Le Chef de l’État sénégalais est, jusqu’en février 2023, le président en exercice de l’Union africaine. Depuis le début de cette année complexe du point de vue géopolitique, il a marqué de son empreinte l’institution panafricaine.
Par Stanislas Gaissudens
Le 20 septembre dernier, lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, Macky Sall a tenu, à la tribune des Nations unies, un discours marquant. Pour le Chef de l’État sénégalais, il devient urgent de rendre au continent africain la place qui lui revient de droit. Il s’agit là d’une question de justice et d’équité.
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Rééquilibrer la gouvernance mondiale
« Près de 80 ans après la naissance du système des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods, il est temps d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps »,a déclaré Macky Sall lors de son discours. Le continent africain, peuplé de plus d’1,4 milliard d’habitants, reste en effet largement sous-représenté dans les instances de décision internationales, et cela alors que l’Afrique occupe une place centrale concernant toutes les grandes questions géopolitiques de la planète : réchauffement climatique, terrorisme, sécurité alimentaire, ressources naturelles, etc. Le président de l’UA ne cesse de plaider pour une représentation plus importante du continent, notamment au G20 et au G7, et surtout au Conseil de sécurité des Nations unies.
À l’Assemblée des Nations unies, la guerre en Ukraine était au cœur des conversations. Macky Sall a mis en garde les chefs d’État et de gouvernement présents à New York : « Je suis venu dire que l’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire, qu’elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide, mais plutôt un pôle de stabilité et d’opportunités », a-t-il déclaré. D’une manière générale, dans ce conflit, les États africains ne veulent pas prendre parti, en dépit des pressions qui pèsent eux, à l’image du « Countering Malign Russian Activities in Africa Act » (loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique) voté le 27 avril aux États-Unis, et qui pourrait faire tomber sous le coup de sanctions commerciales les pays africains jugés, au regard de cette loi, sous influence russe.
La guerre en Ukraine a un impact direct sur les économies africaines et surtout sur les populations, du point de vue alimentaire. Plus de la moitié des États du continent dépendent des importations de blé d’Ukraine ou de Russie. Macky Sall a rencontré le Président russe Vladimir Poutine à Sotchi le 3 juin pour plaider la cause du continent africain. Les discussions ont abouti à un accord le 22 juillet, permettant de libérer les céréales bloquées dans le port d’Odessa.
Justice économique
« La crise actuelle rend encore plus évidente notre vulnérabilité en matière de sécurité alimentaire ; un paradoxe pour un continent qui détient 60 % des terres arables, d’importantes ressources hydriques et une abondante main-d’œuvre productive. Il y a urgence à mobiliser des investissements massifs, pour une production agricole conséquente en Afrique », a affirmé Macky Sall à la 4e Réunion de coordination de l’Union africaine. Alors que toutes les conditions semblent réunies pour que l’Afrique se suffise à elle-même, et même exporte ses denrées vers le reste du monde, la question de la sécurité alimentaire reste existentielle sur le continent.
Le 25 mars 2021, Macky Sall appelait la communauté internationale à annuler la dette des États africains, afin « d’accompagner la résilience du continent ». Parvenu à la tête de l’UA, son discours n’a pas changé puisqu’il a demandé, lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre dernier, la réallocation de Droits de tirage spéciaux du FMI et la mise en œuvre de l’initiative de suspension du service de la dette du G20.
Il faut, selon lui, que les pays industrialisés aident l’Afrique, continent le moins pollueur, à s’adapter, et qu’ils cessent de donner des leçons. « La transition, c’est pour ceux qui ont de l’énergie. On n’a pas encore suffisamment d’énergie, car plus de 600 millions d’Africains vivent sans énergie. […] Nous faisons du mix énergétique au Sénégal et nous sommes à 31 % de notre production en énergie renouvelable. Très peu de pays développés ont même atteint le taux de 18 % », a soutenu Macky Sall le 1er septembre à la cérémonie d’ouverture de la conférence-exhibition MSGBC Oil, Gas & Power. Nombre de pays africains ont déjà atteint les recommandations de l’Accord de Paris. C’est pourquoi, lors de la 4e Réunion de coordination de l’UA tenue à Lusaka (Zambie) le 17 juillet, le Chef d’État sénégalais a estimé devant ses pairs qu’il était « tout à fait légitime que [leurs] pays réclament une transition énergétique juste et équitable ».
Un engagement pour la paix
L’une des grandes préoccupations du président de l’UA, depuis le début de sa présidence en février 2022, est la question sécuritaire. Le terrorisme est un sujet d’inquiétude alors que trois coups d’État ont eu lieu entre 2020 et 2022 en Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée Conakry et Burkina Faso). Dans sa mission de médiateur de l’UA, le Président sénégalais s’est engagé à soutenir les processus de maintien de la paix et de transition politique, au Soudan du Sud, au Tchad, en Éthiopie, au Mali ou encore au Burkina Faso.
D’une manière générale, l’engagement pour la paix de Macky Sall n’est plus à démontrer. Il est à l’origine du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, créé au lendemain du Sommet Afrique-France de 2013. Ce dernier est devenu un espace de dialogue et de réflexion incontournable autour des problématiques de paix et de sécurité. Si la paix est une préoccupation de l’UA, il en va aussi de la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations unies. « Lorsque le terrorisme a été vaincu en Syrie, eh bien, il s’est déporté en Afrique, qui est en train de devenir le ventre mou de la lutte contre le terrorisme. […] Paradoxalement, lorsqu’il s’est agi de l’Afghanistan, on a pu bâtir une coalition mondiale avec plus de 100 000 soldats mobilisés. Quand c’est le Sahel, ça fait 12 ans que nous plaidons auprès du Conseil de sécurité pour qu’il y ait une prise en charge plus forte », a confié Macky Sall à la radio internationale allemande Deutsche Welle, à l’occasion de son passage à Paris le 16 février.
Le Chef d’État sénégalais a appelé le 20 septembre à une action collective urgente pour apaiser les tensions, soigner la planète, réduire les inégalités Nord-Sud persistantes et redonner sens au multilatéralisme. « Nous n’ignorons pas l’Afrique des problèmes, qu’il faut pacifier et stabiliser […], mais il existe aussi une Afrique des solutions, forte de ses ressources naturelles, humaines et agricoles, dotée de gouvernements à la tâche, d’une jeunesse vibrante et créative, qui innove, entreprend et réussit », a-t-il conclu.