Luis Abinader : le nouvel espoir de la République dominicaine
Après 16 ans de gouvernance, le Parti de la libération dominicaine a été vaincu lors de l’élection présidentielle du 5 juillet 2020. Luis Abinader, candidat du Parti révolutionnaire moderne, est arrivé à la tête du pays, incarnant l’espoir de voir le milieu politique évoluer et que le pays soit libéré de toute forme de corruption.
Par Alice De Graeve © AFP - ORLANDO BARRIA

La victoire du Parti révolutionnaire moderne (PRM) lors des élections municipales du 15 mars dernier annonçait déjà le déclin du Parti de la libération dominicaine (PLD), qui avait remporté quatre mandats présidentiels consécutifs. Luis Abinader et le PRM, qu’il a fondé en 2014, ont su entendre le désir de changement qui s’est élevé au sein de la population.
Au cours d’une campagne perturbée par la crise sanitaire du coronavirus, Luis Abinader s’est démarqué de ses deux adversaires. En effet, Gonzalo Castillo, candidat officiel du PLD, ainsi que Leonel Fernandez, ancien allié de l’ex-Président du PLD Danilo Medina, ne pouvaient répondre au changement tant attendu par les Dominicains. Luis Abinader apporte un vent de fraîcheur par dans le milieu politique national.
Un second souffle
L’exercice d’un 3e mandat étant prohibé par la Constitution dominicaine, Danilo Medina devait quitter la présidence du pays en août 2020. Cependant, pour la première fois depuis 2004, le candidat du PLD ne lui a pas succédé. Le peuple a profité de cette élection pour manifester son mécontentement après des mandats marqués par la corruption. Le chef de l’opposition, Luis Abinader, s’est démarqué de ses adversaires en se positionnant contre le PLD et les abus qui avaient cours dans le monde politique. Pour la population, le Président fraîchement élu représente un véritable espoir de restauration de la probité.
Ces dernières années, des scandales ont effectivement ébranlé le pouvoir. Celui d’Odebrecht (affaire de corruption entre cette entreprise brésilienne de BTP et des personnalités politiques de tout bord) a fait descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues en janvier 2017 pour des « marches vertes ». Odebrecht a reconnu avoir versé des commissions à de nombreux dirigeants en Amérique latine en échange de l’obtention de marchés publics. L’entreprise brésilienne a notamment distribué 92 millions de dollars en République dominicaine. La campagne électorale de Danilo Medina aurait ainsi été partiellement financée par Odebrecht.
Luis Abinader a compris l’envie de « dégagisme » de la population envers une classe politique corrompue. Lors de sa campagne, il a prôné le changement au travers de son slogan « ¡El Cambio Va! » (« Le changement est en route ! »). Puis, dès sa prise de fonctions, il s’est rallié au slogan « Estamos Cambiando » (« nous changeons »), se revendiquant comme l’incarnation même de ce changement. Le nouveau Président dominicain suscite beaucoup d’espoir, tant à l’intérieur des frontières qu’au-delà, où il apparaît déjà comme une icône de la lutte contre la corruption. Il a nommé un procureur indépendant chargé d’identifier les personnes corrompues dans le pays, faisant de la lutte contre ce phénomène sa priorité : il souhaite l’éradiquer du territoire.
Un espoir socioéconomique
L’arrivée de Luis Abinader à la tête du pays pourrait également correspondre à une avancée sociale. Très rapidement, le Président dominicain s’est exprimé en faveur de la dépénalisation de l’avortement en cas de viol, de danger pour la vie de la femme enceinte ou de mal-formation du fœtus. Cela correspond à un vrai bouleversement dans un État où l’interruption volontaire de grossesse est formellement interdite, et ce quelles que soient les circonstances. Le Président a aussi promis d’œuvrer pour améliorer l’éducation et renforcer la sécurité dans le pays.
Luis Abinader représente également l’espoir d’un redressement de la situation économique. Si la République dominicaine a connu, ces dernières années, la plus forte croissance d’Amérique latine et des Caraïbes (5 % en 2019), la crise sanitaire mondiale ne l’a pas épargnée. En avril 2020, son PIB s’est contracté de 29,8 %, et une récession de 5 % est prévue sur l’année. Le Chef de l’État, conscient qu’il s’agit là de l’un de ses principaux défis, a annoncé chercher des financements internationaux pour stabiliser la monnaie locale, le peso dominicain. Il s’est engagé à créer plus de 600 000 emplois au cours de son mandat, ce qui permettrait à la population de se relever économiquement de la crise de la Covid-19.
La relance économique par le tourisme
Pour éviter au pays un effondrement économique, Luis Abinader table notamment sur le secteur touristique. En République dominicaine, il représente 8 % du PIB, et est donc essentiel. Or, la fermeture des frontières, du 20 mars au 30 juin, du fait de la pandémie, lui a été très préjudiciable. À cela s’ajoute la peur de voyager qui reste très présente à l’échelle internationale, ainsi que les contraintes supplémentaires liées aux mesures de précaution qui viennent dissuader les touristes de quitter leur pays.
Ayant compris la nécessité et l’urgence de relancer ce secteur, le Chef de l’État a nommé le 16 août, à la suite de sa prestation de serment qui a eu lieu le même jour, le nouveau Ministre du Tourisme, David Collado. Ce dernier a été maire de la capitale, Saint-Domingue, d’août 2016 à avril 2020. Durant cette période, il a fortement œuvré au rayonnement de la ville par sa contribution à la sauvegarde et à la mise en valeur des sites touristiques, et notamment la réhabilitation des parcs et des centres de loisirs de Saint-Domingue.
Le Président et le Ministre du Tourisme ont élaboré un « Plan pour une relance responsable du tourisme », en collaboration avec l’Association nationale de l’hôtellerie et du tourisme (Asonahores). Le Chef de l’État le présente comme une recherche d’équilibre entre la relance de l’économie et la protection de la santé de tous : « Notre objectif est de minimiser les effets de la pandémie et de favoriser une relance responsable qui donne la priorité à la santé, optimise le potentiel de création d’emplois et de croissance économique, et encourage le secteur à poursuivre son développement de manière durable. » David Collado a, par la suite, détaillé les mesures qui constitueront ce Plan. Ainsi, un résultat négatif au test Covid-19 ne sera plus nécessaire avant tout séjour. À partir de septembre, des tests aléatoires sont effectués à l’arrivée sur le territoire. La distanciation sociale et le port du masque sont rendus obligatoires. Une assistance voyage est prévue, incluant la prise en charge, pour les urgences, de l’hébergement en cas de séjours prolongés. Cette assurance sera financée en totalité par l’État et sera fournie, sans frais supplémentaires, à tous les touristes jusqu’en décembre 2020. Par ce Plan, le Président dominicain souhaite limiter au maximum l’impact de la crise sanitaire sur le tourisme et, de ce fait, sur l’économie nationale.
Luis Abinader devra tenir ses promesses et faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours des quatre prochaines années, afin de répondre au désir de changement de la population dominicaine.