Dans un contexte de forte concurrence économique entre les pays à l’échelle mondiale, l’importance des échanges bilatéraux entre la France et le Kazakhstan ne se dément pas. Alors que les deux États ont célébré cette année le 30eanniversaire de leurs relations diplomatiques, les coopérations dans nombre de domaines perdurent, voire s’intensifient.
Par Marie Forest
En décembre 1991, le Kazakhstan obtenait son indépendance de l’Union soviétique. Dès le 25 janvier 1992, la France fut parmi les premiers pays à reconnaître la souveraineté du nouvel État. Depuis cette date, des relations fortes se sont nouées, régulièrement entretenues par des contacts parlementaires, ministériels et présidentiels — pas moins de treize visites présidentielles bilatérales ont eu lieu depuis 2009. Ces relations ont été dynamisées par la signature, en 2008, d’un Accord de partenariat stratégique, entré en vigueur en 2010.
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Coopération politique et diplomatique
Le soutien de Paris à Astana au sein des institutions internationales montre la haute estime mutuelle qui lie les deux pays. Le gouvernement français a appuyé, en 2010, la candidature du Kazakhstan à la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), lui permettant de devenir le premier État post-soviétique à se voir confier ce poste. Il a également été parmi les premiers à le proposer au poste de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour 2017-2018.
De son côté, au travers de sa politique étrangère multivectorielle, Astana soutient de nombreuses initiatives de Paris portant sur le développement durable, l’agenda climatique, la lutte contre le terrorisme ou la non-prolifération des armes nucléaires, et des traités bilatéraux sont ratifiés dans des domaines aussi variés que la gouvernance publique, le combat contre la corruption, la lutte contre la criminalité, l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, etc.
Le dialogue politique est de fait constant, avec comme fil rouge des consultations annuelles organisées entre les ministères des Affaires étrangères des deux nations. Le mois de juin 2022 fut particulièrement riche en ce sens : alors que la France exerçait la présidence de l’Union européenne, les deux ministres se sont réunis à Bruxelles pour définir de nouvelles orientations de l’interaction bilatérale et au sein des organisations internationales ; quelques jours plus tard, le Vice-Ministre kazakhstanais des Affaires étrangères, Roman Vassilenko, a été reçu au Quai d’Orsay pour discuter de projets concrets dans les différents domaines de cette coopération prometteuse. De plus, en vue de renforcer sa présence diplomatique en France, le Kazakhstan a ouvert, en mai 2020, un Consulat général à Strasbourg.
Coopération économique et commerciale
Le Kazakhstan est le 1er partenaire commercial de la France en Asie centrale, laquelle fait partie des dix premiers investisseurs étrangers au Kazakhstan. L’énergie et l’industrie sont les piliers de ces relations. Paris importe massivement des hydrocarbures (90,5 % des échanges bilatéraux totaux concernent le pétrole) et de l’uranium, et son premier poste d’exportation est constitué d’équipements de transport (33 %), principalement du matériel ferroviaire roulant. La coopération aérospatiale est également étroite. Astana importe des aéronefs et des engins spatiaux, et accueille souvent des spationautes français à Baïkonour. Les préparations pharmaceutiques transitent aussi de la France vers le Kazakhstan.
Il est bien connu que la diplomatie économique va de pair avec le dialogue politique. Ainsi, en juin dernier, les membres des deux gouvernements assurant les fonctions des co-présidents de la Commission mixte pour la co-
opération économique ont également remis leurs pendules à l’heure sur la mise en œuvre des projets prioritaires d’envergure stratégique à l’occasion de leur rencontre à Paris.
En mai 2021, une Feuille de route bilatérale de coopération économique et d’investissement courant jusqu’en 2030 a été signée. Ont été évoqués à cette occasion des projets communs dans les secteurs de l’énergie, l’eau, l’agriculture, le logement, la santé, l’automobile, les satellites spatiaux… L’Agence française de développement (AFD) a signé avec le ministère kazakhstanais de l’Économie un protocole d’intention dans le secteur de la santé et un protocole de coopération.
Coopération entrepreneuriale
Au niveau des entreprises, le média Eutalk a recensé en 2021 environ 170 établissements au Kazakhstan dépendant de capitaux français. Cela concerne de grands groupes, comme Total, Orano, Alstom, Danone ou Vicat, récemment rejoints par Saint-Gobain et Decathlon, ainsi que des PME, ces dernières œuvrant à des projets conjoints d’envergure régionale. Selon Moukhtar Tleouberdi, Vice-Premier ministre du Kazakhstan, « compte tenu des besoins du Kazakhstan et des opportunités françaises […], il existe un potentiel important. L’agriculture, la digitalisation et les énergies alternatives ont été identifiées comme des domaines prioritaires [où il y a] de réelles perspectives de synergie. »
Un accord de 100 millions d’euros a été ratifié entre la banque d’investissement BPI France et le fonds souverain national de protection sociale Samruk-Kazyna pour financer des projets communs dans les deux pays.
