshipuka et la relance annoncée du barrage de Katende pour la partie occidentale (Kananga et Tshikapa), dans le « Grand Katanga », le barrage de Busanga est fin prêt. D’une capacité de 240 MW, cette centrale hydroélectrique est le fruit de la coopération congolo-chinoise incarnée par la joint-venture Sicohydro S.A. Si ce renfort en électricité va booster l’industrie minière dans le Katanga, il n’en demeure pas moins vrai que les populations locales bénéficieront en plus de retombées avec l’amélioration de leurs conditions de vie. L’électrification des contrées environnantes ouvre la voie à la libération de l’initiative privée locale.
Un autre chantier majeur à signaler, sur le même front de l’énergie électrique, gage de tout développement, est la construction à l’ouest de Kinshasa d’un poste de 220 KV. Une fois terminé, ce poste devrait recevoir 150 MW de la centrale de Zongo II en vue d’élargir l’offre en desserte électrique de la ville de Kinshasa. Sur les plus de 10 millions d’habitants de la tentaculaire capitale congolaise, 2 millions d’âmes vont être desservies par ce poste électrique de Kinsuka. D’une durée de 24 mois, les travaux ont été lancés par le Président de la République le 27 juillet 2021. C’est la société chinoise Shanghai Electric qui est le maître d’ouvrage.
Certes, à l’échelle de la RDC ces chantiers peuvent paraître a priori comme une goutte d’eau dans un océan de défis. Mais ils attestent de la détermination du Chef de l’État de jeter les bases du décollage du plus grand pays francophone d’Afrique subsaharienne. « Un chemin de 1 000 lieues commence toujours par un premier pas », comme dit un proverbe chinois.