Umaro Sissoco Embaló : l’espoir de redresser la Guinée-Bissao
Dans un pays épuisé par les crises politiques, l’élection d’Umaro Sissoco Embaló apparaît comme un remède aux maux endurés. Le nouveau Président de la Guinée-Bissao incarne un véritable espoir de renouveau.
Par Alice De Graeve © Présidence du Faso

Depuis son indépendance acquise en 1974, la Guinée-Bissao n’a connu aucune stabilité politique. Elle a été ébranlée par quatre coups d’État, 16 tentatives, ainsi que de fréquents changements de Premier ministre. Cette situation a considérablement freiné le développement du pays, entraînant pauvreté, climat d’insécurité, soit un terrain idéal à l’essor de pratiques illégales telles que le narcotrafic ou la corruption.
Pour les Bissaoguinéens, l’élection présidentielle de 2019 était un tournant, une chance pour le pays de mettre fin à cette situation de crise. Le 29 décembre, Umaro Sissoco Embaló a été élu au second tour, représentant cet espoir de stabilité et de croissance.
Un « homme de consensus national »
Certain d’être le Président dont la Guinée-Bissao a besoin, Umaro Sissoco Embaló déclare, dans un entretien donné à France 24 le 16 juillet 2020 : « Je suis un homme de consensus national. » Par ces mots, celui qui a été porté à la tête de l’État par 53,55 % des voix répond au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui a remis en cause les résultats du second tour de l’élection présidentielle et saisi la Cour suprême. Cette assurance d’Umaro Sissoco Embaló paraît légitime tant l’homme semble correspondre aux attentes de ses concitoyens.
Ces dernières années, un sentiment de défiance s’est élevé dans la population, notamment la jeunesse, qui déplore le manque de formation des hommes politiques et leur corruption. Concernant le premier point, Umaro Sissoco Embaló a siégé au sein de plusieurs gouvernements de Guinée-Bissao, ce qui lui a permis de se former, et de comprendre les besoins et les problèmes que rencontre le pays. Pour le second, il a vivement exprimé son opposition au PAIGC, se détachant ainsi des affaires de corruption qu’il promet de ne pas tolérer sous sa présidence. Il rejoint donc les attentes des Bissaoguinéens.
Umaro Sissoco Embaló se veut un Président unificateur, « rassembleur », à différents niveaux. Lors de sa campagne électorale, il s’est présenté comme un «musulman marié à une chrétienne». Par-là, il illustre l’entente entre l’islam, majoritaire dans le pays, et le christianisme, qui concerne entre 10 et 20 % de la population. Outre l’union des religions, il souhaite aussi impulser l’union de tous les Bissaoguinéens répartis dans le monde. Lors du débat d’avant-second tour, il a les a tous appelés à «contribuer au développement de ce pays martyrisé». Umaro Sissoco Embaló estime que dans une nation ébranlée par les crises politiques, la pauvreté et l’insécurité, l’union fait la force.
Retrouver une stabilité politique
Depuis son indépendance la Guinée-Bissao a été fragilisée par son instabilité politique, ce qui l’a empêchée de lutter contre la pauvreté ou le trafic de stupéfiants, phénomènes qui ont affaibli le pays. Ayant compris ce besoin de retour au calme, Umaro Sissoco Embaló a promis, lors de sa campagne, d’initier une réforme pour aller en ce sens. Le 11 mai 2020, il a annoncé la création d’une commission chargée de proposer un projet de révision de la Constitution, respectant ainsi la volonté de la Cedeao. Cette commission, composée de cinq membres, a pour mission de présenter un projet incluant la mise en place d’un système de gouvernement mieux adapté à la réalité politique de la Guinée-Bissao.
En effet, la Constitution aujourd’hui en vigueur dans le pays est jugée « imparfaite » par Umaro Sissoco Embaló, qui l’estime responsable de l’instabilité politique du fait de ses imprécisions et ambiguïtés. Entre autres, sa révision doit apporter une clarification du partage des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, partage qui a régulièrement provoqué ces dernières années des blocages institutionnels.
Selon la Constitution actuelle, le Premier ministre est issu de la majorité parlementaire. Or, lorsqu’Umaro Sissoco Embaló a été élu à la présidence de la République, le PAIGC détenait la majorité au Parlement. Interrogé à ce sujet sur France 24, le 21 janvier, il s’est dit prêt à travailler avec un Premier ministre issu du PAIGC pourvu qu’il soit utile pour le pays. Umaro Sissoco Embaló apparaît donc comme l’homme de la situation pour retrouver un système politique fonctionnel.
Libérer le pays de ses maux
En dehors de la fragilité du système politique, se pose, au sein des élites, le problème des accusations de corruption. La classe politique bissaoguinéenne est discréditée aux yeux d’une population - dont 70 % vivent avec moins de 2 dollars par jour -, lassée des turpitudes qui s’y exercent. Dans l’entretien accordé à France 24, Umaro Sissoco Embaló affirme s’être déjà impliqué dans cette lutte en ayant mis en place «une police judiciaire, des militaires et des gendarmes pour combattre la corruption, d’abord, et les narcotrafiquants ». Le Président affirme d’ailleurs que le pays est aujourd’hui libéré du narcotrafic, et il se montre déterminé à ne pas laisser cette activité ressurgir sur le territoire national : « La Guinée-Bissao ne sera jamais une plaque tournante, ou la base pour stocker les drogues pour l’Europe. »
La crise sanitaire mondiale de la Covid-19 a révélé, plus que jamais, la précarité du secteur de la santé dans le pays. Les hôpitaux sont peu nombreux, n’ont pas le matériel nécessaire à une bonne prise en charge de tous, et le personnel hospitalier se met lui-même en danger. Umaro Sissoco Embaló entend donc développer le système sanitaire. L’une de ses priorités est d’ériger un hôpital de référence - projet qui a été retardé par la pandémie.
Le Chef de l’État a aussi, depuis sa prise de fonctions, entrepris un intense lobbying diplomatique auprès de l’Europe, de la Turquie ou encore de la Chine pour encourager les partenaires internationaux à venir investir en Guinée-Bissao et aider au développement du pays.
Enfin, comme l’ont constaté ses homologues africains lors du dernier sommet extraordinaire de la Cedeao consacré à la situation au Mali, le 20 août, le Chef d’État bissaoguinéen a pris des positions fortes en indiquant que l’Afrique ne pouvait qu’évoluer et trouver la stabilité si les Présidents respectaient leurs constitutions et ne cherchaient pas à se maintenir au pouvoir indéfiniment. Le style Embaló est donné : il représente, sur le continent, un exemple de Chef d’État moderne et attaché à la démocratie, dans la lignée d’autres Présidents comme Macky Sall ou Félix Tshisekedi.