Coopération scientifique
La « diplomatie scientifique » est pour la France un vecteur de développement et un outil de dialogue entre les peuples. À ce titre, l’Ambassade de France au Kazakhstan s’investit dans la coopération scientifique bilatérale. Cela passe notamment par des échanges entre chercheurs et la création de réseaux en vue de générer des partenariats. Les domaines concernés sont très divers. Par exemple, Total et l’université Nazarbaïev mènent en synergie des projets de recherche sur l’énergie solaire, Kazatomprom et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont noué un partenariat industriel, le centre franco-kazakhstanais Géo-Énergies travaille sur les industries extractives (sources d’énergie fossiles, uranium). En médecine, des équipes françaises et kazakhstanaises travaillent de concert sur des thématiques ayant connu des avancées récentes (oncologie, vieillissement cellulaire). Dans le secteur de l’élevage, des études conjointes portent sur les laits non conventionnels.
Coopération universitaire
Les partenariats entre les deux pays englobent aussi l’enseignement supérieur. L’Institut Sorbonne-Kazakhstan (ISK), inauguré à Almaty en 2014, est issu d’une collaboration entre l’Université Sorbonne Paris Cité (USPC) et l’Université kazakhe nationale pédagogique Abaï (KazNPU). Ce fut le premier établissement de ce genre en Asie centrale. Un programme franco-kazakhstanais de bourses, « Abaï-Verne », a été créé pour favoriser la mobilité des étudiants kazakhstanais. Le projet socioculturel « L’Automne kazakhstanais en France », initié en 2018, se poursuit. Il permet de faire connaître la richesse culturelle du Pays des steppes, et d’augmenter les flux touristiques en provenance de l’Hexagone. Parallèlement, le programme « Revitalisation de la langue française en Asie centrale » a été mis en place, en 2020, afin de former des enseignants de français à destination des écoles kazakhstanaises. Les premières Olympiades régionales du français en Asie centrale se sont tenues dès l’année suivante. Enfin, en 2021, Vatel, classée 1re école en France dans la catégorie « Hospitality and Leisure management » par le QS World University Rankings, a signé un accord avec l’International University of Tourism and Hospitality (IUTH) de Turkestan, dans le sud du Kazakhstan, pour parfaire la formation en management hôtelier dans le pays. La reconnaissance mutuelle des diplômes et grades universitaires est en cours.
Coopération culturelle
En matière de coopération culturelle, tous les domaines artistiques et intellectuels sont couverts : musique, théâtre, danse, littérature, patrimoine… La plateforme culturefrance.kz, qui regroupe le service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France, les Alliances françaises (présentes à Astana, Almaty, Chymkent, Karagandy et Kostanaï) et le Réseau culturel français au Kazakhstan, est très active. Dans l’Hexagone, diverses initiatives ont été mises en place pour valoriser la langue et la culture kazakhes et développer les interactions bilatérales, comme le Centre culturel kazakh Korkyt-Abaï auprès de l’Ambassade du Kazakhstan à Paris.
En décembre 2021, les capitales française et kazakhstanaise ont signé un Pacte de coopération. Ainsi, Astana est devenue la première capitale en Asie centrale à obtenir un tel partenariat privilégié avec Paris. La cérémonie solennelle de signature tenue à l’Hôtel de Ville a été suivie d’un autre évènement marquant le 30e anniversaire des relations diplomatiques bilatérales. Il s’agit de l’inauguration d’un buste à l’effigie du grand poète, compositeur et philosophe kazakh Abaï Kounanbaïouly, dans le square des Poètes situé dans le 16e arrondissement de Paris. « Le Kazakhstan, par le biais de son ambassadeur Jean Galiev, nous a donné beaucoup de preuves d’amour et nous avons entendu leur désir de coopération. […] Sur la scène internationale, le Kazakhstan est de plus en plus présent avec l’abolition de la peine de mort, une ouverture sur la question des droits humains et une volonté de se tourner vers l’Europe », a déclaré Arnaud Ngatcha, adjoint aux relations internationales et à la Francophonie à la Mairie de Paris